Journal C'est à dire 229 - Février 2017

D O S S I E R

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Gilley

La maison de santé victime de son succès Mise en service il y a 10 ans

P our Christophe Pode- vin, l’un des deux méde- cins qui exerce dans cet- te maison de santé, il a suffi d’un stage sous la hou- lette du Docteur Jeannier pour fixer son destin professionnel dans le Haut-Doubs. Originai- re de Haute-Saône, pas spécia- lement attiré par les grandes villes, il a vite été convaincu par le Haut-Doubs. “C’est un choix de vie familial où l’on voulait à l’initiative du Docteur Jean- nier aujourd’hui en retrai- te, cette structure privée fonctionne aujourd’hui en flux tendu avec l’espoir d’ac- cueillir un troisième géné- raliste à demeure.

d’incitations, d’aides à l’ins- tallation mais aussi plus de mouvement dans les structures en location.” Cette option d’un pôle médical a sans doute per- mis de sauvegarder l’offre de santé en pays sauget. Un ter- ritoire qui va connaître l’ex- pansion démographique liée à l’essor du travail frontalier. Plus d’habitants, plus de soins médi- caux en perspective. Donc poten- tiellement largement du travail pour deux médecins. “Au départ en retraite du docteur Jeannier, on a cherché et trouvé un rem- plaçant en la personne du Doc- teur Wattelier. Il vient du nord de la France et connaissait un peu le secteur pour y avoir fait quelques séjours dans son enfan- ce.”

j’arrive à me libérer le mercre- di pour être en famille. Revers de la médaille, les autres jour- nées sont très chargées. On essaie de tenir les horaires mais c’est tendu. La maison médicale n’est pas la solution idéale, il y a des contreparties financières. On doit faire des concessions et ne pas être obnubilé par l’appât du gain. Sinon, mieux vaut faire d’autres spécialités plus rému- nératrices.” Avec dix ans de recul, le méde- cin de Gilley n’est pas tendre sur l’évolution du métier. Com- me tant d’autres, il déplore la lourdeur du carcan adminis- tratif susceptible de découra- ger quelques vocations libérales. “Cela a évolué de façon assez significative. On a plus été for- mé pour avoir un avis d’expert, du temps médical, pas pour rem- plir des formulaires.” Il dénon- ce aussi le système de rému- nération sur objectif, la fameu- se part forfaitaire, qui lui semble complètement déconnectée de la réalité des généralistes. “On veut nous imposer une approche statistique et administrative qui embolise l’activité médicale. Il faudrait revenir aux fonda- mentaux.” La réalité du médecin des années 2000 n’a rien à voir avec celle du “médecin des pauvres” qui faisait de son métier un sacer-

“Les médecins généralistes n’ont plus la même aura, la même considération”, estime le Docteur Podevin qui exerce à la maison de santé de Gilley.

Les besoins sont tels que les deux généralistes sol- licitent aujourd’hui les services d’une collabo- ratrice remplaçante qui se déplace depuis Besan- çon. “Elle n’est pas inté-

privilégier pour nous et nos enfants un cadre naturel et sain qui se prête aussi aux activi- tés de pleine nature.” Les charmes du Sau- geais se méritent et

“Je ne pensais pas être déjà aussi déçu.”

contraignent le jeune médecin qu’il était à investir avec d’autres professionnels de santé dans l’une des premières maisons de santé du Doubs. “On a tous contracté des prêts. Il faut fai- re le pas de l’investissement. C’est une contrainte, une for- me d’engagement sur le long ter- me. Aujourd’hui, il y a beaucoup

ressée pour s’installer. La neige l’effraie un peu” , regrette le pra- ticien pourtant prêt à accueillir un troisième associé. Le modè- le de la maison de santé plu- ridisciplinaire où l’on a du temps pour échanger, faire de la pré- vention, trouve vite ses limites même s’il offre de la flexibilité. “Avec cette formule collective,

doce. Ce n’est pas non plus une profession de nantis comme beaucoup l’imaginent. “Les méde- cins ne bénéficient plus de la même considération. Au bout de dix ans, je ne pensais pas être déjà aussi déçu. On se deman- de parfois si on exercera dans la médecine libérale toute sa vie.

Je ne blâme pas ceux qui vont en Suisse. Rappelons aussi que la désertification ne touche pas que les zones rurales. On voit ce qui se passe à Pontarlier, voire à Paris. C’est un problème natio- nal. On a encore la chance ici de trouver assez facilement des rem- plaçants car ce statut reste assez

agréable à vivre.” Pour autant, Christophe Pode- vin apprécie toujours son orien- tation professionnelle. “Je n’ai pas de regret. C’est un superbe métier, très enrichissant, même si je ne le proposerai pas à mes enfants.” n F.C.

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