Journal C'est à Dire 87 - Mars 2004

D O S S I E R

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Zoom Le Haut-Doubs en manque de spécialistes

Les gardes Un équilibre compromis à long terme ? La population des médecins généralistes vieillit. Ce constat soulève les interrogations sur le maintien des gardes en milieu rural. U ne vingtaine de médecins généralistes assurent les gardes à tour de rôle le week-end sur le secteur de Mor- teau, Le Russey et Gilley. “Globalement, nous avons un week-end pris tous les deux mois” indique le docteur Fran- çois Rouxbedat. Un médecin n’est jamais seul de garde, il y a toujours un confrère d’astreinte près à intervenir si la charge de travail est trop importante. “Pour les urgences vitales, le S.M.U.R. (service mobile d’urgence et de réanimation) de Pontarlier intervient sur le secteur.” le médecin du Russey est de garde, il peut venir assurer ce service à Morteau” précise Michel Loichot, directeur de l’hô- pital. L’endroit est prévu pour qu’il puisse consulter. S’il doit se déplacer sur Gilley, son intervention est plus rapide. Selon les médecins mortuaciens, cette structure de garde ne présente pas un grand intérêt. Ils préfèrent ausculter les patients directement à leur cabinet. “Je pense que ce type de système est plus efficace à proximité d’un hôpital car il per- met de désengorger les urgences. Mais à notre niveau, il n’est pas indispensable” ajoute le docteur Rouxbedat. L’évolution de la population médicale qui a des difficultés à se renouveler en milieu rural peut remettre en cause l’équilibre des gardes. Qui va assurer ce service à long terme si les médecins qui par- tent en retraite ne sont pas remplacés ? Cette question ouver- te est à l’esprit des généralistes. ! “Pour les urgences vitales, le S.M.U.R. intervient.” Pour faciliter le travail des médecins, l’hô- pital de Morteau met à leur disposition un bureau médical où ils peuvent s’éta- blir pendant le week-end. Ce dispositif est censé permettre à ces profession- nels d’être plus réactifs et de parcourir moins de kilomètres. “Par exemple, quand

La zone Morteau-Maîche ne compte que 6 spécialistes : deux radiologues, un psychiatre, un gynécologue, un O.R.L. et depuis quelques années, un ophtalmologis- te à Maîche. C’est totalement insuffisant.

6 mois. “Nous avons des gens de tout le Haut-Doubs, de Mor- teau bien sûr mais aussi de Gil- ley ou de Valdahon. Les gens vien- nent aussi de Montbéliard, par- fois de Luxeuil et même de Mul- house pour certains” confie le pra- ticienmaîchois. “Nous avons tous trop de travail” confie ce méde- cin de la vue. Constat logique lorsque l’on sait que sur le plan national, le quota d’ophtalmo- logistes n’a été augmenté que de 50 par an. “Sur Besançon, seuls deux internes supplémentaires ont été formés pour devenir ophtalmo l’an dernier ! Mais tout cela est voulu par le minis- tère. L’explication est simple : il faut limiter les dépenses de santé.” Si aussi peu de spécialistes se décident à s’installer en milieu rural, il y a aussi d’autres rai- sons. “Les spécialistes veulent continuer à opérer, c’est pour cela qu’ils souhaitent ne pas être trop éloignés d’un centre hospitalier. Ils ont l’habitude de travailler bien encadrés dans unmilieu hos- pitalier et hésitent à venir en cam- pagne. Aussi, s’installer seul en milieu rural nécessite de gros

investissements en matériel. Les spécialistes veulent donc de moins en moins s’installer seuls.” Les ophtalmologistes dressent le même constat que tous leurs confrères spécialistes : “Ça fait bien longtemps que nous savons qu’il manque cruellement de spé- cialistes et notamment en milieu rural. Mais il y a un total manque de vision des autorités, il va fal- loir rapidement codifier tout cela. L’État est coupable” dénonce ce médecin du Haut-Doubs. Comme tous ses confrères, il ne peut que constater l’inexorable évolution d’une société qui prend de plus en plus soin de sa san- té au fur et à mesure de l’amé- lioration des techniques théra- peutiques et de l’allongement de la vie. Ce bouleversement pro- fond des pratiques a un coût que l’État ne semble pas vouloir prendre en compte dans toute sa dimension. Résultat : les méde- cins - spécialistes en tête - sont de moins en moins nombreux en milieu rural et les patients… patientent… en attendant de longs mois avant de décrocher un rendez-vous chez leur spé- cialiste. ! J.-F.H.

P lus d’un an d’attente pour obtenir un rendez-vous chez son ophtalmologiste ! C’est la situation extrême que les patients du Pays de Montbéliard subissent actuellement. Si bien que ce secteur est en proie depuis peu à une dérive qui s’apparen- terait presque à de l’exercice illé- gal de la médecine. Certains patients qui ne peuvent pas attendre cet interminable délai poussent la porte de leur opticien qui leur fait un examen visuel. Ils se rendent ensuite chez leur généraliste qui leur dresse une ordonnance pour la correction visuelle établie par l’opticien et peuvent ainsi commander leur nouvelle paire de lunettes, sans passer par la case “ophtalmo”. Ces abus constatés dans le Pays de Montbéliard ne se limitent certainement pas à cette région. Partout, en ville surtout, obtenir un rendez-vous chez son ophtal- mologiste relève du parcours du combattant. En milieu rural, le problème est identique dans le sens où il n’y a quasiment pas de spécialistes. Dans le Haut-Doubs, il n’y a plus

d’ophtalmologiste à Morteau depuis plusieurs années. Les deux ophtalmos qui officiaient à Mor- teau venaient de Besançon, leur cabinet mortuacien était “secon- daire”. “L’ouverture d’un cabinet secondaire est désormais inter- dite si un autre praticien est ins-

tallé dans une ville plus proche que le cabinet principal du médecin. Comme il y avait des ophtalmos à Pontarlier,

“Nous avons tous trop de travail !”

les docteurs Cellier et Romand se sont vus dans l’obligation de fer- mer leur cabinet mortuacien. Il faudrait vraiment que le minis- tère autorise la réouverture des cabinets secondaires” observe un professionnel local de la santé. Depuis 2000, un ophtalmologis- te est installé à Maîche. Natu- rellement, le succès a été immé- diat, le cabinet du docteur Des- champs ne désemplit pas. Les délais d’attente, plus raisonnables qu'en ville, sont tout de même de

Formation Le numerus clausus progresse lentement D’année en année, le nombre de places ouvertes au concours à la faculté de médecine de Besançon augmente. Régulièrement, mais timidement.

C ontrairement à toutes les autres filières universi- taires françaises, la méde- cine est la seule discipline où le quota d’étudiants

rus clausus . Sur le plan national, les pou- voirs publics ont semble-t-il pris conscience (tardivement ?) des

te année, sur le plan national, ce numerus clausus de médeci- ne a été réévalué de 500 places, réparties proportionnellement entre toutes les facultés fran- çaises. Il passe ainsi de 5 100 à 5 600 places. Dans cette réévaluation, Besan- çon gagne quelques places sup- plémentaires. “Nous enregis- trons une légère progression depuis quelques années, indique Sylvie Scheubel, responsable administrative à l’U.F.R. “sciences médicales et phar- maceutiques de Besançon”. L’an dernier, notre numerus clausus en médecine était de 106. Pour l’année 2003-2004, il a été rééva- lué à 114, ce qui signifie qu’au lieu de 106 lauréats, ils seront 114 à accéder en deuxième année en juillet prochain. En 2001- 2002, ce chiffre était de 98. La progression est régulière.” En plus de ces 114 admis en médecine, 13 pourront avoir accès à la filière odontologie (art dentaire : 5 à Strasbourg et 8 à Nancy), et 23 autres étudiants à l’école de sages-femmes. “On peut s’attendre encore à des aug- mentations les prochaines années, du fait justement des nombreux départs en retraite de médecins.” Enfin, les futurs pharmaciens sont aussi concer- nés à la faculté de Besançon. Leur numerus clausus passe cet- te année de 52 à 58. Mais ces progressions suffiront-elles à couvrir les besoins ? ! J.-F.H.

besoins à venir en matière de médecins. Les départs à la retraite se multi- plieront dans les pro- chaines années, com-

admis en deuxième année de faculté est contingenté. C’est le ministère de la Santé qui fixe tous les ans

Les départs à la retraite se multiplieront.

pour chaque faculté de France le nombre de places disponibles à l’issue du concours de fin de première année. Ce nombre est connu sous le nom de nume-

me dans toutes les professions occupées par la génération “baby-boom” d’après-guerre. Il est impératif d’agir, le ministè- re de la Santé l’a compris. Cet-

La faculté de médecine de Besançon accueillera cette année 114 étudiants en deuxième année.

L’ophtalmologie a bien évolué depuis cette illustration du XVII ème siècle. Le rapport de la société à la médecine aussi.

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