Journal C'est à dire 229 - Février 2017

D O S S I E R

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“Pour remplacer un médecin de campagne, il en faudra deux” Installé à Saint-Hippolyte en 1975, le Docteur Alain Busson y a d’abord exercé avec Jean Dufour puis Jean-Paul Knuchel avant de se retrouver seul au cabinet médical depuis la retraite de ce dernier il y a huit ans. Également médecin-commandant des sapeurs-pompiers pendant 25 ans, il vient juste d’arrêter cet engagement tout en restant en pos- te en tant que médecin généraliste alors que beau- coup d’autres praticiens de sa génération déposent le stéthoscope pour profiter d’une retraite bien méritée. Car il est bien placé pour le savoir, si le métier change pour la nouvelle génération, être généraliste à la campagne ces dernières décennies relevait plutôt du véritable sacerdoce. Interview

C’ est à dire : Com- ment vous organi- sez-vous depuis que vous êtes le seul généraliste de la ville ? Docteur Alain Busson : Aujour- d’hui, je ne consulte plus qu’au cabinet et j’évite au maximum de me déplacer au domicile des patients. À mes débuts, la moitié des consultations se faisaient chez les malades, contre 5 % vraiment indispensables aujourd’hui. Une situation bien assimilée par les gens heureusement comme le fait de les renvoyer vers le 15 les appels urgents auxquels je ne peux pas répondre quand la sal- le d’attente est pleine. Càd : Autant dire que les jour- nées sont bien chargées ? D r A.B. : 10 à 11 heures par jour…Heureusement, le système de garde du week-end a évolué grâce au système de régulation. Au lieu d’un sur deux par le pas- sé, on est à un sur neuf depuis qu’on a un secteur commun avec Pont-de-Roide et Blamont. Càd : Beaucoup de médecins de votre génération prennent leur retraite, qu’en est-il pour

vous ? D r A.B. : Oui, ils arrêtent avec souvent bien des difficultés pour trouver un successeur. J’ai pour ma part actuellement un rem- plaçant pour me seconder quand je suis absent. Mais il ne repren- dra pas le cabinet s’il est seul. C’est une réalité, pour remplacer un médecin de campagne de ma génération, il en faudra deux… Mais je vais encore continuer à exercer quelques années. Càd : La faute à qui ou à quoi ? D r A.B. : Les causes sont nom- breuses. On peut par exemple citer la forte féminisation de la pro- fession : 70 % de femmes aujour- d’hui. Le rapport s’est en fait inver- sé. Or il est évident qu’une fem- me médecin doit aussi gérer le quotidien à la maison, souvent les enfants… Donc travailler comme nous l’avons fait par le passé est impossible. Càd : Le relèvement du nume- rus clausus (nombre d’élèves diplômés en fin de cycle donc autorisés à exercer) sera-t-il la solution ? D r A.B. : Au-delà des incitations matérielles ou financières, il fau-

Depuis 8 ans, le Dr Busson est le seul médecin généraliste du secteur très rural de Saint-Hippolyte.

Belleherbe Un généraliste enfin ! Sur le plateau de Belleherbe, la réflexion concer- nant la maison médicale remonte à une dizai- ne d’années déjà et l’ouverture à 2009. Le point sur la situation avec le président de l’ex-com- munauté de communes Entre Dessoubre et Bar- bèche, porteuse du projet. “L’ objectif dès le départ était de créer pour les pro- fessionnels, associés très tôt à cette réflexion, un lieu pluridisciplinaire qui réponde aussi aux attentes des patients” explique Charles Schelle. Si pour le kiné, le cabinet infirmier, l’ostéopathe, le psy- chologue et le psychomotricien, certains ne venant consul- ter que sur rendez-vous, l’installation n’a pas posé problème, il n’en est pas de même pour le médecin géné- raliste. Un poste heureusement pourvu aujourd’hui. Mais déjà se pose la question de la succession de ce pra- ticien d’une soixantaine d’années.

drait surtout que les pouvoirs publics aient le courage de deman- der aux étudiants en médecine générale d’exercer pendant un certain temps à la campagne, com- me un juste retour des études coû-

teuses dont ils ont bénéficié. Un système qui existe déjà pour les élèves de l’E.N.A. par exemple et les oblige en cas de refus à rem- bourser l’État. n Propos recueillis par D.A.

Le Docteur Suplisson doit anticiper sa succession Dans le Val de Morteau, ils sont au moins six médecins à avoir dépassé ou atteint la soixantaine. À l’image du Docteur Denis-Pierre Suplisson qui se doit de préparer son départ programmé d’ici quelques années. Villers-le-Lac

renfort à partir du mois de mars, l’idée étant, avec la nouvelle orga- nisation du travail et la fémini- sation de la profession, de “tou- jours maintenir une présence médi- cale sur le secteur car les besoins sont toujours plus nombreux.” D’autant qu’au moins cinq de ses confrères dans le Val de Morteau ont dépassé la soixantaine, à l’ima-

aujourd’hui. Un des atouts du cabinet de Vil- lers-le-Lac, qui compense en par- tie le manque d’attractivité du Haut-Doubs lié à son éloignement des grands centres, c’est “l’acti- vité mixte que nous permet la pré- sence de l’hôpital local de Mor- teau. Cet hôpital offre la possi- bilité pour les médecins de tra-

V oilà 32 ans que le Doc- teur Denis-Pierre Suplis- son exerce à Villers-le- Lac. Ce Parisien d’ori- gine était à l’époque venu à Vil- lers-le-Lac parce que contraire- ment à aujourd’hui, il était plus compliqué de choisir où s’instal- ler. “La problématique s’est com- plètement inversée. Il y a trente ans, il y avait presque trop de médecins. On s’installait donc où se présentait une opportunité, nous n’avions pas l’embarras du choix comme aujourd’hui” note le pra- ticien. Si son départ n’est pas imminent, le tout juste sexagénaire y son- ge déjà et s’y prépare. “Je ne par- tirai de toute façon pas avant l’âge de 62 ans, et certainement plutôt

à 65 ans, en levant progressive- ment le pied à partir de 62 ans. Je me donne donc ce laps de temps pour trouver u remplaçant. Je ne désespère pas d’en trouver un. À chaque fois que l’on accueille un interne ou un stagiaire au cabi- net, on en parle, on s’attache à lui expliquer comment on travaille en réseau” dit-il. Le cabinet de Villers-le-Lac a cet avantage d’avoir depuis longtemps travaillé en équipe. C’était déjà le cas avec les prédécesseurs des actuels médecins, à l’époque des Docteurs Anguenot et Laude. Le docteur Suplisson poursuit ce tra- vail en équipe avec les actuels pra- ticiens, Romain Nattero, Anne Comte et Céline Rabbe. Une cin- quième collègue doit arriver en

Le Docteur Pablo Fernandez Lopez est en effet le troisième à occuper le cabinet réservé au généraliste dans la maison médicale depuis son ouver- ture. Deux prédécesseurs, l’un de région parisienne, l’autre de Rou-

ge des Docteurs Cho- pard, Joliat, Gaerthner, Rouxbedat… Pour le Docteur Suplisson, l’unique solution passe donc par “le travail en groupe. Le travail isolé est de plus en plus dis-

vailler en réseau avec tous les autres praticiens du Val de Morteau. C’est un vrai atout” ajoute le D r Suplisson qui met aussi en avant l’aug- mentation inquiétante des tâches administra-

Déjà penser à la succession.

“Je ne désespère pas de trouver un successeur.”

manie sont venus puis repartis pour diverses raisons personnelles ou professionnelles. Trouver un rempla- çant n’a pas été simple mais ce ressortissant espagnol est désormais bien en place, pour quelques années en tout cas, cinq ans sans doute, le temps d’arriver à la retraite. “Nous devons en effet d’ores et déjà anticiper pour préparer la suite” reconnaît l’élu qui reste pour- tant confiant tant l’infrastructure est appréciée par les soignants comme par les patients. “La population s’est approprié ce lieu qui fait bel et bien partie des habi- tudes désormais avec des équipements qui n’ont rien à envier à ceux qu’on trouve en ville.” n

tives qui occupent une part de plus en plus dévorante du temps des médecins. Avec en ligne de mire, la généralisation du tiers payant à partir de cet été. Cette mesure, qui alourdira encore le quotidien des médecins, est selon le praticien de Villers-le-Lac “une fausse bonne idée.” n J.-F.H.

suasif pour un jeune médecin.” Il faut raisonner également non plus en nombre de médecins mais presque “en équivalents temps plein” car, féminisation du travail et évolution des modes de vie obli- gent, de plus en plus de praticiens ne travaillent plus à temps plein. Là où il suffisait de trois méde- cins avant, il en faut parfois cinq

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