Journal C'est à dire 230 - Mars 2017
L E P O R T R A I T
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Morteau
Le Doubs lui doit quelque chose À l’âge de 5 ans, Yoann Chatot perd tragiquement son père victime d’une noyade alors qu’il pêchait au niveau de la Nautique à Morteau. 36 ans après, le responsable de la vie scolaire au collège Jeanne-d’Arc est aussi guide de pêche.
S a vie est intimement liée à la rivière, celle-là même qui lui a retiré son papa. C’était il y a 36 ans. Alors âgé de 5 ans, Yoann perd son père emporté dans le Doubs au niveau des méandres de la Nautique, à Morteau, où la profondeur avoisine les 2 mètres. Sa passion pour la pêche qu’il avait embrassée dès l’âge de 3 ans aurait pu s’arrêter là. Que nenni. Yoann est un mordu doté d’un sens de l’eau unique. Il l’est l’un des rares dans le secteur à sortir de l’eau - le même jour sur le secteur de l’A.A.P.P.M.A. - deux brochets d’1,19 m et 1,24 m. Les deux spécimens ont été remis à l’eau. Pas une semaine, pas un jour même, ne passe sans que Yoann enfile ses bottes pour se rendre sur les berges ou dans sa barque. Une passion dévorante sur pause le dimanche pour profiter
de la famille. Il a tout de même trans- mis le virus à Lyvann, son fils (10 ans), passionné de pêche à la mouche. “Entre moi et le Doubs, on a un rapport par- ticulier… Il me doit quelque chose” concède avec une grande humilité Yoann (41 ans) lorsqu’on l’interroge sur ce ter- rible fait divers. Dans sa voiture, de couleur bleue for- cément, la canne à pêche n’est jamais très loin. Plus qu’un disciple de Saint- Pierre, Yoann est une sentinelle de la rivière, un pêcheur avide de trans- mettre les bons gestes - surtout en matière d’environnement - aux plus jeunes générations. Un réel intérêt des bambins se fait sentir dans le Val de Morteau autour de la discipline. Yoann, avec l’association locale pré- sidée par Philippe Grosso, n’y est pas étranger. L’association de pêche et de protection des milieux aquatiques de Morteau a par exemple réservé le sec- teur du pont de Morteau (route de Montlebon) aux jeunes. Elle alevine en conséquence histoire que les appren- tis disciples de Saint-Pierre aient du fil à retordre avec un poisson. Yoann, titulaire d’un diplôme de guide de pêche depuis trois ans, est surtout à l’ini- tiative de la création de la section pêche au collège Jeanne-d’Arc. “Il me deman- dait de pouvoir suivre une formation de guide de pêche, se souvient le direc- teur du collège Jean-François Battlog. Compliqué pour un petit établissement
comme le nôtre de se séparer pendant une année de son Responsable de Vie Scolaire (C.P.E. dans le public) - pos- te-clé dans l’établissement. Devant son insistance, sa motivation et aussi pour le remercier de sa qualité de son inves- tissement au quotidien mais pas vrai- ment convaincu par ses arguments sur les répercussions positives au niveau du collège, j’ai fini par accepter et lui accorder un “bon de sortie” pour suivre cette formation. Après trois années de fonctionnement, il s’avère que cette for- mation est en totale cohérence avec notre projet de développement durable qui nous tient à cœur” poursuit le res- ponsable d’établissement. Ouverte aux élèves de la 6 ème à la 3 ème , l’option est suivie par 23 enfants. Pas de mots d’absence pour manquer un cours. Yoann retrouve avec satisfaction “ses” anciens élèves au bord de l’eau autonomes et respectueux de l’envi- ronnement. “Aux enfants, je leur dis la vérité sur l’état de nos rivières. Ils sont d’ailleurs très attentifs. Lorsque je les conduis en minibus au bord de l’eau, aucun d’entre eux un ne laisse traî- ner un papier ou sa boîte d’asticots… Je leur dis aussi que le no-kill (relâ- cher le poisson), c’est bien, mais tant que nous n’avons pas réglé le problè- me de la qualité de l’eau, le problème ne sera pas résolu” témoigne le guide de pêche. Il demeure optimiste. La pri- se de conscience des élus, du monde
Yoann Chtatot, responsable de vie scolaire au collège Jeanne- d’Arc à Morteau est guide de pêche
lorsqu’il n’est pas
dans l’éta- blissement.
agricole, va dans le bon sens. D’ailleurs, son planning comme guide de pêche est complet pour cette année, preuve que des touristes sont encore inté- ressées pour venir taquiner la zébrée du Dessoubre ou de Goumois. “Ce sont des personnes qui viennent de toute la France et de Suisse.” Il conduit ses hôtes dans les “meilleurs” coins, abor- de les techniques de montage, tente de leur faire prendre le poisson de leur vie… Cela n’arrive pas toujours. “Heu- reusement dans les guidages que je pro- pose, j’arrive toujours à faire prendre du poisson” dit celui qui a créé une
micro-entreprise (bigupfishing). Vivre de sa passion n’est pas une fin en soi. D’ailleurs, peu de guides de pêche en Franche-Comté y parvien- nent. L’an dernier, en raison de condi- tions météorologiques très défavorables liées aux inondations, le guide a décom- mandé de nombreux séjours. V.R.P. de nos rivières, éducateurs des enfants, vendeur de rêve, le pêcheur a plusieurs casquettes dans sa caisse à pêche. Fina- lement, le Doubs le lui rend bien. n E.Ch.
Yoann et un brochet de 1,19 m pris dans le Doubs à Morteau. Sa passion.
Contact : www.bigupfishing.com
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