Journal C'est à Dire 87 - Mars 2004

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D O S S I E R

Témoignage Médecin de campagne et fier de l’être Le docteur Romain Nattero est installé à Villers-le-Lac depuis juillet dernier. Jeune généraliste de 32 ans, il a fait ce choix que bien des praticiens de son âge refusent de plus en plus : pratiquer la médecine en milieu rural.

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“I l me semble que les rapports avec les patients sont diffé- rents de ceux qui exis- tent en ville. C’est certainement plus convivial, en tout cas moins impersonnel. En ville, la méde- cine est presque perçue com- me un produit de consomma- tion” commente Romain Nat- tero qui dans le paysage médi-

que seul, il ne serait pas reve- nu s’installer dans son Haut- Doubs natal. “Plus personne ne veut s’installer tout seul, c’est évident.” Être associé, cela signi- fie partager un secrétariat en commun, pouvoir s’arranger avec ses collègues du cabinet pour des journées de repos, pour les vacances, etc. “C’est devenu impossible.” Romain Nattero se

sont voués à disparaître” pré- dit-il en évoquant l’évolution subie par certains pays comme la Norvège qui ne compte des maisons médicales que tous les 50 km… Avec presque 9 mois de recul, Romain Nattero ne regrette pas son choix. “J’ai la chance d’être dans un cabinet où les médecins s’entendent très bien entre eux, où on a la même façon de tra- vailler, on a dans le Val de Mor- teau un plateau technique très efficace, au niveau biologie et radio, on dispose de tout. Ce sont vraiment des conditions idéales de travail et les relations avec nos patients sont très bonnes.” Romain Nattero espère seu- lement que pour maintenir une telle qualité de soins et de vie, le ministère de la Santé com- prenne que l’urgence est à l’ou- verture de postes de méde- cins. ! J.-F.H.

Etablissement privé sous contrat avec le Ministère de l’Agriculture - Antenne CFA conventionné avec le Conseil Régional

cal du Haut-Doubs, fait un peu figure d’exception. “Les jeunes médecins choi- sissent d’être en ville ou autour des grandes villes. Ils ne

dit convaincu que “l’avenir, ce sont les maisons médicales, il n’y a que des avan- tages à être plusieurs, à mutualiser nos moyens.”

“Les cabinets seuls sont voués à disparaître.”

Les détails de l’enquête de l’O.R.S. Le point de vue des habitants

Sur ce point, il fait le même constat que son ancien confrè- re retraité Jean-Marie Dornier : “Une fois partis en retraite, les médecins installés dans les petites communes comme Gilley ou Montlebon par exemple ne seront certainement pas rem- placés, tous les cabinets seuls

veulent plus être embêtés par les gardes, ils ne veulent pas travailler la nuit ni le week- end” ajoute-t-il. Le docteur Nattero a choisi l’in- tégration à un cabinet médical, il collabore aujourd’hui avec les deux autres médecins déjà en place à Villers-le-Lac. Il avoue

Profil de la population médicale interrogée 87 % sont des hommes. Âge moyen de 50 ans. Installés depuis 20 ans en moyenne dans ce secteur. Un quart des médecins est ori- ginaire de la zone géographique étudiée. La moitié de ces médecins en exercice seront en retraite dans les 15 ans à venir. Parmi les médecins qui cher- chent un successeur avant leur départ en retraite, 80 % pen- sent qu’ils auront des difficul- tés à en trouver un. Les praticiens plébiscitent l’exer- cice d’une médecine complè- te et variée, la qualité de la rela-

La quasi totalité (93 %) des habitants de ce secteur consulte leur médecin de famille dans la zone d’emploi de Morteau. Il est situé à moins de 15 minutes en voiture pour 84 % des habitants. L’offre de médecins généralistes est jugée suffisante par 88 % des personnes interrogées. En revanche, certaines spécialités médicales sont jugées comme fai- sant défaut, notamment l’ophtalmologie, la

tion médecin-patient, et la bon- ne entente entre les médecins du secteur géographique étu- dié. Les difficultés signalées concernent essentiellement le manque de remplaçants dis- ponibles (pour 3/4 des méde- cins), l’éloignement des pla- teaux techniques (1/3), et les difficultés pour suivre une for- mation médicale continue (1/3). Sur le plan personnel, l’éloi- gnement des grands centres urbains, le climat et la charge importante de travail sont les aspects négatifs le plus sou- vent cités. Enfin, 2/3 des méde- cins estiment qu’ils sont suf- fisamment nombreux pour la population du secteur géogra- phique. Source : O.R.S., U.R.C.A.M., D.R.A.S.S., A.R.H.

Morteau Le malaise des infirmières libérales Moins prisée par les jeunes infirmières, cette profession a du mal à se renouveler. Pourtant, les besoins sont en augmentation constante.

pédiatrie et la gynécologie.

C histiane Chouet a pris sa décision. Si elle le peut, cette infirmière libérale mortuacien- ne prendra sa retraite dans un an, sans avoir la certitude que quelqu’un la remplacera au cabinet pour épauler ses deux autres collègues. Car en ce moment, on ne se bouscule pas au portillon pour se lancer dans

d’hui, elles n’en sont pas cer- taines pour les années à venir. La profession ne se renouvel- le pas, alors que le vieillisse- ment de la population et la volonté de maintenir les patients à domicile multiplient les actes. “Dans les 10 à 15 ans à venir, les infirmières libérales du secteur seront amenées à s’arrêter. Pour l’instant, le Haut-

soit confronté à une crise.” Ces infirmières sont unanimes, les pouvoirs publics ont intérêt à revoir les conditions d’ins- tallation pour une profession- nelle qui ferait le choix d’exer- cer son métier en libéral. Il est temps de valoriser la profes- sion pour l’adapter aux besoins de demain. “Aujourd’hui, une jeune infirmière diplômée ne peut pas s’installer sans avoir fait au préalable 3 ans d’expé- rience dans le milieu hospita- lier. C’est évident qu’une fois qu’elle est titularisée, elle ne viendra pas dans le privé. Il faudrait réduire ce délai. La qualité des soins justifie cette obligation de 3 ans. Mais pour nous, ce n’est qu’un prétexte pour que l’hôpital ait une garantie de main d’œuvre.” Les salaires et les conditions de travail font aussi partie des revendications. “Nous n’avons de libéral que le nom car notre tarification est parfaitement encadrée.” Une fois de plus, le constat des infirmières libérales illustre le paradoxe d’une politique de maintien des malades à domi- cile - pour soulager aussi l’hô- pital - sans être assuré que les moyens humains sont suffisants sur le terrain pour faire tour- ner le système. Actuellement, sur la zone d’emploi de Mor- teau, 24 infirmières libérales sont en activité. Une baisse de cet effectif poserait de sérieux problèmes dans l’organisation du service de soins. ! T.C.

une carrière d’infir- mière libérale. Une profession difficile à vendre, dans le contexte des 35 heures appliquées en milieu hospitalier.

Doubs n’est pas enco- re en zone sinistrée, on arrive encore à répondre à la deman- de, mais jusqu’à quand ?” poursuit Syl- via Bouheret.

“Il est possible que l’on soit confronté à une crise.”

Quitte à choisir, les infirmières préfèrent le service public à la gestion d’un cabinet qui impo- se d’être un chef d’entreprise en plus d’un professionnel de santé. En libéral, le quotidien c’est aussi de la paperasserie administrative, de la disponi- bilité, des congés incertains, des déplacements. Il ne vaut mieux pas compter ses heures et éviter d’être malade au nom du devoir d’assurer la conti- nuité des soins. “En dehors de ça, le travail est très inté- ressant” lance Sylvia Bouhe- ret, une des trois associées du cabinet. L’argument ne suffit pas à convaincre pour recruter des infirmières prêtes à faire le pas du libéral et la proximité de la Suisse n’arrange rien. Ces infirmières ressentent un malaise. Cette situation ne peut pas durer éternellement. Si elles peuvent encore faire face à la demande de soins aujour-

Être associées est un atout pour ces trois infirmières qui par- viennent à mieux répartir la charge de travail. “Quand on est seul, il faut être disponible 365 jours par an, jour et nuit” ajoute Sylvia Bouheret. Elles ont une remplaçante qui inter- vient pendant les périodes de congés. Dernièrement, une nou- velle infirmière est venue rejoindre l’équipe de façon ponc- tuelle. Elle répartit son temps entre Villers-le-Lac et le cabi- net mortuacien, ce qui permet à Christiane Chouet de lever le pied. “Physiquement et mora- lement, ce travail est plus dur à mon âge. Il faut avoir la san- té. C’est certain, je ne rempile- rai pas” dit-elle. Christiane Chouet prend du recul par rap- port à cette profession. “Je trou- ve cela bizarre que les filles ne soient pas attirées par ce métier de contact.” Pourtant, c’est une réalité, “il est possible que l’on

Christiane Chouet et Sylvia Bouheret, deux infirmières libérales qui s’interrogent sur leur profession, moins prisée par les jeunes.

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