Journal C'est à Dire 315 - Avril 2025
VAL DE MORTEAU
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Biathlon
“Ce qui me guide, c’est la passion” Directeur sportif des équipes de France de biathlon depuis sept saisons, Stéphane Bouthiaux revient sur la chute malencontreuse de Lou Jeanmonnot, les résultats des filles et des garçons, la place du massif jurassien sur la scène nationale, la popularité du biathlon, les prochains J.O. d’hiver, son parcours… Entretien.
Originaire de Pontarlier, Stéphane Bouthiaux, 59 ans, a gravi tous les échelons pour exercer depuis sept ans comme directeur sportif du biathlon français. Un passionné qui est aussi très attaché au projet Équipe de France (photo Agence Zoom).
C’ est à dire : Quelle est votre analyse sur cette chute de Lou Jeanmonnot qui a tenu en suspens toute la France du biathlon? Stéphane Bouthiaux : On apprend tou jours de ce type de situation. J’espère que la prochaine fois, elle fera en sorte de ne pas se laisser enfermer contre les barrières. Il peut arriver que des
S.B. : Cela plaît énormément. Ce sport est devenu un spectacle qui se renouvelle en permanence, avec du suspense, des émotions. Son succès repose aussi sur la présence d’une grande chaîne nationale qui couvre toutes les courses. Sur le plan média tique, c’est très porteur. De plus en plus de jeunes se présentent dans les clubs pour faire du biathlon. Cela représente aujourd’hui pra tiquement 50 % des effectifs dans les clubs nordiques qui proposent du biathlon. Càd : La culture biathlon du Massif jurassien fait-elle toujours la dif férence ? S.B. : Il n’y a pas ou plus de spéci ficité jurassienne. Quand on regarde les classements nationaux, on constate qu’il y a beaucoup plus d’athlètes des comités Mont-Blanc, Savoie. Ils ont beaucoup plus de moyens, plus d’entraîneurs. Dans ces
tout le potentiel et elle arrive dans ses meilleures années en suivant une pro gression régulière. Càd : Cette chute a fait beaucoup causer. On en a parlé un peu partout… S.B. : Que les gens en parlent c’est très bien, ce qui est plus gênant, c’est le nombre de commentaires de “profanes” totalement hors sujet…
fautes soient commises de façon intentionnelle mais ici, ce n’est absolument pas le cas. Càd : Des regrets, malgré tout ? S.B. : Forcément quand cela se joue à l’emballage final sur
Càd : Les résultats des jeunes skieurs locaux ouvrent de beaux espoirs? S.B. : Le Haut-Doubs nordique est en bonne forme mais c’est aussi le cas dans tous les comi
“On a tous la chance d’être très bien soutenus.”
tés où se pratiquent ces disciplines. On se réjouit de voir quelques jeunes qui semblent sur la bonne voie en sachant que le chemin est encore long avant de s’imposer en senior. Càd : Comment expliquez-vous la popu larité du biathlon?
la dernière course de la saison. Pour autant, Lou a eu plein d’autres occasions de faire la différence. Toute la saison a été un apprentissage. Elle termine sa troisième saison complète sur le cir cuit Coupe du monde. J’espère que la quatrième sera la bonne. Je sais qu’elle va tout faire pour y parvenir. Elle a
Bilan de saison Lou Jeanmonnot, tête d’affiche d’une délégation nordique prometteuse La championne de biathlon et les autres espoirs nordiques du Doubs ont été honorés lors d’une cérémonie organisée le 3 avril dernier à la sous-préfecture de Pontarlier.
S.B. : Il y a très peu de blessures en compétition dans cette discipline. Le risque est plus grand pendant la période de préparation où l’on pousse le curseur très loin au niveau de l’entraînement. C’est plutôt cette charge d’entraînement qui peut provoquer des blessures. Càd : Peut-on rappeler votre parcours jusqu’à la tête des équipes de France de biathlon? S.B. : J’ai d’abord eu une carrière d’athlète pendant 12 ans avant de m’oc cuper pendant six ans du comité Massif jurassien. J’ai poursuivi pendant trois ans au pôle France à Prémanon. J’ai entraîné ensuite l’équipe de France junior puis l’équipe de France senior homme sur trois Olympiades. En 2018, j’ai pris le poste de directeur sportif à la tête d’un groupe comprenant 72 per sonnes dont la moitié sont les athlètes des équipes de France. À mon poste, j ai aussi la charge de gérer toute la poli tique nationale de la discipline. Càd : On ne vous a jamais sollicité pour entraîner des équipes étrangères ? S.B. : Si, à plusieurs reprises mais je reste très attaché à mon pays. Ce qui me guide encore aujourd’hui, c’est la passion. De novembre à mars, j’ai passé seulement trois week-ends à la mai son. Càd : En savez-vous plus sur votre ave nir ? S.B. : On fonctionne sur des cycles olympiques. Je suis en poste jusqu’aux J.O. de Milan. Ensuite, il y a aura des élections au sein de la fédération avec la possibilité d’avoir un nouveau pré sident, un nouveau D.T.N., ce qui signifie que, comme après chaque J.O., l’en semble de l’organigramme de la fédé ration peut être remis en cause… n Propos recueillis par F.C.
conditions, c’est plus facile d’accompa gner les jeunes. Aujourd’hui, tous les comités se sont structurés. Le Massif jurassien faisait la course en tête mais il y a 25 ans. Càd: Au bilan de la saison Coupe du monde, il semble que les filles aient pris les devants sur les garçons ? S.B. : Les filles, c’est juste générationnel. Il y a cinq ans, les garçons étaient sur le devant et maintenant c’est l’inverse. Chez les U19, il y a plus de promesses chez les garçons. Au niveau Coupe du monde, les garçons ont fait une très belle saison avec au final 3 Français dans le Top 10. Les garçons ont remporté tous les relais et ils ont fait autant de podiums que les filles. Hormis Lou Jeanmonnot, les filles ont fait 7 podiums de moins. Les équipes de France senior ont fait 66 podiums en Coupe du Monde contre 52 l’an dernier. C’est le record. Càd: Avec huit victoires, Lou Jean monnot bat aussi un record pour une Française sur une saison S.B. : Exact, elle devance Sandrine Bailly et Justine Braisaz qui ont, elles, remporté 6 victoires sur une saison. Càd : La saison 2025-2026 sera marquée par les J.O. d’hiver en Italie. En quoi cela change la préparation des athlètes ? S.B. : Pour l’instant, on met en place un dispositif pour faire une saison. Chaque athlète va déterminer ses objec tifs. On n’ignore pas les J.O. car une médaille olympique, c’est unique. Les sélections olympiques se feront uni quement sur les résultats de la saison à venir. Bien entendu, avec les résultats de cette saison, certains et certaines ont déjà marqué des points. Càd : Le biathlon est-il un sport exposé aux blessures plus qu’un autre?
L’ énumération des titres et des podiums remportés cet hiver par les 26 skieurs nordiques du Doubs ayant brillé sur des épreuves internationales laissent augurer de belles promesses pour l’avenir. “Les résultats sportifs des athlètes du Haut-Doubs sont exceptionnels en 2025, année pré-olympique, souligne le sous-préfet Nicolas Onimus en rappelant les sacrifices que représente le sport de haut niveau. Vous faites la fierté d’un territoire, de vos familles, du grand public. L’engagement montre qu’on peut réussir au plus haut niveau même en habitant dans un village de 124 habitants.” Allusion à la commune de Fourcatier-et-Maison-Neuve où vit la famille de Lou Jeanmonnot. Le représentant de l’État n’oublie pas d’associer la cellule
familiale et toute la structure associative: club, entraîneurs qui accompagnent ces sportifs depuis leur plus jeune âge. Tous ces ingrédients contribuent à la réussite du ski nordique dans le Doubs avec des athlètes qui brillent en biathlon, fond spécial, saut, combiné. L’une a particulièrement brillé cet hiver: Lou Jeanmonnot. Première biathlète française à remporter huit épreuves de Coupe du Monde avec au moins une victoire dans toutes les disciplines, elle a su ménager le suspense jusqu’au bout du bout d’une course qui restera sans doute dans les annales du sport. “Ce rassemblement des skieurs du Doubs fait plaisir. On sait que les Francs-Comtois sont très fiers de leurs sportifs. Cela fait chaud au cœur. On a tous la chance d’être très bien soutenus. C’est peut-être pour cela qu’on performe” note Lou Jeanmonnot. Avec un peu de recul, la championne apprécie les progrès réalisés au cours de la saison. “Il y a beaucoup de satisfaction, pas à 100 %. J’ai appris énormément de choses, notamment le fait d’assurer le rôle de leader. Je n’oublierai pas cette fin de saison où j’ai vécu les moments les plus intenses de ma vie sur le plan émotionnel.” Dans l’immédiat, quelques semaines de repos et de décompression attendent Lou Jeanmonnot. “J’ai besoin de me reposer. Il faut créer le manque pour générer l’envie.” Elle se projette comme tout champion dans la perspective des prochains J.O. d’hiver en 2026 à Milan et Cortina-d’Am pezzo. “C’est un événement extrêmement important. Je vais essayer de mettre en place tout ce que j’ai appris” dit-elle. Son parcours n’étonne pas Frédéric Guyon, l’entraîneur du biathlon au comité régional du Massif jurassien qui la suit depuis une vingtaine d’années. “À 17 ans, elle faisait déjà partie des toutes meilleures au tir. C’est presque inné chez elle. Sportive avant tout, c’est au moment où elle est devenue biathlète, soit entre 17 et 20 ans, qu’elle a connu une progression physique très linéaire. Chapeau aussi à Cyril Burdet son entraîneur national!” n
Lou Jeanmonnot termine sa saison avec deux petits globes de cristal en poursuite et en individuel.
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