Journal C'est à Dire 97 - Janvier 2005

S P É C I A L P L A T E A U D E M A Î C H E

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Pascal Émonin : “Nous devrons nous regrouper” Industrie Le directeur de l’entreprise Super’Or à Maîche estime que pour assurer l’avenir de l’activité industrielle sur le Plateau de Maîche, les professionnels d’un même secteur doivent se fédérer.

C’est à dire : Qui est Super’Or ? Pascal Émonin : La société est née en 1986. À l’origine, nous étions 2 salariés, aujourd’hui nous sommes 40. Super’Or est spécialisée dans le traitement de surface de métaux précieux pour l’industrie, la lunetterie, la maroquinerie, l’horlogerie- bijouterie, ou le stylo. Nous tra- vaillons surtout avec l’industrie du luxe. Nos clients sont Vuit- ton et Hermès pour la maro- quinerie (dorure de boucles de sac à main), ou Herbelin pour l’horlogerie. Le secteur porteur

un temps d’avance technique sur nos concurrents. L’objectif désormais est d’être encore plus réactif pour être capable de répondre dans les meilleurs délais à la demande des clients. La qualité de service est un des enjeux qui demain fera la dif- férence. Si nous n’avons plus ce niveau de qualité, nous sommes condamnés. Càd : La délocalisation n’est- elle pas non plus la solution pour résister dans un systè- me économique mondialisé. Y songez-vous ? sous la forme d’un partenariat avec une société déjà installée à l’étranger, ou alors en implan- tant une antenne de Super’Or en Asie, Europe Centrale ou Afrique du Nord. Ce n’est pas encore défini. Nous travaillons en complet partenariat sur ce projet de délocalisation avec le groupe Surface Synergie (Cœur d’Or) à Maîche. Càd : Dans l’absolu, que deviendrait Super’Or à Maîche ? P.É. : Ce serait une société-relais, c’est-à-dire que les produits seraient conçus et testés en Fran- ce. Ensuite, dans le cadre d’une production de gros volumes de pièces, on délocaliserait la fabri- cation. Courant 2005, il faut que P.É. : La concurrence très forte sur les prix nous pousse aujourd’hui à envisager sérieuse- ment la délocalisation. Nous étudions diffé- rentes possibilités. Soit

nous ayons pris une décision. Comprenez que nous sommes confrontés aujourd’hui aux choix de nos donneurs d’ordres qui, pour des raisons de prix, peu- vent changer de fournisseur. Pour rester compétitifs, nous devons baisser les prix tout en gardant un niveau de qualité équivalent. Pour cela, nous n’avons pas d’autres possibili- tés que la délocalisation. Càd : Délocaliser est aussi synonyme de suppression d’emplois ? P.É. : Ça correspondrait à une suppression d’environ la moitié des emplois. Càd : La recherche de la diversification de l’activité est-elle aussi un trait de la politique commerciale de Super’Or ? P.É. : On essaie par tous les moyens de se diversifier. Nous commençons à travailler avec des secteurs comme l’automo- bile et la domotique. Ce sont des activités nouvelles pour nous. Tout cela peut nous aider à nous développer sur de nouveaux mar- chés. Càd : Comment évolue le chiffre d’affaires de Super’Or ? P.É. : On traite environ 30 000 pièces par jour et notre chiffre d’affaires est de 4 millions d’eu- ros. 85 % du chiffre est lié au traitement de surface, et les 15 % restant résultent d’une activité de négoce qui consiste à impor- ter des produits d’Asie pour les

actuellement est la maroquinerie de luxe qui représente 50 % de notre activité. Ce constat est valable pour plusieurs indus- triels du plateau maî- chois.

“On essaie par tous les moyens de se diversifier.”

Càd : Le traitement de sur- face est-il un secteur d’acti- vité fortement concurrentiel ? P.É. : Le gros problème dans notre activité est justement la concurrence. Elle n’est pas très virulente en France. Le dan- ger vient surtout d’Italie et des pays d’Asie contre lesquels il est très difficile de lutter compte tenu de leur politique de prix. Càd : Par quels moyens res- tez-vous compétitifs ? P.É. : Notre stratégie a plusieurs axes. Tout d’abord la qualité de nos produits est reconnue par nos clients. Ensuite, on investit dans la recherche et le déve- loppement afin d’avoir toujours

Pascal Émonin : “La concurrence très forte sur les prix nous pousse aujourd’hui à envisager la délocalisation.”

son épingle du jeu ? P.É. : Même si aujourd’hui enco- re les sociétés défendent leurs propres intérêts économiques, il y a de plus en plus de concer- tations entre les entrepreneurs. L’information circule entre nous et on essaie d’envisager ensemble des solutions à des problèmes, comme on le fait en ce moment avec la société Cœur d’Or. Je crois que le regroupement est à la fois un moyen pour réaliser des économies de structure et d’être plus performant encore dans un domaine d’activité pré- cis. Nous avons tous un inté- rêt commun à nous rapprocher. Selon moi, l’industrie sur le Pla- teau ne pourra tirer son épingle ait pas plus de partenariats entre les acteurs industriels ici, com- me c’est le cas en Italie. Dans ce pays, les entrepreneurs ont for- mé des pôles d’activité spéciali- sés. Résultat, sur des produc- tions identiques, ils proposent des prix 30 % inférieurs aux nôtres. À moyen et long terme, nous n’avons pas d’autres choix que de nous regrouper. Je crois que l’exemple de la défaillance de l’horlogerie devrait nous ser- vir de leçon. Càd : Le débat sur le main- tien ou non des 35 heures est d’actualité. Quelle est votre position sur le sujet ? P.É. : Nous sommes aux 35 heures. C’est assez compli- qué à gérer au quotidien. Je pen- se que nous allons revoir ce dis- du jeu qu’à la condi- tion d’un rapproche- ment entre les entre- prises. D’ailleurs, les grands donneurs d’ordres ont du mal à comprendre qu’il n’y

commercialiser ensuite. Le chiffre d’affaires baisse pour différentes raisons. Tout d’abord l’épaisseur d’or que l’on applique sur nos produits a considéra- blement diminué selon la volon- té de nos clients. Ensuite, le mar- ché est difficile et caractérisé par la délocalisation de nom- breuses productions. Càd : Est-ce qu’un regroupe- ment des forces vives du Pla- teau de Maîche peut per- mettre à l’industrie de tirer

positif cette année pour adopter un cadre de travail plus souple. Aujourd’hui, on travaille à flux tendu sans lisibilité sur le long terme. L’idée de la flexibilité est de pouvoir honorer une com- mande de client dans les meilleurs délais quelle que soit la quantité de produits à trai- ter. Le fait que nous soyons une petite structure qui a les moyens d’être réactive joue en notre faveur. Càd : Dans quelle direction s’orientent vos investisse- ments ? P.É. : Pour l’instant, nous étu- dions l’opportunité d’automa- tiser une partie de la production la chance de maîtriser le savoir- faire et de s’appuyer sur une équipe stable et fidèle à l’en- treprise. Càd : On imagine que votre activité s’accompagne de coûts de traitements impor- tants des rejets. Qu’en est-il vraiment ? P.É. : Le coût de traitement des rejets est de plus en plus impor- tant. Nous mettons tout en œuvre pour préserver l’envi- ronnement. Une partie des rejets est traitée directement en inter- ne et le reste dans des centres spécialisés. Le coût du traite- ment a augmenté de 40 % en deux ans. Ce poste nous coûte 60 000 euros par an. ! Propos recueillis par T.C . qui générerait de nou- veaux emplois de tech- nicien et de recherche. Cela fait partie des ingré- dients à mettre en pla- ce pour rester compéti- tifs. Super’Or a en plus

“Nous allons revoir le dispositif des 35 heures.”

La société Super’Or a été créée en 1986 à Maîche.

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