Journal C'est à Dire 99 - Avril 2005

V A L D E M O R T E A U

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Pardonner mais ne pas oublier Le Bélieu Le 60ème anniversaire de la Déportation est marqué par la réédition de plusieurs livres dont celui écrit par François Bertrand, “Vers l’Extermination, convoi de Buchenwald-Dachau”. Originaire du Bélieu, Louis Poncet, âgé aujour- d’hui de 80 ans, a survécu au “train de la mort”. Son expérience figure par- mi les témoignages recueillis par l’auteur. Rencontre.

L e 7 avril 1945 restera à jamais gravé dans la mémoire de Louis Poncet. “Ce jour-là, sur ordre d’Himm- ler, les Allemands ont organisé ce convoi ferroviaire pour nous évacuer sur Dachau. Sur les 5 090 déportés embarqués, seuls 816 arriveront vivants le 28 avril. Un mois plus tard nous n’étions plus que 400.” Louis Poncet ne tient pas à res- sasser toutes les atrocités dont il a été témoin. Il a échappé au pire mais on ne sort jamais indemne quand on a passé plus de 16 mois en déportation. “J’avais 19 ans quand je suis arrivé à Buchenwald en décembre 1943. J’étais encore célibataire. Je n’avais pas à m’an- goisser de l’absence d’une épou-

hospitalier de plusieurs mois à Emmelingen en Forêt Noire avant de revenir à Morteau en juin 1945. Pourquoi a-t-il été déporté aussi jeune ? Si l’entrée dans la résistance justifie le motif, il ne connaîtra que beau- coup plus tard les circonstances qui ont amené à son arrestation. Ouvrier polisseur aux Établis- sements Frainer à Morteau avant l’arrivée des Allemands, il quitte cette usine au début de l’occupation pour travailler à l’hôtel du Commerce. “C’était plus une couverture car je suis entré dans la résistance à cette époque. Je ravitaillais l’un de mes frères, Jean-Baptiste, au maquis de Fournet.” Arrêté par les Allemands, son frère aîné Roger réussi à s’évader du train

de Collioure. Les choses se sont vite enchaînées : interrogatoire musclé, emprisonnement, trans- fert à la gare de triage de Com- piègne et embarquement jusqu’à Buchenwald.” Louis Poncet apprendra à la Libération qu’ils ont été dénoncés. Il restera au camp de Buchenwald jusqu’en juillet 1944. “J’étais au bloc 34 qui regroupait uniquement des Français. Je travaillais au ser- vice terrassement d’une ligne fer- roviaire. La construction de cet- te voie de 9 km a coûté la vie à 9 000 personnes. Ensuite ils nous ont envoyés dans un camp satel- lite jusqu’au retour précipité en avril 1945.” Au bloc 34, se côtoient des pri- sonniers de tout ordre et de tout âge. La solidarité bat son plein. “J’ai compris rapidement qu’il fallait trouver 3 ou 4 copains pour se motiver mutuellement à tenir le coup. Dans les camps, j’ai beaucoup appris sur la vie. Plus que partout ailleurs. Les anciens nous exhortaient à res- ter en vie pour raconter.” Après avoir retrouvé la vie civi- le, il contacte l’un des ses anciens compatriotes du bloc 34, Clau- de Michelet, devenu ministre et qui l’aide à entrer dans une éco- le où l’on forme des électroni- ciens. Il exercera ce métier pen- dant 28 ans chez Camille Pre-

qui l’emmenait en Allemagne. Il revient à Morteau et décide de rejoindre l’Afrique du Nord. Louis Poncet choisit de le suivre.

se ou d’enfants. Par contre, à cet âge-là, le corps souffre plus de la privation de nour- riture. Dans mon mal- heur, j’ai eu la chan- ce de tomber vraiment

Honorer les mémoires de tous les déportés.

À 80 ans, Louis Poncet se sent toujours prêt à raconter son passé de déporté aux jeunes générations.

not qui tenait un commerce d’électroménager à Morteau. Louis Poncet a longtemps hési- té avant de revenir sur les traces de son passé de déporté. “En 1987, on est retourné avec des copains à Buchenwald.” S’il reconnaît avoir été habité par un désir de vengeance juste après sa libération, ce sentiment s’est vite estompé. Il s’est atta-

ché à honorer les mémoires de tous les déportés en allant témoi- gner dans les classes, en répon- dant aux sollicitations des auteurs de livres, de publica- tions. “Il ne faut pas oublier.” Devenu conseiller municipal à Morteau dans les années 70, aux côtés de Christian Genevard, il a accepté “après 3 nuits de réflexion” de prendre en charge

le projet de jumelage avec la vil- le de Vöhrenbach. “Je ne regret- te absolument pas cette action. Je m’en suis occupé pendant 12 ans.” La vie réserve parfois bien des surprises. Du “train de la mort”, il ne reste plus aujourd’hui que 19 survivants français. !

Ensemble, ils descendent dans le Sud chez leur oncle Raoul Bar- bier. Habitant à Arc-sur-Argens, ce dernier fait passer des clan- destins de l’autre côté de la Médi- terranée. “Après 3 jours d’at- tente chez ma tante, on a pré- féré passer par l’Espagne. On s’est fait contrôlé et arrêté près

malade dans les tout derniers jours précédents l’arrivée des troupes alliées.” À la libération du camp, le jeu- ne Louis n’a plus que la peau sur les os. Complètement ané- mié, il a contracté le typhus, la tuberculose, la dysenterie… Un état qui imposera un séjour

F.C.

AVANT TRAVAUX

LIQUIDATION TOTALE Autorisation préfectorale 2005 / 2

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