Journal C'est à dire 208 - Mars 2015

A G R I C U L T U R E

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Charquemont

Mobilisation internationale contre le campagnol La petite bestiole ne fait que quelques centimètres mais côté chiffres, elle a autrement de quoi inquiéter : 3 000 agriculteurs touchés dans la région, et à chaque fois des milliers d’euros de pertes par exploi- tation. Les scientifiques de l’Université de Franche-Comté ont donc mobilisé leurs collègues du monde entier pour lutter contre leur ennemi commun : le campagnol.

P endant trois jours, tout ce que la planète compte de chercheurs intéressés par les animaux qui nuisent aux cultures était réuni dans la région pour des réunions et des visites sur le terrain comme à Char- quemont où la lutte est depuis des années engagée contre ces campagnols qui pullulent. “Dans le monde entier, ces petits mammifères sont perçus com-

me nuisibles, parce qu’elles peuvent atteindre de très fortes densités et cau- ser des dégâts économiquement consi- dérables sur les récoltes” précise le pro- fesseur Patrick Giraudoux, respon- sable du laboratoire Chrono-environ- nement à l’Université de Franche-Com- té. Ce rongeur est connu depuis très long- temps en Franche-Comté, mais les

Le professeur Giraudoux était accompagné sur le terrain par les membres de la F.R.E.D.O.N. (Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles) qui participe au financement des études engagées.

dégâts qu’il occasionne en agricultu- re lors des pullulations cycliques se sont accrus depuis les années 1970- 1980. “Ils provoquent la destruction du système racinaire des végétaux et la présence de nombreuses taupinières réduit considérablement à court terme la quantité d’herbe produite” poursuit le scientifique précisant également que cette présence attise les convoitises d’autres animaux sauvages comme les buses, milans et autres renards. Pour lutter, les anticoagulants, notam- ment de bromadiolone tuent certes les rongeurs mais sont aussi respon- sables d’intoxications de ces prédateurs. “Or, lutter ne doit pas signifier éradi- quer car ce serait alors déséquilibrer l’ensemble de l’écosystème de nos prai- ries” soulignent les spécialistes. La solu- tion alternative lancée il y a plus de dix ans à Charquemont est donc d'anticiper

les cycles de pullulation et de respecter un certain équilibre. “Il s’agit d’associer diverses méthodes qui défavorisent l'habitat du campagnol terrestre et favo- risent ceux de ses prédateurs” pour- suit le professeur Giraudoux. Cette boîte à outils inclut par exemple la prédation naturelle des campagnols, la gestion du piétinement des parcelles par le bétail qui déstabilise ainsi les galeries, l’implantation de haies, le piégeage, “mais aussi la lutte chimique.” Diversité et complémentarité des moyens par une gestion reconnaissant finalement le rôle du campagnol dans le fonctionnement de l’écosystème. C’est une piste de recherche suivie notamment par l’Université de Franche-Comté qui peut compter sur les scientifiques du monde entier dans sa lutte raisonnée contre ce rongeur. D.A.

Visite internationale dans les prairies de Charquemont pour observer le travail mené depuis plus de dix ans.

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