Journal C'est à Dire 94 - Novembre 2004

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P O R T R A I T

Jean-Marie Vuillier, disciple de l’école paysagère comtoise Le peintre Jean-Marie Vuillier a toujours porté en lui le goût du dessin et une inal- térable capacité d’émerveillement devant la nature comtoise. Les paysages contras- tés inspirent son univers créatif. La maturité artistique aidant, le trait prend de l’as- surance, le motif s’épure, et les tableaux se vendent comme des petits pains. Les Fins

I l fut probablement le pre- mier surpris en constatant le succès de sa dernière expo- sition réalisée cet automne à la salle du Temps Présent au château Pertusier. Sur la tren- taine d’aquarelles présentées, toutes ont pratiquement trouvé acquéreur ! Pasmal pour un artis- te autodidacte qui n’a jamais été accueilli au salon desAnnonciades à Pontarlier sous prétexte de ne pas avoir suivi une formation aux Beaux-Arts. Aujourd’hui, Jean-Marie Vuillier ne s’en offusque guère. Ce n’est pas tant le côté commercial qu’on puisse attendre d’un tel rendez- vous qui lui manque, mais le regret de ne pouvoir confronter ses œuvres avec d’autres dans l’espoir d’une critique construc- tive. Originaire de Villers-le-Lac, il a d’abord suivi un apprentissa- ge dans l’horlogerie, et plus pré- cisément dans l’entreprise Parents frères. À l’âge du ser- vice militaire au début des années 60, le jeune Vuillier a droit à un séjour de 24 mois enAlgérie. De retour au pays, il poursuit sa carrière chez plusieurs grands horlogers suisses Tissot, Rolex, Piguet. “Parallèlement à mes acti- vités professionnelles, j’étais membre des Amis des arts à Pon- tarlier” précise-t-il. S’adonnant au dessin depuis sa

plus tendre enfance, il suit des cours par correspondance à l’éco- leA.B.C. de Paris. Une expérience formatrice qui lui permet de maî- triser les différentes techniques et genres picturaux. Le figura- tif a ses préférences et plus enco- re les paysages qui représentent 90% de ses œuvres. Le reste de sa production comprenant quelques natures mortes. “J’ai tenté à une certaine époque d’al- ler vers l’abstraction. En tant que peintre amateur, c’est sympa. Mais ce genre de tableaux n’est pas faci- le à écouler et ça ne correspond guère à ma personnalité comme me l’ont dit certains artistes confirmés.” posant son chevalet face au sujet. “Je ne compte plus les heures pas- sées dans les bassins du Doubs par exemple.” Inspiré par Charigny, Roz et Zingg, il marche ainsi sur les pas des grands maîtres de l’école pay- sagère comtoise. En 1982, il délais- se l’horlogerie pour se consacrer entièrement à la peinture. “Je me suis inscrit à lamaison des artistes à Paris. C’est la marche à suivre si l’on veut adhérer au statut d’ar- tiste professionnel. Au départ, je m’occupais moi-même de la loca- Sa source d’inspiration, il la puise en partant à la rencontre de la nature jurassienne qu’il a longtemps croquée en

tion des salles pour exposer mes œuvres.” Il fréquente assez régu- lièrement le château Pertusier, la salle annexe de la chapelle des Annonciades à Pontarlier, celle de l’ancienne poste à Besançon. L’amorce d’une petite notoriété aidant, il élargit son rayon à la Bourgogne, la Savoie, les Hautes- Alpes. En 1989, il rentre à la gale- rie Art et Lithographies située rue de la République à Pontar- lier. “Aujourd’hui, je n’ai plus à me soucier du volet commercial. Ils gèrent à ma place le calendrier des expositions. Les galeries, c’est une condition nécessaire pour vivre de son métier.” Réalisant autant d’aquarelles que intérêt, les multiples possibilités qu’offre cette technique. Ne lais- sant pas le droit à l’erreur, elle se travaille tout en délicatesse et méditation. Après plus de 20 ans de carrière, il ne se lasse pas de son registre paysager. “J’éprou- ve toujours la même envie de peindre cette région contrastée dans son relief tout comme dans les variations de sa palette chro- matique. L’été comtois est peut- être la saison la plus difficile à reproduire avec ses multiples nuances de vert. J’adore les pay- d’huiles, Jean-Marie Vuillier s’essaye de temps en temps au pas- tel. Il découvre avec

Jean-Marie Vuillier vit de son art depuis plus de 20 ans.

sages de fin d’hiver où se super- posent le blanc de la neige au sol, le noir des sapins et un ciel tour- menté.” Avec l’expérience, l’artiste consta- te qu’il prend un malin plaisir à vouloir toujours flatter son œil dans le même registre. “Quand on se laisse aller à ce pourquoi on est fait, c’est là qu’on obtient les meilleurs résultats.” Jean-Marie Vuillier appréhende l’existence de façon plus prag- matique que métaphysique “Je réalise une œuvre en y mettant le côté universel de la peinture. Je cherche toujours à reproduire au mieux la nature dans toute sa vitalité. Pour autant, je ne reste pas insensible devant une vieille cabane dans le sens où elle expri-

me une histoire. C’est clair, je ne serai jamais le peintre des catas- trophes.” Une perception qui lui réussit assez bien si l’on en juge par le succès de ses expositions. Comment entrevoit-il son futur cheminement artistique ? “En continuant à évoluer toujours dans le même sillon” , sourit-il. En vieillissant, son stylemûrit, prend de l’assurance. Le geste devient plus sûr. “On va à l’essentiel.” Il a peaufiné sa technique en l’épu- rant des détails inutiles. Il appré- cie toujours autant les sorties sur le terrain mais travaille désor- mais davantage à l’atelier. “Dans des régions comme la nôtre, les bonnes conditions à l’extérieur sont assez fugitives. Avec le temps, j’exécute plutôt des croquis rapides

que je réinterprète ensuite à ma guise.” Enviée par beaucoup, la vie d’ar- tiste n’est pas toujours simple. Elle exige de la rigueur, de la dis- cipline. Pour Jean-Marie Vuillier, ça relève presque du sacerdoce. Une passion envahissante qui ne laisse guère de temps aux autres loisirs. Plus sensible à ce qu’il voit qu’à ce qu’il entend, il s’avoue piètre musicien et bien meilleur photographe. Quand il lui prend l’envie de voyager, il privilégie les pays de caractère comme la Cor- se, l’Alsace. Toujours des desti- nations susceptibles de faire des bons tableaux. Quand la vie est peinture… ! F.C.

“Je ne serai jamais le peintre des catastrophes.”

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