Journal C'est à dire 216 - Décembre 2015

D O S S I E R

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CLIMAT : LE HAUT-DOUBS FACE AU DÉRÈGLEMENT

Au moment où la COP21 referme ses portes à Paris, la question du dérèglement climatique a été sur le devant de la scène pendant plus de quinze jours. L’occasion de poser sur la table les risques liés au réchauffement, mais surtout d’entrevoir et de proposer des solutions. Cette question mondiale concerne bien évidemment tous les territoires et notamment le Haut-Doubs. Pourra-t-on encore skier sur les pentes du Meix-Musy ou de la Combe Saint-Pierre dans quelques décen- nies ? Pas sûr. Pour bien mesurer les enjeux, ce dossier de fin d’année fait le point sur la question avec des points de vue locaux.

Prospectives Réchauffement climatique : douceurs comtoises en perspectives

Six chercheurs ont collaboré à la rédaction du livre “His- toire du climat en Franche-Comté, du Jurassique à nos jours”. Une vision réaliste et objective qui laisse pré- sager de conséquences moins catastrophiques qu’on ne pourrait le craindre pour notre région.

P ublié aux Éditions du Belvédère, cet ouvrage est le premier du genre qui a pour cadre une région. Il est le fruit d’une équi- pe pluridisciplinaire associant géologue, historien, météorologue, paléoclimatologue et paléoenvi- ronnementaliste. L’occasion pour Vincent Bichet le géologue de revenir 25 000 ans en arrière pour nous rappeler que le Jura était alors recouvert d’une immense calotte glaciaire. “Les glaciations se reproduisent envi- ron tous les 150 000 ans. C’est dû à la relation entre la Terre et le soleil. Le cycle se reproduit depuis plus d’1 million d’années et met en jeu une combinaison de paramètres qui évoluent dans le temps et qui vont se poursuivre. On peut faire du prédictif. Actuel- lement, on est dans une ère inter- glaciaire.” Cette période climatique suit d’abord une courbe des tempé- ratures ascendante favorable à l’installation progressive d’une chênaie dominante. Le réchauf-

fement provoque une baisse du niveau des lacs jusqu’à l’optimum climatique où le phénomène s’inverse et le climat tend à se refroidir. Ou plutôt devrait tendre à se refroidir. Car aux facteurs volcaniques et solaires qui modifient à la haus- se ou à la baisse les tempéra- tures est venu s’en ajouter un troisième qui bouleverse l’ordre naturel des choses : les gaz à effet de serre (G.E.S.). Visible à par- tir de la révolution industrielle, l’impact des G.E.S. progresse de façon exponentielle. “Il excède de très loin l’amplitude du força- ge solaire. Le réchauffement en cours n’a plus rien à voir avec les facteurs naturels. Avec l’irruption du facteur humain, certains parlent d’une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. L’homme est ainsi devenu un fac- teur d’érosion dominant” , explique Michel Magny, paloé- climatologue bisontin. Tout s’accélère. Par le passé, les Comtois ont aussi eu à subir des périodes rigoureuses. On pense

Les auteurs du livre étaient en conférence en novembre dernier à Pontarlier. De gauche à droite, assis : Bruno Vermot- Desroches, Pierre Gresser, Hervé Richard et debout Michel Magny et Vincent Bichet.

Il manque Emmanuel Garnier.

centre météorologique de Besan- çon est formel. “Dans la région, on est sous l’influence d’un cli- mat continental dégradé océa- nique et non pas continental qui est beaucoup plus froid. Les ouvrages sont faux. Quand on parle de petite Sibérie, c’est seu- lement l’affaire de quelques jours.” Le météorologue invite à se méfier des conclusions hâtives et des tendances épisodiques. “Quand on étudie les tempéra- tures moyennes annuelles, 10 ans, ce n’est rien. En terme de

plus mal loties. Selon les prévi- sions de l’Agence de l’eau, la moi- tié nord de la France sera sans doute plus arrosée et la situa- tion sera de plus en plus com- plexe en se rapprochant de la ceinture méditerranéenne. “L’agriculture franc-comtoise sera plus propice au retour des céréales. On vérifie d’ailleurs ce phénomène depuis quelques années sur les seconds plateaux au-delà de 700 mètres d’altitude.” Quant à estimer l’ampleur du réchauffement, bien malin celui qui pourra le dire. “On n’a plus d’incertitude sur le réchauffe- ment du climat mais il en sub- siste beaucoup dans l’évaluation du changement” , conclut Clau- de Magny. F.C. Histoire du climat en Franche-Comté, du Jurassique à nos jours Éditions du Belvédère Prix 23 euros

aujourd’hui des conditions qui régnaient à Lyon au début du XX ème siècle. Globalement, on descend vers le Sud de 10 mètres par an, soit 40 km en 10 ans et 400 km en 100 ans. Dans le même temps, on perd 1 cm d’altitude par jour, soit 4 mètres par an, 40 m en 10 ans et 400 m en 100 ans. Conséquence, il nei- ge toujours mais moins souvent sur les sommets jurassiens. En parlant des décisions prises à l’issue de la COP 21, le météo- rologue relativise : “Si on prend

par exemple au petit âge gla- ciaire qui s’est déroulé du XIV è- me siècle jusqu’en 1850. De cet- te époque, il reste peu de traces comptables. Des mesures sont parfois prises face aux catas- trophes climatiques. “Au milieu du XV ème siècle, le duc-comte de Bourgogne interdit par exemple l’exportation des céréales pour que ces sujets aient suffisam- ment à manger. Autre document intéressant, les bans de ven- danges bisontins qui sont archi- vés depuis 1525. L’un des fac- teurs les plus marquants, c’est la pluie. Pendant ce petit âge gla- ciaire, on constate aussi des embâcles sur le Doubs et l’importance des inondations liées aux précipitations ou à la fonte des glaces” , décrit Pierre Gresser, historien. On a une idée beaucoup plus précise des évolutions clima- tiques à partir de 1850 avec l’apparition des stations. Bruno Vermot-Desroches le chef du

des mesures aujour- d’hui, on en verra l’incidence seulement dans 50 ou 60 ans. Ce qui se passe actuelle- ment va se poursuivre encore pendant 20 à 30

recul météorologique, il faut au moins 30 ans. Depuis 1880, on constate que les tem- pératures minimales augmentent plus régu- lièrement que les maxi-

Il fait plus chaud surtout parce qu’il fait moins froid.

males.” Il fait plus chaud sur- tout parce qu’il fait moins froid. La température moyenne a pra- tiquement augmenté de 1 °C à Besançon en cinquante ans. La capitale comtoise bénéficie

ans. En étant vraiment très dras- tique pour freiner le réchauffe- ment, on migrera seulement à Lyon et non pas jusqu’à Athènes.” Face au réchauffement, la Franche-Comté n’est pas des

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