Journal C'est à Dire 198 - Avril 2014

P O L I T I Q U E

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Marie-Guite et François prêts “pour l’histoire d’amour” Politique Les présidents des Régions Bourgogne et Franche-Comté veulent fusionner pour éviter “les doublons”, une première en France. Objectif : favoriser la croissance éco- nomique en engageant des restructurations et préserver la dotation globale de finan- cement allouée par l’État. “Les Comtois ne perdront ni leur saucisse ni leur com- té” rassure Marie-Guite Dufay qui promet une consultation.

I l n’y aura plus deux mais plus qu’un Fonds d’art contemporain (F.R.A.C.). Finis également les deux aéroports (Dole et Dijon) : il n’en restera qu’un. Basta les agences de développement économiques qui se télescopent ou encore les comités régionaux de tourisme. Mieux, Bourgogne et Franche- Comté vont créer une société d’économie mixte (S.E.M.) pour la venue des Center parcs dans le Jura et en Saône-et-Loire afin d’éviter de payer deux fois les mêmes études. “Chacun des deux territoires travaille dans son coin, alors qu’une seule S.E.M. permettrait de faire venir plus d’investisseurs privés” expli- quent les deux collectivités qui veulent coopérer. Les deux Régions, par la voix de leurs présidents Marie-Gui- te Dufay (Franche-Comté) et François Patriat (Bourgogne) ont présenté lundi 14 avril à Besançon leur volonté de se fian- cer avant même 2017 et le “big bang” territorial annoncé par le

Premier ministre Manuel Valls. C’est une première en France. “Il faut saisir cette occasion unique” lâche Marie-Guite Dufay. Elle souhaite néanmoins répondre aux nombreuses réti- cences entendues ça et là : “J’entends ces craintes car il y a un passif entre R.F.F. qui est

Toutefois, dès 2015, des annonces de mutualisation pour- raient être faites. Les deux Régions pensent au regroupe- ment des agences de dévelop- pement par exemple, ou du tou- risme. “Je suis prête mais je sou- haite que la population comtoise soit consultée.” Il pourrait y avoir

très prochainement, après les élections régio- nales de mars 2015 des consultations, de type référendum. “Le débat méthodique, sans tabou et censure” promet la Franche-Comté.

parti de Besançon pour Dijon. Je dis attention, martèle-t-elle. Nous fai- sons une organisation administrative qui n’a rien à voir avec une per- te d’identité. Les Com- tois ne perdront pas leur

“Des précurseurs comme le C.H.U., l’université.”

Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Franche-Comté, et François Patriat (Bourgogne) veulent fusionner rapidement sur le plan administratif.

Si les deux régions n’ont jamais été aussi proches (Besançon et Dijon à 25 minutes l’une de l’autre grâce à la L.G.V.), les soupçons de domination pèsent encore sur la Bourgogne. Qui mangera l’autre ? La présiden- te a dans un premier temps rap- pelé l’opportunité d’avoir plus de lisibilité au niveau européen : “Nous avons les moyens de peser en Europe grâce à un partena- riat stratégique. Il y a eu des

identité, ni leur comté, ni leur saucisse de Morteau. Nous avons des identités fortes, nous les gar- derons. Mais je dis que ça suf- fit : je veux bouger et ne pas prendre le risque du démantè- lement des régions” assène-t- elle. En se réunissant, les deux présidents ont scellé un accord visant à se rapprocher sur le plan administratif. Pour l’exécutif, il faudra patienter 2020, voire 2021.

Centre et Paris). François Patriat a insisté sur les enjeux de croissance, de créa- tions d’emplois, d’attractivité, mais aussi d’économies, en évo- quant des achats groupés en informatique par exemple. Les compétences transférées à cette super-Région relèveraient des grandes stratégies de ter- ritoire : transport, innovation, économie… Avant d’en arriver

à une fusion, il faudra encore du temps. Les deux présidents ont annoncé une éventuelle fusion des exécutifs pour 2020- 2021. Sur à la mutualisation des effectifs des fonctionnaires, rien n’est décidé : “Les fonc- tionnaires sont protégés par un statut” conclut François Patriat qui se dit “prêt pour une histoire d’amour.” E.Ch.

précurseurs, comme le C.H.U., les universités…” Quelle capitale ? “Construisons un axe métropolitain Besançon- Dijon, au lieu de les opposer” dit la Franche-Comté. Les deux homologues, d’une seule voix, sont revenus sur le risque de démantèlement des régions (Bel- fort étant tourné davantage vers l’Alsace et la Lorraine, tandis que Nevers regarde vers le

l’Europe l’avait prévu. “Le projet européen reste un horizon indispensable” Politique Arnaud Danjean est député européen (U.M.P.) de la région Est dont dépend la Franche-Comté. Candidat pour un deuxième mandat, il ten- te de convaincre les euro-sceptiques de l’utilité de se déplacer aux urnes le 25 mai prochain pour les élections européennes.

les députés européens ont un réel pouvoir sur les deux tiers des lois européennes qui sont votées. On parle souvent de bureaucratie en évoquant l’Europe, c’est de moins en moins vrai dans la mesure où le Par- lement est devenu un vrai orga- ne démocratique de décisions. Une des façons d’influencer Bruxelles est donc de voter aux Européennes. Càd : Les décisions prises par les députés européens au Par- lement peuvent vraiment avoir des répercussions concrètes sur la vie quoti- dienne ? A.D. : Je prends un des plus récents exemples d’une loi que nous avons votée le 3 avril à Bruxelles : la suppression des frais de “roaming” (d’itinérance) en matière de téléphonie mobi- le qui faisait que l’on ne paie pas le même prix quand on appel- le d’un autre pays européen ou que l’on paie des frais quand on reçoit un appel de l’étranger. C’est du concret et ça s’appliquera dans moins de deux ans. Ce genre de mesures, il n’y a que le Parlement européen qui peut les prendre. Un autre exemple, c’est la P.A.C. Je suis venu le 4 avril à Nancray à la rencontre des jeunes agricul- teurs les rassurer sur plusieurs points, notamment concernant les aides à l’installation. Sur ce volet agricole, c’est bien grâce au Parlement européen que la baisse du budget de la P.A.C. a été limitée à 12 % et n’a pas été diminuée de 30 % comme

serions en deuxième ou troisiè- me division. Enfin, prétendre que l’Europe détruirait l’identité française est totalement absur- de. Je continue à parler fran- çais, je bois des vins de Bour- gogne, j’ai le drapeau français qui flotte sur ma mairie. Rien ne change de tout ce qui fait notre identité françai- se.

Càd : Des dossiers européens peuvent-ils concerner notre région ? A.D. : La question de la défi- nition de l’absinthe est pure- ment une question européenne. Si j’ai été sollicité par les par- lementaires francs-com- tois sur cette question, c’est bien parce qu’ils savaient qu’elle relevait du niveau européen. Pour l’instant, on a per- du ce combat contre l’Allemagne et l’Autriche, mais ce dossier va revenir sur la table. Càd : Faut-il s’attendre pour ce scrutin européen du 25 mai à une immense vague bleu marine ? A.D. : On a tous bien conscien- ce que les citoyens doivent être critiques vis-à-vis de l’Europe et c’est légitime. Ceci dit, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Être critique, cela ne signifie pas devoir être contre des réalisations majeures de l’Europe comme par exemple l’existence de l’euro. Il est évi- dent que sortir de l’euro serait parfaitement absurde, ça met- trait en péril l’économie fran- çaise. Ensuite, quelle est l’alternative de ceux qui criti- quent tant l’Europe, que pro- posent-ils en face ? Rien. À l’heure où de grands blocs mon- diaux se forment, avec la Chi- ne, l’Inde, le Brésil, l’Afrique- du-Sud, que pèserait la Fran- ce seule dans 20 ans ? Nous

C’ est à dire : À quoi bon voter le 25mai aux élections euro- péennes se disent bon nombre de citoyens ? Arnaud Danjean : Il y a plu- sieurs bonnes raisons d’aller

voter aux Européennes. La prin- cipale, c’est que les choses chan- gent vite au niveau du Parle- ment européen qui a acquis de plus en plus de pouvoir au sein des institutions. Le Parlement européen peut beaucoup plus

qu’avant. Jusqu’il y a cinq ans, il n’était qu’un organe consul- tatif et depuis 2009, il est véri- tablement un co-décideur avec le Conseil. De plus en plus de lois européennes passent par le Parlement européen. Désormais,

“Sans l’Europe, la France serait en troisième division.”

Càd : Reconnaissez néanmoins qu’une Europe à 28, c’est devenu juste ingé- rable ?

A.D. : Le projet européen res- te un horizon indispensable. Mais c’est en effet dans la façon dont on fonctionne qu’il y a beau- coup de choses à améliorer. À 28, c’est beaucoup, c’est pour- quoi il faut penser à instaurer une Europe à géométrie variable selon les sujets. On a des valeurs communes et un grand marché à 28, c’est très bien, mais cer- tains sujets méritent que l’on y travaille à quelques pays seu- lement. Il faut commencer par renforcer l’intégration entre les pays. Il faut que les pays à fron- tière extérieure avec l’Europe travaillent ensemble sur une politique migratoire commune. Même chose pour la défense où il faudrait créer une sorte d’eurogroupe de la défense avec quelques pays impliqués. Si l’Europe ne fait pas ses réformes dans son fonctionnement, il est clair qu’elle aura de plus en plus de mal à devenir populaire.

Arnaud Danjean fera campagne pour les Européennes, notamment aux côtés de la tête de liste U.M.P. pour l’Est, Nadine Morano.

Propos recueillis par J.-F.H.

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