Journal C'est à Dire 92 - Septembre 2004
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D O S S I E R
Les édifices religieux sont une des facettes du patri- moine historique du Haut-Doubs marqué depuis longtemps par la religion catholique. Chaque vil- lage a son église entretenue la plupart du temps par la commune et la paroisse. Mais l’ancienneté de ces bâtiments cultuels parfois classés, datant de plusieurs siècles, coûte cher aux collectivités dès qu’il s’agit de les rénover. Les petites municipali- tés sont confrontées à des problèmes de finance- ment pour maintenir en état des églises moins fréquentées. Pourtant, selon certains experts, il y a urgence à agir avant que ce patrimoine historique local ne se dégrade. L’institution ecclésiastique, que l’opinion publique aurait tendance à qualifier de riche, rencontre les mêmes problèmes pour entre- tenir les biens qui lui appartiennent. Alors elle se sépare de certain de ses bâtiments comme une cure, une salle paroissiale, pour concentrer ses moyens sur des constructions qui servent exclusivement à sa mission. L’Église, dont les seules ressources pro- viennent de la générosité des fidèles est moins riche qu’elle n’y paraît, si ce n’est de sa foi. Dans ce contex- te, tout se complique pour sauvegarder un patri- moine important dans le Haut-Doubs. Patrimoine et finances : les confessions de l’Église
Le Haut-Doubs pétri par la religion Histoire Les moines sont les premiers à venir coloniser les montagnes du Haut-Doubs. Cette région deviendra ensuite un bastion de l’Église catholique. Il reste de cette époque un patrimoine à entretenir.
P endant des siècles, avec ses églises et ses abbayes, notre région a été une place for- te du christianisme. Au XVI è- me siècle, au moment de la Réforme, on disait du Haut-Doubs quil était un des derniers remparts catho- liques contre le protestantisme. Il reste de cette époque quelques édi- fices remarquables comme labbaye de Montbenoît, mais beaucoup ont été abandonnés comme le monastère Sain- te-Colombe à Orchamps-Vennes dis- paru en 1300, ou détruits au moment de la Révolution française. Selon Michel Malfroy, historien du Haut-Doubs qui aborde la question religieuse dans son montagnes ont servi de refuge à des gens en quête de solitude et dune spi- ritualité plus intense dit-il. Il sagis- sait de moines défricheurs précise Henri Leiser, spécialiste de lhistoire locale qui apporte quelques nuances sur le choix des communautés reli- gieuses de sinstaller dans le Haut- Doubs. On connaît beaucoup de prieu- rés dans la région, comme à Vauclu- se ou à Laval-le-Prieuré. On ne sait pas véritablement si les moines se sont installés dans une région inhabitée ou alors sils sont venus dans ce secteur pour évangéliser les populations qui y vivaient. Toujours est-il que ces hommes de foi apportent un savoir. Petit à petit, les dernier ouvrage Regard sur le passé comtois, ce nest pas un hasard si dès le XII ème siècle, on assiste à une colo- nisation monastique du Haut- Doubs. Avant larrivée des moines, cette région était un vaste domaine forestier. Ces
villages sorganisent autour des monas- tères. Des populations sinstallent à proximité de ces lieux où elles trouvent sécurité et recueillement. Je dirais que cest à partir de ces abbayes que se créés les premiers centres économiques. Les moines attribuent des terres à des pay- sans chargés de les cultiver poursuit Michel Malfroy. Par leur fonctionne- ment, ces abbayes deviennent de véri- tables seigneuries ecclésiastiques qui tiennent leur rang face aux seigneu- ries laïques. Elles sont propriétaires, bénéficient de dons, collectent limpôt comme le faisait la communauté béné- dictine de Morteau. Jusquà la Révolution, les biens qui représentants du clergé deviennent des sortes de fonctionnaires de lÉtat. On était bien loin de lépoque des moines défricheurs qui apportaient des choses aux paysans. À la fin, les moines avaient mauvaise presse à Morteau. Ils ne fai- saient que collecter limpôt indique Henri Leiser. Les biens de lÉglise sont finalement confisqués, vendus par lÉ- tat puis finalement démantelés. Le Val de Morteau échappe à la destruction massive dédifices religieux contrai- rement au Haut-Doubs forestier où des abbayes comme celle de Labergement- Sainte-Marie sont détruites. Montbenoît échappe à ces actions radi- cales des révolutionnaires. Un cer- tain nombre dhabitants se sont mobi- appartiennent soit à lÉglise soit à des congrégations reli- gieuses sont les plus repré- sentatifs du territoire. Mais en 1790, alors que la Répu- blique nen est quà ses bal- butiements, les ordres reli- gieux sont supprimés et les
lisés pour acheter cette église afin quel- le ne soit pas condamnée à la des- truction raconte Michel Malfroy. Les édifices sont détruits et les membres des congrégations religieuses qui sou- haitent continuer à mener une vie pieu- se en vivant en communauté sont accueillis dans dautres monastères. Les autres retournent à la vie civile. LÉglise va subir encore deux rema- niements majeurs. En 1801 tout dabord, avec le Concordat et Napo- léon Bonaparte qui rétablit une par- tie des droits de lÉglise. 1905 ensui- te, où une loi marque la séparation de lÉglise et de lÉtat. À cette époque, on demande aux différentes commu- nautés religieuses de créer des asso- ciations cultuelles qui assureront la gestion des Églises pour la commu- nauté catholique qui a refusé ce prin- cipe. Cest pour cette raison que la ges- tion des églises est passée sous le contrô- le des communes. Les représentants de lÉtat se sont donc livrés à un inven- taire de tous les biens qui se trouvaient dans les églises, ce qui a parfois don- né lieu à des confrontations avec des paroissiens opposés à cette mesure. À Doubs par exemple, les fidèles se sont barricadés dans lédifice cultuel en signe dopposition à cet inventaire. Cest de cette manière que la plu- part du mobilier de Consolation est vendu. À Morteau, la plupart des biens ont été cédés à Pontarlier. Cependant, cest grâce à ce recense- ment que lon connaît dans le détail le patrimoine de lÉglise dans le Haut- Doubs. Un patrimoine qui appartient à lhistoire collective de toute une région longtemps pétrie par la religion et quil sagit aujourdhui dentretenir. ! T.C.
À Morteau les moines avaient mauvaise presse.
Labbaye de Montbenoît a échappé à la destruction au moment de la Révolution.
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