Journal C'est à dire 204 - Novembre 2014

39

H I S T O I R E

Hommage “Je viens m’acquitter d’un devoir de mémoire” Le 1er novembre, Michel Martelly, le président de la République d’Haïti est venu au château de Joux pour rendre hommage à Toussaint Louverture. Une visite officielle qui était attendue.

sera donnée à cette visite pré- sidentielle pour faire du Fort de Joux un trait d’union entre la France et Haïti, le symbole de la lutte contre l’oppression. T.C. Toussaint Louverture fut éga- lement la première figure du pou- voir noir, le créateur de la pre- mière société multiculturelle et une référence pour tous les com- battants luttant contre lʼapartheid ou pour les droits civiques. Repère historique Les trois grands combats de Toussaint Louverture L e général Toussaint Louver- ture a été lʼinstigateur de trois grands combats qui vont peser sur lʼévolution du monde pen- dant les deux siècles suivant. Il fut tout dʼabord le déclencheur de la première abolition officiel- le de lʼesclavage adoptée par la France le 4 février 1794. Ce pro- cessus qui nʼallait sʼachever quʼen 1983 en Mauritanie ressurgit dans lʼactualité avec les formes dʼesclavage moderne à une échelle plus importante. Il fut aussi lʼinitiateur du pro- cessus des émancipations des colonies indigènes, avec Haïti, première République Noire et pour cela, il devint un modèle pour tous les leaders des indé- pendances latino-américaines, africaines ou asiatiques.

U ne visite historique ! Jamais depuis la mort de Toussaint Louvertu- re le 7 avril 1803, un président haïtien en exercice n’était venu se recueillir au Fort de Joux où fut emprisonné jusqu’à sa mort un compatriote, le premier lea- der noir symbole de la lutte contre l’esclavage, qui en ins- pira beaucoup d’autres. Le 1 er novembre 2014 restera donc dans l’histoire comme le jour de la visite officielle du pré- sident de la République d’Haïti, Michel Martelly, dans ce lieu de mémoire.Accompagné de sa délé-

gation, il a découvert avec émo- tion le château de Joux, entou- ré de George Pau-Langevin, la ministre des Outre-Mer, de Patrick Genre maire de Pon- tarlier, d’Yves Louvrier, maire de La Cluse-et-Mijoux et d’autres représentants des collectivités locales et de l’État français. Michel Martelly s’est longue- ment incliné dans le cachot où fut détenu celui que l’on sur- nomma le “Spartacus noir.” “Je viens m’acquitter d’un devoir de mémoire” a-t-il déclaré sur un ton solennel dans son homma- ge rendu au premier général noir

Michel Martelly, président de la République d’Haïti en compagnie de son épouse Sophia : “Général, Je viens ici ému, la gorge nouée, mesurer le prix du courage.”

de l’armée française. “Général, je viens ici avec l’humilité d’un fils de votre terre. Je viens ici ému, la gorge nouée, mesurer le prix du courage. Avec vous, le monde a grandi” a souligné le président haïtien. Pour le chef d’État, le combat de Toussaint Louverture a dépassé les fron- tières et traduit l’universalité de la cause des Droits de l’Homme. Cette visite était attendue au château de Joux depuis le lan- cement des commémorations du bicentenaire de la mort de Tous- saint Louverture en 2002. Il aura fallu un déplacement de Patrick Genre à Haïti en 2011 qui a remis en mains propres une invi- tation à la présidence haïtienne pour que le rendez-vous soit pris. Il aura fallu aussi la détermi- nation d’Anne-Lyse Ballyet et de Philippe Pichot du Pays du Haut-Doubs qui ont tissé les liens avec Haïti autour du personna- ge de Toussaint Louverture. Sui-

te au tremblement de terre de 2010 qui plongea dans la détres- se ce pays des Grandes Antilles, la coopération a pris la forme de la construction d’un foyer à Milo pour accueillir des orphelins, financé par la Communauté de

te suite au rétablissement de l’esclavage en 1802 par Napo- léon Bonaparte (il avait été abo- li en 1794). Sa lutte acharnée à Haïti lui valut d’être capturé et exilé au château de Joux. “Toussaint Louverture est un

communes du Larmont. “Votre visite est un abou- tissement et un nouveau départ qui nous pousse à continuer notre partena-

grand homme pour Haï- ti comme pour la France. Avant de devenir le “pre- mier des noirs”, il a été esclave. Il a senti l’infamie

“Avec vous, le monde a grandi.”

riat avec Milo” a déclaré Patrick Genre. Le président de la C.C.L. a clairement affirmé sa volon- té d’aller au-delà dans le “par- tenariat actif avec Haïti.” Il a appelé de ses vœux “d’établir et de faire reconnaître le Fort de Joux comme le symbole de la lut- te contre l’oppression.” Deux siècles se sont écoulés mais le combat de Toussaint Louver- ture est encore d’actualité. Escla- ve affranchi, il devint le premier général noir de l’armée françai- se avant de verser dans la révol-

qui était faite au peuple noir. Cela nous montre le danger quand la barbarie l’emporte sur la civili- sation. L’héritage de Toussaint Louverture est de continuer à porter haut et loin ces valeurs d’esprit qui ne sont jamais un acquis, ni une rente” a exprimé la ministre George Pau-Lange- vin. Tous ont honoré Toussaint Lou- verture, “l’un des grands hommes de son siècle” comme l’avait écrit François Mitterrand. Attendons de voir maintenant quelle suite

Michel Martelly s’est recueilli dans le cachot où est mort Toussaint Louverture en 1803 (photo A. Baud - C.C.L.).

Made with FlippingBook HTML5