Journal C'est à dire 208 - Mars 2015

A G R I C U L T U R E

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Comté

Les prairies fleuries dans un état alarmant En étudiant certains secteurs du Doubs, le Conservatoire botanique de Franche- Comté révèle que 92 % des prairies présentent une typicité floristique moyenne à mauvaise. Le comté, et sa dérive productiviste, est pointé du doigt. Des secteurs seraient préservés comme la Montagne-de-Gilley par exemple.

S i le comté se défend de proposer le cahier des charges le plus engagé en matière de protection environnementale, le résultat de l’enquête menée par le Conser- vatoire sur l’état de nos prairies coupe l’herbe sous le pied à de nombreuses idées affichées. Et notamment celle que le comté est un fromage réalisé avec plus de 500 fleurs différentes. Les scientifiques ont eu l’opportunité de centraliser une

base de données sur les plantes présentent dans les zones Natu- ra 2000, celles que l’on pourrait penser les plus préservées. Une erreur : “L’état de conservation des habitats est alarmant. Les prairies eutrophisées et bana- lisées dominent largement et les pelouses maigres sont rares, explique Julien Guyonneau, botaniste au Conservatoire bota- nique national de Franche-Com- té. Dans les sites Natura 2 000 du bassin du Drugeon, 92 % des

surfaces de prairies cartogra- phiées sont dans un mauvais état de conservation et seulement 8 % sont en moyen ou bon état.” Le vert de l’herbe grasse pré- cédé de la floraison jaune de pis- senlits a donc supplanté les cam- panules, géraniums des bois, gentianes jaunes, narcisses, mar- guerites, trolles d’Europe (bou- tons d’or). Ces cortèges typiques de nos prairies du second pla- teau et du Haut-Doubs sont en danger. Dans un système de bel-

Sur sa page officielle, le comté veut démontrer sa “durabilité économique”.

vaise (selon un inventaire mené par échantillonnage). Il reste des cas préservés permettant de rester “positif” : “Nous savons que les prairies de la Montagne- de-Gilley sont encore en bon état car la mécanisation n’a pas tou- ché ces prairies mais aussi Cha- pelle-d’Huin ou à Bulle” décla- re le botaniste. Seules 13 % des prairies fau- chées de montagne et 5 % des prairies fauchées de plaine étu-

le prairie, on devrait observer entre 40 et 60 espèces par rele- vé de 50 m 2 . Lorsque la pression agricole augmente, on diminue entre 20 et 30. Autre résultat : 92 % des sur- faces de prairies des premiers plateaux présentent une typi- cité floristique moyenne à mau-

ce et répétée, pâturage des prai- ries de fauche au printemps et en automne, sur-semis, retour- nement du sol, casse-cailloux, conversion des prairies perma- nentes semi-naturelles en prai- ries temporaires artificielles” concède le conservatoire bota- nique. Accusé de ces maux, la filière comté par la voix de son prési- dent Claude Vermot-Desroches répond : “ J’en ai marre que l’on

diées sont en bon état en Franche-Comté. Ces résultats ont été obte- nus sur des zones Natu- ra 2000 censées atteindre un haut niveau de qualité envi-

ne parle pas des aspects positifs. Nous sommes la seule filière à avoir un cahier des charges aus- si strict qui limite la fer- tilisation azotée des sols et l’alimentation des

“Les seuls avec un cahier des charges si strict.”

ronnementale. “Cela veut peut vouloir dire que le reste est pire, se désole Julien Guyonneau. Ce n’est pas parce que c’est une cul- ture herbagère que c’est exten- sif.” En revanche, les plateaux de Maîche, Pierrefontaine-les- Varans, la biodiversité est en danger, estiment les botanistes. “Quand la filière comté vend son fromage avec des images de prai- ries colorées, on estime que c’est de la publicité mensongère. C’est devenu un désert vert” pointe Marc Goux, président du col- lectif S.O.S. Doubs et Rivières et Comtoises. Les atteintes à la diversité végétale des prairies sont bien évidemment liées à des pratiques agricoles : “Ferti- lisation excessive, fauche préco-

vaches laitières. Nous sommes les seuls à nous préoccuper de l’appauvrissement des sols : nous menons des études avec l’Université de Franche-Comté” se défend Claude Vermot-Des- roches. Les estimations pour parvenir à un comté presque neutre sur le plan environne- mental ne sont pas si simples. “On émet des propositions com- me celui d’établir un cahier des charges adapté à des zones et non à tous les 2 700 producteurs des 3 départements”, lâche Marc Goux. Claude Vermot-Desroches est attentif notamment au retour à une autonomie alimentaire et à un paysager bocager. “Nous travaillons en collaboration.” Le fromage est face à son destin. E.Ch.

Le botaniste Julien Guyonneau : “Seules 13 % des prairies fauchées de montagne sont en bon état.”

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