Journal C'est à dire 207 - Février 2015

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D O S S I E R

LES FRONTALIERS FACE AU TAUX DE CHANGE

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Passé l’effet d’aubaine qui a pour conséquence immédiate de faire bondir les salaires des frontaliers, l’envolée du franc suisse si elle perdure aura des conséquences inévitables sur l’emploi et l’économie suisse. Des effets forcément négatifs pour une économie suisse largement exportatrice. De leur côté, si les frontaliers gagnent entre 15 et 20 % de plus que l’an dernier uniquement grâce à ce jeu monétaire, ils ne se réjouissent pas pour autant. Ils craignent pour la pérennité de leur emploi. Économie Explosion du franc suisse : une fausse bonne nouvelle

La décision de la Banque Nationale Suisse d’abolir le plafonnement du franc suisse bouleverse et déstabilise les rapports transfrontaliers en matière d’emploi et d’économie. Les frontaliers gagnent plus, certes. Faut-il s’en réjouir pour autant ?

Comment la Suisse a-t-elle réagi ? Pour contrecarrer l’envolée du franc, l’économie suisse module ses prix dans l’horlogerie, le tourisme, les produits de consommation. Horlogerie Swatch Group a annoncé quʼelle ajustera ses prix en Europe. Des augmentations de prix de lʼordre de 5 à 10 % concerne- ront en particulier les marques Blancpain, Breguet, Omega et Longines. Swatch explique que le prix des montres haut de gam- me en Europe augmentera pour éviter dʼaugmenter les entrées de gamme, dont le marché est plus sensible aux variations. Cʼest pourquoi les prix pour des marques telles que Swatch et Tissot ne devraient pas évoluer. Séjours linguistiques En Suisse, la demande pour les séjours à lʼétranger a littérale- ment explosé chez “E.S.L. Séjours Linguistiques”, principal orga- nisme de formation. Avec un franc suisse très fort, les gains ain- si réalisés sont de lʼordre de 20 %. Essence Les exploitants de stations-service suisses ont baissé le prix de lʼessence de quelques centimes (3 centimes en moyenne). En comparaison internationale, un plein en Suisse est toute- fois devenu plus cher et le tourisme à la pompe sʼest inversé. Les agences de voyages Les deux principaux voyagistes suisses Kuoni et Hotelplan ont annoncé quʼils allaient baisser leurs tarifs. Kuoni Suisse pré- voit de baisser ses tarifs de 15 % pour les vacances balnéaires et Hotelplan (Migros) propose des diminutions allant jusquʼà 20 %. Tourisme Le secteur du tourisme à Genève prédit une baisse de son chiffre dʼaffaires de 5 à 10 %. Lʼhôtellerie et la restauration sont tou- chées mais pas la clientèle dʼaffaires. Ski Les Portes-du-Soleil, domaine skiable franco-suisse, ont bais- sé leurs prix de 15 % au lendemain de lʼabandon du taux plan- cher pour rester concurrentielles par rapport aux stations fran- çaises du même domaine.

D u jour au lende- main, les tra- vailleurs frontaliers ont vu leur salai- re augmenter de 20 %. La conséquence indirec- te d’une décision prise en haut lieu par la Banque Nationale Suisse. Le 15 janvier, l’organisme financier a décidé d’abandonner le cours plancher de 1,20 franc suisse pour 1 euro qu’elle avait établi en septembre 2011 pour lutter contre l’appréciation de la devise helvétique. Si en décembre 2014 un travailleur frontalier percevait 3 300 euros en touchant un salaire de 4 000 francs suisses, il a touché un mois plus tard 4 000 euros pour le même salaire de 4 000 francs suisses par le simple jeu du taux de change. Ou comment gagner plus sans travailler plus… Cette aug- mentation du pouvoir d’achat s’est donc faite du jour au len- demain. Si l’on prend un peu de recul, l’envolée du franc suis- se est encore plus spectaculai- re. “Pour un salaire de 6 000 francs suisses, un tra- vailleur frontalier perçoit donc désormais près de 6 000 euros. En 2008, et ce n’est pas si loin- tain, pour un même salaire de 6 000 francs suisses, l’équivalent en euros était de 3 750 euros” illustre Jean-François Besson, secrétaire général du Groupe- ment Transfrontalier Européen. Pour comprendre ces écarts, il n’est pas inutile de revenir sur

la décision récente de la Banque Nationale Suisse. Selon l’organisme bancaire, l’introduction du cours plancher en 2011 avait eu lieu dans une période d’extrême surévalua- tion du franc et de très forte incertitude sur les marchés financiers. Cette mesure excep- tionnelle et temporaire a pré- servé l’économie suisse de graves dommages. Mais partant du constat que les disparités entre les politiques monétaires menées dans les principales zones moné- qu’il n’est plus justifié de main- tenir le cours plancher. “Depuis septembre 2011, la B.N.S. rache- tait des devises pour essayer de maintenir un taux plancher qui ne pénalise pas les exportations suisses. Mais les Suisses ont eu peur que le dollar s’envole par rapport à l’euro et donc peur de ne pas pouvoir remonter la pen- te. Lié à l’euro, le franc suisse risquait alors d’être trop sous- évalué” explique de son côté Alain Marguet, le président de l’Amicale des frontaliers. Si ce déplafonnement du taux de change a un impact direct sur le pouvoir d’achat des fron- taliers, il est sans doute néces- saire de raisonner à plus long terme. Pour beaucoup, c’est une taires ont fortement augmenté ces derniers temps et qu’elles pour- raient encore s’accentuer, la banque helvétique est parve- nue à la conclusion

fausse bonne nouvelle. “C’est même une mauvaise nouvelle pour la garantie de l’emploi” estime Alain Marguet. Sur la bande frontalière, des entre- prises ont d’ailleurs procédé à des licenciements quelques jours après la décision de la Banque Nationale. Parmi elles, la socié- té Petitjean aux Brenets (can- ton de Neuchâtel). D’autres grandes manufactures prévoient un allégement de leur effectif. Selon nos informations, Jaeger- LeCoultre en vallée de Joux toutes les branches industrielles exportatrices de Suisse, est for- cément touchée par cette déci- sion. Les milieux économiques suisses ne se sont d’ailleurs pas privés de condamner cette décision qui a même été qualifiée de “tsu- nami” par Nick Hayek, le big boss du groupe horloger Swat- ch. Pour le directeur de l’office du tourisme du canton de Vaud Andreas Banholzer, “c’est une catastrophe pour le tourisme.” Même son de cloche recueilli dans les journaux suisses par le responsable de l’entreprise F.K.G. Dentaire de La Chaux- de-Fonds, Thierry Rouiller : “Cet- te annonce constitue une catas- trophe, c’est même de aurait commencé à se séparer de ses tra- vailleurs temporaires qui sont au nombre de 300, soit un quart de l’effectif global. L’horlogerie, comme

l’inconscience” a-t-il déclaré. Pour tenter de contrecarrer cet- te décision-couperet, certains patrons suisses ont même évo- qué la possibilité de baisser les salaires des travailleurs fron- taliers. C’est notamment le cas de la société Dixi au Locle. “J’ai lancé cette idée comme un bal- lon d’essai” s’est justifié le patron de Dixi, estimant que la déci- sion de la banque suisse “a entraîné une profonde discri- mination vis-à-vis des tra- vailleurs résidant en Suisse.” Une discrimination qu’il fau- drait “absolument corriger.” Ce genre de propos a immédiate- ment été balayé par les syndi- cats suisses. “Toute décision ten- dant à baisser les salaires des seuls frontaliers serait illégale” tranche l’Amicale des fronta- liers. Trois semaines après cette déci- sion surprise de la Banque Nationale Suisse, il est évi- demment prématuré de tirer les enseignements à long ter- me de ce séisme qui a secoué la Suisse et plus particulièrement l’Arc jurassien. Les taux du franc suisse peuvent retrouver un cours plus “normal”, tout com- me ils peuvent encore grimper. “Certains économistes disent que le cours peut monter jusqu’à 1 franc suisse pour 0,70 euro” note Jean-François Besson. Du côté des entreprises suisses, per- sonne n’ose imaginer ce scé- nario. J.-F.H.

“Cette annonce

constitue une catastrophe.”

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