Journal C'est à Dire 251 - Février 2019

S A N T É

Enfants sous Dépakine, une famille lanceuse d’alerte Un nouveau scandale ? Utilisée pour stopper les convulsions, la Dépakine serait à l’origine de retards de développement de leur enfant. La Franc-Comtoise Karine Tattu a créé une association nationale regroupant une cinquantaine de familles dans le même cas.

En bref…

l Batteries La Bourgogne-Franche-Comté est candidate pour accueillir la première usine de batteries électriques de France. Au regard des annonces récentes du président de la République pour soutenir et développer la filière de batteries électriques nouvelle génération, la prési- dente de la RégionMarie-Guite Dufay s’est positionnée. Elle se dit prête à étudier tout projet d’installation de ce complexe de production de batteries, notamment sur la zone de 50 hectares que P.S.A. va libérer à Sochaux. Elle a déjà transmis à Emmanuel Macron le dossier de candidature officiel de la Bourgogne-Franche-Comté. l Urgences La députée Annie Genevard a alerté la ministre de la Santé au sujet du service des urgences de Pontarlier. Ce service enregistre depuis 2011 une augmentation de 30 % de son activité. Annie Gene- vard a demandé à la ministre que des mesures immédiates soient prises pour renforcer l’organisation de ce pôle, notamment la nuit.

K.T. : Bien,malgré les difficultés liées à la lenteur. Il est au C.P., suivi par un psychomotricien, une assistante de vie scolaire à l’école. On nous convoque déjà pour savoir quelle orientation lui donner mais moi je ne veux pas qu’il aille dans une classe spécialisée.Nous avons beaucoup cherché sans trouver les causes de son retard.Après le sentiment d’injustice, nous gardons l’espoir qu’il aille mieux. Plus nous serons nombreux, plus nous serons entendus. n Propos recueillis par E.Ch. Risques avérés chez les femmes enceintes Une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament (A.N.S.M.), conduite en 2017, indique que les enfants exposés à cet antiépileptique dans le ventre de leur mère ont quatre à cinq fois plus de risques d’être atteints de troubles neuro-déve- loppementaux que les autres. Une autre population pourrait grossir ces rangs : les per- sonnes traitées au cours de leurs premiers mois ou années de vie par ce médicament. n

C’ est à dire : Racontez- nous l’histoire de votre garçon âgé de 6 ans. Karine Tattu (présidente de l’association Les Kangou- rous) : A l’âge de 8 mois, notre enfant a fait des convulsions hyperthermiques dont 4 crises violentes jusqu’à 1 an. Sur avis médical des médecins de l’hôpi- crise ! Mais les retards de déve- loppement se sont fait rapide- ment ressentir : à 21 mois, il ne marchait pas, il était très lent, quasiment endormi. La directrice de la crèche nous l’a fait remar- quer. On a commencé à se ques- tionner, à demander à un neu- rologue si ce médicament, qui agit sur le cerveau puisqu’il par- vient à stopper les crises, n’en était pas la cause. Les médecins tal, il a été placé sous Dépakine, un médica- ment qu’il prenait matin et soir jusqu’à 4 ans. Il n’a plus fait de

nous disaient que non. Quand ses troubles se sont confirmés et après avoir découvert dans les médias les problèmes liés à la Dépakine, nous nous sommes rapprochés de l’A.P.E.S.A.C. (Association d’aide aux parents souffrant du syndrome de l’an- ticonvulsivant).Mais cette asso- ciation rassemble les familles ayant eu à subir les effets des septembre 2016 l’association pour recenser le nombre de per- sonnes. Nous sommes une cin- quantaine d’adhérents avec la volonté de lancer une action de groupe à l’avenir. Notre avocate (cabinet Dante à Paris) a écrit à laministre de la Santé en 2018. Nous venons d’apprendre qu’une enquête serait lancée. antiépileptiques durant la grossesse. Suite à des contacts nombreux de familles dans le même cas, nous avons créé en

Karine Tattu, présidente de l’association “Enfants sous Dépakine”.

de la responsabilité dumédi- cament ? K.T. : Sur conseil de notre avo- cate, toutes les autres pistes sus- ceptibles d’expliquer les troubles de notre enfant ont été explo- rées : anomalie génétique, syn- drome autistique. Lorsque je parle avec d’autres parents, je leur conseille de faire la même démarche. Si nous nous sommes sentis seuls, aujourd’hui face aux nombreux témoignages simi- laires qui affluent, nous nous sentons entendus bien que les médecins continuent de nous

dire :“Il ne faut pas tout mélan- ger.” Càd : Quels autres conseils donnez-vous aux parents ? K.T. : De ne pas suspendre le traitement sans avis médical, de réaliser tous les tests per- mettant d’écarter d’autres causes que la Dépakine, être certain que l’enfant ne présentait pas déjà un retard avant l’instau- ration du traitement.

Une enquête du ministère de la Santé.

Càd :

Comment

va

Càd : Comment être certain

aujourd’hui votre fils ?

Des soins sur mesure pour les prématurés 8 % des naissances Au chevet de ses jeunes patients fragiles, le C.H.R.U. de Besançon développe depuis dix ans un programme innovant appelé N.I.D.C.A.P. Une vingtaine d’unités de néonatologie l’appliquent en France.

E t si le bébé prématuré deve- nait acteur de son propre développement ? C’est l’idée originale soulevée par cette philosophie de soins, qui nous vient des États-Unis. “On avait avant une prise en charge très paternaliste en France, où les parents n’étaient pas inclus dans les soins” , reconnaît le Pro- fesseur GérardThiriez, chef du service de néonatologie et de réanimation pédia- trique. “Aujourd’hui, il en est tout autre- ment. Les avancées scientifiques nous ont aussi permis de nous rendre compte que l’excès de bruit ou de lumière, les

Simon à 6 jours est entouré ici de ses parents, de sa grand-mère et d’une infirmière. Sa sœur Margot est en couveuse à côté.

perturbations du sommeil ou les nom- breuses manipulations…, pouvaient jouer un rôle néfaste dans le dévelop- pement des prématurés.” Dans l’approche du N.I.D.C.A.P.*, on va chercher à adapter la prise en charge aux capacités individuelles de chaque bébé et tisser un lien étroit avec les parents “pour qu’ils soient partenaires des soins et non plus simples specta- teurs” , remarque Marie-Agnès Duboz, l’une des kinésithérapeutes du service. Dans la pratique, cela passe par une observation très fine des comporte- ments du bébé avant, pendant et après

plus courte” , précise le chef de service. Les parents vivent, eux, une nouvelle naissance. “L’expérience de la préma- turité est extrêmement traumatisante” , rappelle Olivier Roux, papa de Clé- mence et Raphaël nés en 2013 et en 2018 à respectivement 6 mois et 7 mois et demi de grossesse, passé par le N.I.D.C.A.P. bisontin. “Ici, tout part du bébé. Les soignants passent beaucoup de temps à nous apprendre à le com- prendre.” Si le peau à peau est la pierre angulaire de ce concept autour du lien parental, ils sont aussi impliqués dans la gestion de la douleur, l’alimentation, les soins… Ce qui aide également au retour à la maison. “Reste malheureu- sement une vraie inégalité territoriale sur la néonatalité en France” , selon ce papa, par ailleurs bénévole de l’asso-

ciation S.O.S. Préma. Le C.H.R.U. Minjoz, investi de longue date sur ces questions, avait, lui, déjà pris le parti il y a 20 ans de développer les soins de développement pour amé- liorer l’environnement du prématuré en réanimation. Est arrivé ensuite ce programme destiné aux prématurés, mais qui peut aussi être utilisé chez tous les nouveau-nés à risque. Depuis 2008, 10 soignantes ont été certifiées N.I.D.C.A.P. 150 grands prématurés (6 à 7 mois de grossesse) sont pris en charge chaque année au C.H.U. de Besançon sur les 14 500 naissances en Franche-Comté. n

un soin. Si cela n’a l’air de rien, on trouve pourtant bien ici une petite révolution. Le fonctionnement du service s’en trouve bouleversé. “Les soins systéma- tiques sont remplacés par un parcours de soins individualisé. Pas évident non plus de passer du statut de soignant tout-puissant à un partage de compé- tences avec les parents” , souligneMarie- Agnès Duboz. Mais l’équipe y voit l’avantage de pratiques de soins amé- liorées dans une démarche de bien- veillance et de qualité. Du côté des prématurés, les bénéfices sont également nombreux. “On observe à court terme moins de pauses respi- ratoires, de ralentissement du rythme cardiaque…, une diminution globale des complications et une hospitalisation

Le P r Gérard Thiriez, chef du service de néonatalogie,

voit de nombreux bénéfices dans le N.I.D.C.A.P.

* Neonatal Individualized Developmental Care and Assessement Program

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