Journal C'est à Dire 261 - Janvier 2020

D O S S I E R

Plus de circulation, plus de pollution atmosphérique Environnement Le développement de l’économie frontalière se répercute sur le trafic routier en progression constante tout comme les émissions polluantes. La rançon du succès.

Les bouchons usent ceux qui les supportent et forment aussi une source d’émission de gaz à effet de serre toujours préjudiciable à la biodiversité locale.

L e comté et le travail frontalier, les deux piliers de la vitalité du Haut-Doubs sont éga- lement à l’origine de la produc- tion de 500 000 tonnes de gaz à effet de serre, soit la contri- bution du Haut-Doubs au réchauffement climatique. “L’agriculture représente 40 % de ces émissions issues du cheptel montbéliard dont le lait sert à la fabrication du comté, mont d’or, morbier…” , explique Phi- lippe Pichot, directeur du syn- dicat mixte Pays duHaut-Doubs en charge de la transition éner- gétique sur le territoire à travers la mise en place du Plan Climat Air Énergie Territorial. Après l’agriculture vient le transport routier qui contribue pour 30 % aux gaz à effet de serre du territoire. Difficile d’ex- traire la part liée à l’économie frontalière dans ces flux incluant aussi les déplacements internes et le trafic de marchandises. “À l’échelle du Pays duHaut-Doubs, on dénombre environ 7 000 tra- vailleurs frontaliers pour 27 000 actifs. On peut aussi inclure le tourisme d’affaire avec les

leurs limites. La ligne mettant en relation Pontarlier et le Val de Travers n’a pas survécu aux problèmes des correspondances et de rupture de charges. L’autre ligne de Pontarlier à Vallorbe via Frasne et Labergement est toujours en service mais répond aux attentes de quelques dizaines de personnes. La ligne des Horlogers, elle, est un succès mais mériterait d’être mieux cadencée. Les navettes de bus mises en place par les employeurs ont aussi connu des fortunes diverses. L’entreprise Maillefer Dentsply à Ballaigues a modifié son organisation du travail, ce qui a eu pour conséquence de supprimer la desserte en bus. Les cars affrétés par Jaeger- Lecoultre, ou Cartier sur la bande frontalière sont toujours d’actualité. “Seules les grosses entreprises ont les moyens de financer un tel dispositif. Ce serait très compliqué d’imaginer des solutions de transport public entre les deux pays qui soient réalistes financièrement et pérennes dans le temps” , analyse Philippe Pichot. Le télétravail

Suisses qui viennent consommer en France. Le transport, c’est un tiers de la consommation d’éner- gie du territoire. Pour certains, la part importante du transport dans leur budget peut être une source de vulnérabilité des ménages, mais ce risque ne concerne pas les frontaliers dont les revenus compensent large- ment le surcoût de carburant” , nuance Philippe Pichot. Comment réduire cet impact environnemental lié aux gaz à effet de serre ? La réponse réside plutôt dans un panel de solu- tions. Mis en place depuis 2011 en associant les acteurs poli- tiques et économiques, le covoi- turage a connu un certain suc- cès. Sa part dans le flux frontalier n’a cessé d’augmenter pour varier aujourd’hui entre 20 et 25 %. “Je pense qu’on est arrivé aux limites du covoitu- rage. Ce dispositif a permis de réduire le nombre de véhicules de 1 500 à 2 000 sachant que dans le même temps 3 000 à 4 000 nouveaux frontaliers sont arrivés sur le territoire, soit 3 000 véhicules supplémentaires.” Les liaisons ferroviaires ont montré

peut être une solution sur cer- tains postes mais reste très limité dans une économie tour- née vers la production. Les marges de manœuvre sont actuellement assez réduites car elles s’inscrivent dans un contexte géographique, politique, financier, juridique voire com- portemental d’une extrême com- plexité. Rien n’interdit de se projeter vers des solutions plus ambitieuses qui relèvent encore de l’utopiemais pourraient deve- nir réalité si chacun y trouve son intérêt. Après tout, qui aurait pu prédire il y a 30 ans l’expansion commerciale autour de Pontarlier et de Morteau ? “Pourquoi ne pas déplacer côté France, les sites de production helvétique ou inversement inves- tir massivement dans des loge- ments dédiés au public frontalier au plus près de la frontière ? On

pourrait également envisager d’y implanter des drives pour les clients suisses. L’objectif étant de ne surtout pas casser les flux existants mais de les rendre plus fonctionnels, de réaménager le territoire de façon plus fluide et dynamique.N’oublions pas qu’on s’inscrit dans un système global qui a plus de bénéfices que d’ef- fets négatifs.” Certaines de ces solutions sont déjà en réflexion dans le cadre du Schéma de cohérence terri- toriale (S.C.O.T.) en concertation à l’échelle du Pays du Haut- Doubs. Des tentatives de relance du fret ferroviaire avaient été envisagées entre les deux pays avec la réactivation de la pla- teforme de fret en gare de Frasne.Malheureusement, cette façon d’encourager le transport du bois, de pondéreux par le rail n’a pas abouti. “Les questions

liées au transport et aux dépla- cements constituent un des sujets les plus débattus au sein du syn- dicat mixte Pays du Haut- Doubs.” Autre élément à prendre en compte, l’évolution technologique avec le développement de nou- veaux carburants routiers comme la voiture électrique ou la pile à hydrogène. Avec une vingtaine de points de charge- ment des batteries automobiles, le Haut-Doubs est l’un des ter- ritoires les mieux dotés de la région. Pour autant, les auto- nomies disponibles ne corres- pondent pas encore aux besoins contraints par le relief, les rigueurs climatiques. Mais ces performances ne peuvent que s’améliorer et contribuer encore à réduire la facture carbure de l’économie frontalière. n F.C.

Tous les Suisses ne sont pas riches Pauvreté En Suisse, beaucoup de ménages qui ont des petits revenus ont du mal à boucler les fins de mois. Le premier poste de dépense est le loyer.

Les loyers frôlent les 10 euros le m 2 Logement

“Beaucoup de gens commen- cent à avoir de la peine à boucler leurs fins de mois, avec des dépenses qui aug- mentent comme les dépenses pour l’assurance-maladie. Nous ne sommes pas tous riches contrairement à l’idée reçue. Les situations sont aussi très différentes selon que la personne vit seule, qu’elle a un bas revenu, qu’elle est retraitée…” rec- tifie d’emblée un représen- tant de la Fédération Romande des Consomma- teurs. Entre 2016 et 2017, la pau- vreté a augmenté d’environ 10 % en Suisse. “Selon les critères suisses, est pauvre un individu qui vit avec moins de publié sur swissinfo.ch. Le poste le plus coûteux pour les ménages suisses est le loyer qui pèse pour 14,7 % dans leur budget, les transports (7,7 %) et les produits alimentaires (6,3 %). La Fédération Romande des Consomma- teurs est mobilisée actuel- lement pour obtenir une limitation des prix des loyers. n T.C. 2 259 francs par mois ou une famille de quatre personnes qui vit avec moins de 3 990 francs” lit- on dans un article

S ur la première marche du podium régional, on trouve la communauté de com- munes des Rousses Haut- Jura qui affiche au dernier baro- mètre de l’enquête annuelle menée par l’A.D.I.L. et la D.R.E.A.L., un tarif de loyer moyen à 10,57 euros, soit le record régional. Pour louer un appartement de 100 m2, il faut donc en moyenne débourser plus de 1 050 euros tous les mois. La station jurassienne est suivie de près par le secteur des Lacs et Mon- tagnes du Haut-Doubs (Métabief, Malbuissson, Mouthe) qui affiche un loyer moyen à 9,44 euros le mètre carré. Sur la troisième marche du podium régional on trouve l’agglomération de Besançon avec un loyer moyen de 9,28 euros le mètre carré. Cette zone urbaine est immédiatement suivie par deux autres communautés de communes frontalières : le Grand Pontarlier avec 9,17 euros le mètre carré, et leVal de Morteau à 8,94 euros. Les secteurs de Maîche, Montbenoît et Les communautés de com- munes du Haut-Doubs et du Haut-Jura sont, avec le secteur du Grand Besançon, celles où le montant des loyers dans le parc privé est le plus élevé de toute la région.

L a Suisse à cette image d’un pays riche, où les habi- tants peuvent sup- porter des prix - anorma- lement - forts sur à peu près tout, notamment sur les produits de consommation courante. Mais la réalité n’est pas aussi tranchée. En terre helvétique, beau- coup de ménages aux petits revenus ont du mal à faire face aux charges quoti- diennes. Dans le rapport social 2019 publié par l’Office Fédéral de la Statistique, on apprend qu’en 2016 la Suisse compte “329 300 postes de travail à bas salaire rémunérés à moins de 4 335 C.H.F. bruts par mois pour un emploi à plein temps de 40 heures hebdo- madaires. Ces postes qui représentent 10,2 % de la totalité des postes offerts par les entreprises sont occu- pés par environ 473 700 per-

sonnes (dont 314 000 femmes), soit 12 % des per- sonnes salariées.” Dans cette même étude, il est précisé que la moitié des personnes domiciliées en Suisse gagnent moins de 4 121 C.H.F. C’est dans le com- merce, l’hébergement, la

Dans le secteur de Morteau, il faut débourser au moins 1 000 euros par mois pour louer un logement de 100 mètres carrés.

restauration que se situent les salaires les plus bas. Par le miracle du taux change franc suisse-euro, ce

Le Russey tournent, eux, autour des 7 euros le mètre carré, tarifs plus raisonnables. Mais l’observatoire départemental de l’immobilier du Doubs nous apprend aussi que la vacance loca- tive dans le parc privé (c’est-à-dire le taux de logements inoccupés) est en augmentation dans le Haut- Doubs frontalier. Plusieurs facteurs expliqueraient cette détente du marché immobilier depuis trois ans selon les spécialistes : incerti- tude économique, dégradation du travail frontalier, niveau élevé des loyers et mauvais état des loge- ments dans le parc ancien. Autre caractéristique de notre zone : “Les investissements dans la rénovation des logements du parc ancien restent

très limités en zone frontalière, du fait de la tension quasi-permanente du marché de l’immobilier local” d’après cet observatoire piloté par l’Agence départementale d’infor- mation sur le logement (A.D.I.L.). Le parc locatif, lui, subit une tension de plus en plus grande dans le Haut-Doubs, preuve des besoins croissants en matière de loyers accessibles. “Le taux de vacance dans le parc locatif social de la zone frontalière est anecdotique” relate l’observatoire. Il a atteint un seuil extrêmement bas de 2,2% fin 2018. Autant dire zéro. Et la demande n’a jamais été aussi forte, autre composante de cette face cachée de l’eldorado. n J.-F.H.

“Moins de 4 335 C.H.F. bruts par mois.”

petit salaire devient confor- table s’il est versé à un tra- vailleur frontalier, qui par ce jeu de monnaie percevra 3 800 euros. Cela corres- pond à une rémunération bien supérieure aux 1 539 euros bruts du S.M.I.C. français. Alors que la Suisse a refusé par votation d’instaurer un salaire minimal, les ten- sions pèsent sur les ménages à faible revenu.

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