Journal C'est à dire 207 - Février 2015

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D O S S I E R

Crêt-du-Locle Chute de commandes brutale chez F.K.G. Dentaire L’annonce de la Banque Nationale Suisse contraint les industriels suisses fortement exportateurs à renégocier les prix et trouver d’autres gains de productivité. Un nouveau challenge.

“D eux jours après l’annonce de la suppression du taux plancher, on a été submergé d’appels télé- phoniques. On enregistre un frein des commandes assez abrupt” , déplore Thierry Rouiller, le direc-

part à l’export dont 30 % en Europe. “Aujourd’hui, les gens sont dans l’attente d’une déci- sion de notre part. La situation commence à se stabiliser, on peut leur faire des propositions. On vend un consommable, ce qui nous assure quandmême un fond de roulement.” Le chômage technique n’est pas encore à l’ordre du jour dans cet- te entreprise de 125 salariés où le taux de frontaliers ne dépas- se pas les 10 %. Le gros souci pour ce patron : comment va évo- luer la situation ? Bien malin qui pourra lui répondre. F.C.

d’hui, c’est plus compliqué car on a déjà beaucoup automatisé l’outil de production.” L’industriel a été surpris par la rapidité de la décision tout en étant conscient et averti du côté provisoire d’une telle mesure. “On aurait préféré que cela se

teur général de F.K.G. Dentaire. L’entreprise s’était déjà retrouvée dans une situation identique en 2011 avec

fasse en deux paliers en passant d’abord par un taux à 1,10” juge le patron suisse. À la différence de la

Submergé d’appels téléphoniques.

l’envolée du franc suisse qui avait abouti au blocage du taux entre l’euro et le franc suisse. “On avait trouvé des solutions en aug- mentant la productivité. Aujour-

haute horlogerie, les marges sont plus réduites chez les fabricants de produits dentaires qui sont donc plus impactés. Chez F.K.G. Dentaire, 95 % de la production

“On ne sait pas si cela va durer quelques mois ou plus”, s’interroge Thierry Rouiller, directeur général de F.K.G. Dentaire.

Chômage partiel en vue aux U.M.V. Vallorbe Le fabricant de limes qui exporte 95 % de sa production dont la moitié en Europe va devoir trouver des sources d’économie à tous les niveaux sans aller jusqu’au plan de licenciement.

Pas d’affolement chez L.T.M. à Fleurier Val de Travers Sans tomber dans le catastrophisme, la pruden- ce est de mise chez L.T.M. S.A. à Fleurier où l’on fabrique des composants et des mouvements de haute horlogerie. Pas question non plus de tou- cher aux salaires des frontaliers.

bien sûr toujours très sensible aux ventes que nos clients réa- lisent en sachant que le mouve- ment se répercute sur nos car- nets de commande” ajoute le patron. Au 33, rue de l’Hôpital, siège de L.T.M. S.A., on suit de près le cours du franc suisse et celui de l’or. Sylvain Jacques comme d’autres professionnels fait bien la distinction entre le haut et le moyen de gamme. “Je pense qu’il peut y avoir des soucis sur le seg- ment des montres entre 1 000 et 3 000 euros. En revanche, la situation sera beaucoup plus problématique dans le secteur de la machine-outil ou des micro- techniques.” Au niveau des sous-traitants horlogers, ceux qui n’ont qu’un seul métier seront peut-être plus exposés. L.T.M. S.A. a fait le choix de l’intégration et de se positionner sur le haut de gam- me en petites et moyennes quan- tités. “On forme aujourd’hui une vraie manufacture de mouve- ments où 90 % des savoir-faire sont maîtrisés en interne. On n’est pas à l’abri d’annulation de commandes mais je pense qu’il est prématuré de s’affoler.” À la baisse des salaires, il pré- férerait davantage, si la situa- tion venait encore à se dégra- der, que ses salariés fassent une ou deux heures supplémentaires par semaine pour maintenir à flot l’outil de production. F.C.

F rontalier qui amonté son entreprise en Suisse en 2008,Sylvain Jacques est aujourd’hui à la tête de trois sociétés : Le Temps Manu- factures S.A.,Relhdis S.A.et Cen- tagora S.A.R.L. Soit près de 80 collaborateurs dont 80% sont des frontaliers. “C’est sûr qu’on serait gagnant de payer les frontaliers en euros. Mais ce serait prendre

tissement mais qui ne fait que prolonger une situation qui dure depuis avril 2014. Ce qui s’est passé mi-janvier, c’est un peu la cerise sur le gâteau. Cette conjoncture nous incite à être encore plus prudent dans nos investissements.” L’heure n’est pas encore au chômage tech- nique ni aux réductions d’effectifs, du moins au cours du

premier semestre 2015. Avant l’envolée du franc suisse face à l’euro, l’horlogerie suis- se a subi d’autres contrecoups avec la cri- se en Russie, l’impact de la loi anticorruption en Chine, la crise à

un bien grand risque de les voir partir alors qu’ils représentent aujourd’hui une main- d’œuvre de qualité. À mon avis, ce n’est pas comme cela qu’on s’en sortira. Mieux vaut chercher à gagner en

Il préférerait une ou deux heures supplémen- taires.

L’ annonce de la Banque Nationale Suisse a surpris tout son mon- de et en particulier Claude Currat le directeur géné- ral des Usines Métallurgiques de Vallorbe (U.M.V.). “En décembre, la Banque Nationa- le confirmait son soutien au franc suisse et elle a fait tout le

Le fabricant de limes, leader mondial dans sa spécialité, va devoir encore gagner en compétitivité pour rester dans la course.

contraire alors qu’on avait déjà pris en compte cette décision dans nos prévisionnels” , indique assez dépité ce dirigeant qui a le sentiment d’avoir été mené en bateau. L’envol du franc suisse est une très mauvaise nouvelle pour l’entreprise qui produit des limes pour l’industrie forestière et des limes de précision destinées à l’horlogerie et la bijouterie. 93 % de la production part à l’export dont la moitié en Europe, 25 %

re première provient principa- lement d’Allemagne, de Fran- ce et d’Italie. Mais le problè- me, c’est qu’on n’arrive pas à traiter directement. C’est le han- dicap d’une entreprise implan- tée dans un seul pays. Cela va nous inciter à réfléchir sur l’intérêt ou pas d’une délocali- sation en sachant que cela a aus- si un coût.” Toutes ces mesures ne suffiront pas à compenser le manque à gagner, Claude Currat devra aussi minimiser les coûts sociaux. “On va proba- blement recourir au chô- mage partiel même s’il n’est pas question de pro- céder à des licenciements dans l’immédiat. On aura aussi quelques cas de départs en retraite anticipés.” Aux U.M.V., 63 % des salariés sont frontaliers. Tentant de les payer en euros ? “Non, répond le directeur général qui estime que cela “n’aurait aucun sens et serait plutôt malvenu. On n’a rien fait quand le franc suisse était à 1,60 euro.”

Hong-Kong. A contrario , elle a prospéré sur d’autres marchés comme aux États-Unis et se maintient en Europe via le tou- risme. “On a fini pas redresser la barre depuis quelques années. 2015 sera plus calme. On reste

compétitivité, à trouver de nou- veaux marchés. C’est là que se situe pour nous le véritable chal- lenge de demain.” Ce chef d’entreprise ne tombe pas non plus dans l’excès de confiance. “On ressent un ralen-

en Amérique et 25 % en Asie. “La difficulté pour nous, c’est de s’adapter à un changement aussi brutal. Chaque année, on enregistre 3 à 5 % de gains de productivité

Minimiser les coûts sociaux.

alors que là, il faut amortir 20 à 30 % d’un coup. Maintenant la situation est là, il faut réagir. ” Aux U.M.V., on est d’ores et déjà prêt à faire des concessions vis- à-vis des clients pour conserver les parts de marchés. Inverse- ment, l’entreprise compte rené- gocier les prix auprès des four- nisseurs suisses. “Notre matiè-

“2015 sera plus calme”, annonce Sylvain Jacques qui n’envisage pas de réduction d’effectif au premier semestre.

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