Journal C'est à Dire 99 - Avril 2005

V A L D E M O R T E A U - P L A T E A U D E M A Î C H E

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Système D.D.E. : le système de prime est bien rodé Le personnel technique de l’Équipement perçoit des honoraires en plus du salaire. Des primes calculées suivant une méthode très spécifique et qui sont sans commune mesure suivant le niveau de responsabilité du fonctionnaire.

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“L e système n’est plus ce qu’il était.” Cet- te remarque lâchée par un technicien supérieur de la Direction Dépar- tementale de l’Équipement en dit long sur l’évolution du méca- nisme des honoraires. Il est révo- lu le temps où les D.D.E. inci- taient les collectivités à se lan- cer dans une course aux chan- tiers. La mécanique était bien huilée. “Il est arrivé que l’on gagne bien notre vie” dit-il sans aller plus loin. En résumé, accompa- gner les communes sur un maxi- mum de projets était un moyen d’accumuler les honoraires qui étaient ensuite répartis entre les membres du personnel technique au prorata de leur fonction. “Cela a donné lieu à certaines dérives. Par exemple, des départements avaient dumal à trouver des fonc- tionnaires tout simplement par- ce que les primes n’étaient pas suffisamment élevées, faute d’un volume de travaux suffisant. Dans le Doubs, nous n’étions pas en retard” raconte un ingénieur de l’Équipement. Le système régi par la loi du 29 septembre 1948 a connu des

déviances. Juste après la guer- re, la France entre dans une pha- se de reconstruction et le corps des ponts et chaussées est auto- risé à percevoir des rémunéra- tions accessoires en échange de travaux réalisés pour le comp- te de municipalités. “Quand une collectivité en avait besoin, elle contactait les services de l’Équi-

rale. Elle est intégrée au budget national de l’État. Ensuite seu- lement, les indemnités spécifiques de services (I.S.S.) sont allouées aux fonctionnaires” suivant un coefficient propre au corps et au grade de chaque personnel tech- nique (voir tableau). Une maniè- re de niveler les différences en mettant tout le monde sur le même pied d’égalité. Enfin presque. çoit ces honoraires. Le person- nel administratif a droit à d’autres primes “moins élevées” mentionne- t-on au service du personnel. Dans le détail, pour le Doubs, (D.D.E. et D.R.E. comprises), environ 300 agents (hors postes de direction) sur 750 sont des- tinataires de ces fameux hono- raires. “On reçoit une dotation et c’est nous qui sommes chargés de la dispatcher .” Cette répartition suffit à créer quelques tensions en interne. Une réaction compréhensible si l’on se fie au simple calcul des honoraires pour chaque fonc- tionnaire. On attribue par Car à l’Équipement, seul le personnel affecté aux services techniques per-

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pement. Elle leur deman- dait de réaliser un projet et en contrepartie elle ver- sait les honoraires. Le principe de base était bon” ajoute-t-il.

“J’ai parfois un peu honte.”

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C’est dans un but de dissiper les “préjugés persistants d’intéres- sement individuel ou collectif des agents de l’État dans le cadre de l’ingénierie publique” que le dis- positif a été modifié à plusieurs reprises. Désormais, à l’heure où elle est soumise aux lois de concurrence avec les cabinets pri- vés, l’ingénierie de la D.D.E. n’a plus un intérêt direct à “pous- ser” les communes à lancer des chantiers, comme le précise la Direction Départementale de l’É- quipement de Besançon. “Aujour- d’hui, la collecte des honoraires est faite par la trésorerie géné-

exemple un coefficient de 75 à un ingénieur général des ponts et chaussées (parmi les statuts les plus élevés) et de 7,5 à un des- sinateur. “Ensuite, une valeur de point est attribuée à chaque région. En Franche-Comté, elle est de 348,37 euros le point” pré- cise le service du personnel. Résul- tat, en plus de son salaire, un ingénieur général des ponts et chaussées peut prétendre per- cevoir des honoraires égaux à 26 135,25 euros (75 x 348,37 euros) bruts par an. Pour le des- sinateur, ils seront de 2 613,52

euros bruts par an. Les indem- nités sont soumises à imposition. Il n’empêche que la formule men- sualisée est synonyme d’un confortable complément salarial pour les destinataires (sachant qu’un cadre A chevron 1 perçoit 46 757 euros par an hors primes.) La D.D.E. a moins de retenues à communiquer sur ce sujet, du fait notamment de la précision de la réglementation. Par contre, elle n’a pas souhaité se pronon- cer sur le montant global des honoraires distribués à l’échelle du département invoquant “des

raisons techniques.” Concernant les indemnités spé- cifiques de service perçues par les directeurs des antennes dépar- tementales et régionales de l’équi- pement, nos questions sont aus- si restées sans réponses. L’ar- gument avancé par le service du personnel est que “les directeurs font l’objet d’une dotation direc- te de l’administration centrale à Paris.” L’ingénieur conclut : “Je l’avoue, dans le contexte économique actuel, j’ai parfois un peu honte de ce système.” ! T.C.

Repère Tableau des coefficients appliqués dans l’attribution des indemnités spécifiques de service allouées aux ingénieurs des ponts et chaussées et aux fonctionnaires de l’Équipement. Ingénieur général des ponts et chaussées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 Ingénieur en chef des ponts et chaussées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Ingénieur des ponts et chaussées (à compter du 6 ème échelon) . . . . . . . . . . . . . . . . 55 Ingénieur des ponts et chaussées (du 1 er au 5 ème échelon) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État détaché sur l’emploi fonctionnel de chef d’arrondissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 Ingénieur divisionnaire de travaux publics de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 Ingénieur de travaux publics de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Technicien supérieur principal, technicien supérieur en chef détaché sur l’emploi fonctionnel de chef de subdivision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Technicien supérieur principal, technicien supérieur en chef . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Technicien supérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10,5 Contrôleur principal et contrôleur divisionnaire des travaux publics de l’État . . . . . 16 Contrôleur des travaux publics de l’État. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,5 Conducteur principal des travaux publics de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,5 Conducteur des travaux publics de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,5 Dessinateur chef de groupe, dessinateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,5 Expert technique principal, expert technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,5

Les primes allouées aux directeurs de la D.D.E. font l’objet d’une dotation directe de l’administration centrale à Paris.

Source : Journal officiel 28 août 2003

Les dérives Un chantier en échange d’une compensation Les rapports entre la D.D.E. et certaines entreprises de travaux publics privées ont souvent été sujets à suspicions. Même si aujourd’hui, la profession s’accorde pour dire que le système a changé.

“C royez-moi, entre la D.D.E. et une société de travaux publics privée, il n’y pas d’accord pos- sible.” La révision de la procédure d’at- tribution des marchés publics lève tou- te ambiguïté pour cette entreprise de T.P. du Doubs. Le cadre réglementai- re serait trop rigide pour laisser une place au “copinage” entre l’Équipement et des entrepreneurs privés qui à une certaine époque pouvaient être assu- rés d’obtenir un chantier à condition “de donner la pièce” poursuit ce chef d’entreprise du Haut-Doubs. Difficile d’en savoir plus sur ces pratiques dou- teuses qui étaient “courantes il y a une dizaine d’années encore. Je confirme que si nous étions dans les petits papiers du chef de subdivision, c’était plus faci-

Le système serait assaini. “Ce n’est plus pareil avec l’arrivée de la jeune géné- ration de techniciens à la D.D.E. Ce genre d’arrangement arrivait avec les

le pour avoir du travail. Pour ma part, je n’ai jamais voulu entrer dans cette combine” ajoute-t-il. Les langues ont du mal à se délier.

Dans ce métier, la plupart des professionnels avoue connaître les coulisses peu glorieuses des chantiers publics, mais aucun n’admet avoir joué le jeu. L’ac- cusation d’une tentative de cor- ruption de fonctionnaire “par

anciens cadres qui ne sont plus là. Les entreprises de T.P. ont elles aussi changé. Honnête- ment, si à une certaine période il fallait proposer des compen- sations financières par exemple, désormais ce n’est plus le cas.”

“Ce n’est plus pareil avec l’arrivée de la jeune génération.”

Pourtant, la révélation de récentes affaires en Bourgogne et dans le Vau- cluse permet d’en douter. En 2002, en Côte d’Or, un entrepreneur et des contrôleurs de la D.D.E. ont été incar- cérés suite à une affaire de corrup- tion. ! T.C.

des pots de vins ou des services rendus” est trop grave. “J’ai entendu parler de certaines choses. D’un responsable de l’Équipement qui en échange d’un chantier demandait à l’entrepreneur de lui faire le terrassement pour sa mai- son par exemple. Impossible d’imagi- ner cela aujourd’hui.”

Pour obtenir des marchés, certains entrepreneurs privés auraient des “petits services” au personnel de la D.D.E.

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