Journal C'est à Dire 191 - Octobre 2013

L A P A G E D U F R O N T A L I E R

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Assurance santé STRASBOURGEOISE Devis en ligne www.frontalier.info

Assurance-maladie L’argumentaire d’un frontalier à la C.M.U. Thomas Dornier-Guibelin est un jeune frontalier. Frappé d’une lourde maladie il y a quelques années, aujourd’hui guéri, il a dû se résoudre à souscrire à la C.M.U. Pour lui, le droit d’option est un privilège qu’il n’est pas injuste de supprimer. Son long argumentaire est ici reproduit sans son intégralité pour ne pas risquer de le galvauder. L’Amicale des frontaliers répond.

La réponse d’Alain Marguet Le président de lʼAmicale des frontaliers répond à lʼargumentaire détaillé du jeune frontalier.

croire les lobbies . Il est certain que le système de mutualisation est au détri- ment des salaires les plus éle- vés et des célibataires, et avan- tage les bas salaires et les familles… chacun pourra faire son calcul en fonction de sa situa- tion. Mais la situation est loin d’être la catastrophe annoncée par les lobbies , les seuls à avoir vraiment à perdre l’affaire. Sur- tout cela remet tout le monde sur un pied d’égalité. Le prix payé par un assuré privé est complètement artificiel, il ne correspond pas au coût de la san- té qui doit être interprété sur une vie entière. En matière de santé, 80 % des dépenses pro- Nous avons demandé au minis- tère concerné, dans le cadre des règles et de gestion santé des frontaliers, dʼuniformiser le sys- tème tel que nous lʼappliquons avec lʼesprit prépondérant de soli- darité associé à des coûts de ges- tion très faibles (moins de 10 %). Cela nous permet de proposer des tarifs qui défient toute concur- “D ans lʼapproche des cri- tiques et réflexions pro- posées et suggérées, on fait état des assurances pri- vées. Il faut distinguer deux types dʼassurances privées : les com- pagnies dʼassurance régies par le Code des Assurances et les mutuelles régies par le Code de la Mutualité. Certaines compa- gnies dʼassurances procèdent à la sélection médicale avec ques- tionnaire médical à la souscrip- tion, appliquent des délais de carence ainsi que des risques aggravés et surprimes en fonc- tion de lʼétat de santé déclaré à la souscription ou pendant la durée du contrat, avec résiliation au bout de deux ans si le risque est défi- citaire. Pour les mutuelles, dites solidaires et responsables, cʼest le cas de la mutuelle des fron- taliers “La Frontalière”, elles ne procèdent pas à la sélection médi- cale ainsi quʼau questionnaire médical pour les garanties san- té à la souscription. Notre Mutuelle interdit de résilier suivant les résultats techniques avec application de la loi Évin dans son intégralité. Cʼest-à-dire que lʼadhésion est viagère dès sa souscription, seul lʼadhérent peut y mettre fin. Lʼétat de san- té nʼa aucune influence sur la coti- sation individuelle. Les cotisa- tions unisexes sont calculées en fonction de lʼâge et de la garan- tie souscrite.

viennent de 20 % des bénéfi- ciaires (personnes âgées dépen- dantes, affections de longue durée). En clair, il est facile pour une assurance santé de n’assurer que des gens jeunes, en bonne santé sans antécédent… alors qu’ils seront pris en charge par la Sécu le jour où… Une solu- tion équitable serait à la rigueur de demander aux frontaliers qui choisissent l’assurance privée de renoncer définitivement à la Sécurité Sociale. D’abord je dou- te que beaucoup tenteront ce coup de poker, et surtout le jour où ils seront démunis et sans assurance privée ne vous inquié- tez pas pour eux, l’État Provi- dence sera là… En conclusion, vous souhaitez faire payer aux frontaliers une couverture sociale beaucoup plus élevée que celle quʼils payent actuellement, et avec des pres- tations via C.M.U. nettement infé- rieures à celles offertes par la Mutuelle en 1er euro. Je pense que la quasi-majorité de fronta- liers ne partage pas votre analy- se restrictive. Cette solution ne va guère améliorer le trou abys- sal de la Sécurité Sociale section maladie.” rence même avec lʼopérateur Sécurité Sociale-C.M.U. Notre but nʼest pas de faire du business, nous sommes une mutuelle à but non lucratif, cʼest- à-dire que nous reversons, déduc- tion faite de nos frais généraux, lʼintégralité des cotisations pour servir les prestations ou pour en améliorer le niveau. En plus, à la Mutuelle La Fron- talière, nous avons créé un Fonds dʼAide Sociale pour aider les adhé- rents en cas de difficultés finan- cières passagères et également en leur proposant des garan- ties prévoyance. Dans la bataille des chiffres, nous ne rentrerons pas dans cette polé- mique mais simplement nous confirmons quʼà ce jour la coti- sation C.M.U. volontaire est de 8 % du revenu fiscal de réfé- rence du travailleur frontalier mino- ré de 9 356 euros. Demain elle sera de 11.29 % (6 % C.M.U. + 5.29 % C.S.G.) sur le revenu professionnel brut. À cela, il fau- dra ajouter le coût dʼune assu- rance complémentaire. Notre mutuelle, comme vous pouvez le constater, assure lʼintégralité de ses responsabilités vis-à-vis de la protection sociale des fronta- liers et nʼa jamais laissé un adhé- rent à la charge de lʼÉtat Provi- dence.

D epuis l’annonce du projet de loi il y a au sein des frontaliers, une sorte de pensée unique sur le sujet qui me révolte, les lobbies d’assurances font un excellent travail de propagande, à en voir l’opposition suscitée. Beaucoup de ces frontaliers auraient pour- tant un avis bien différent s’ils connaissaient les éléments de vérité que je vais vous livrer. Je suis moi-même frontalier depuis 2006 et pourtant cotisant à la C.M.U. explique Thomas Dornier-Guibelin. Non par choix, tout du moins pas au début (je ne suis pas un mécène et j’estime comme beaucoup payer déjà suf- fisamment d’impôts). J’ai seu- lement été atteint à 23 ans (en 2004) d’un cancer, aujourd’hui guéri. Je suis aujourd’hui un sujet dit “à risque” qui n’intéresse aucune assurance privée dont le but est de faire du bénéfice. Mais je suis loin d’être le seul, voir tous les sujets atteints de maladies chroniques, de la thy- roïde, du dos, etc. Aucune assurance privée ne vou- lant me prendre en charge, je ne bénéficie donc pas de ce droit d’option si cher aux associations de frontaliers. Pourtant, aucu- ne de ces associations ne s’est jamais émue de mon sort : je suis contraint d’être à la C.M.U. - 250 euros par mois pour une cou- verture de 70 % - et tant pis pour moi. En ajoutant 38 euros pour une complémentaire je débour- se presque 300 euros par mois, alors que ça serait le tiers en assurance privée. Depuis le début, beaucoup de ceux qui connaissent ma situation trou- vent cela honteux, discrimina- toire, etc. Il est amusant aujour- d’hui d’observer que ces per- sonnes militent généralement pour le maintien du droit d’option, signent des pétitions, etc. Pour ma part, j’ai toujours trouvé logique d’être “exclu” des assurances privées et j’ai tou- jours clamé que c’est le droit d’option pour les seuls fronta- liers qui est un privilège injus- te à l’égard des autres tra- vailleurs français. J’ai également toujours rétorqué que ce n’est pas moi qui cotise trop, mais les assurés privés qui ne payent pas le prix normal. Je dis toujours que si je gagnais le même salai- re en France, ma cotisation serait la même. Expliquez-moi une fois pour toutes comment on peut assurer tout le monde avec des cotisations fixes, sans sélection selon l’état de santé, tout en étant accessibles à tous quel que soit

surplus ne sera pas flagrant. Cas n° 2 (salaire élevé) : Prenons maintenant un couple travaillant en Suisse, 3 enfants, revenus mensuels 12 000 C.H.F. (10 000 euros) et comparons à une assurance à 500 euros par mois. (10 000 X 12 X 0,9) - 9 156 X 8 % = > 7 907,52 soit 658,96 euros par mois (taux global de 6,6 %) Je ne parle pas de la complé- mentaire pour être assuré à 100 % : pour ma part je paye moins de 40 euros par mois, ce n’est pas ça qui grève un budget de frontalier… Et chaque Fran- çais affilié à la Sécurité Socia- le est de toute façon dans le même cas de figure. Au vu de ces deux exemples extrêmes, que penser des méthodes de désinformation uti- lisées par les lobbies qui mar- tèlent que les primes vont s’envoler, que le pouvoir d’achat va fondre ? J’ai récemment enten- du une collègue (opératrice) payant 500 euros par mois pour son foyer qui affirmait qu’elle et son mari passeraient à 1 000 euros lors du passage à la C.M.U. ! Cela correspond à un salaire de 180 000 euros annuels, soit 15 000 euros mensuels ou 18 000 C.H.F. (9 000 C.H.F. par époux). Je ne connais pas leur salaire, mais j’émets quelques doutes. Mais admettons… 1 000 euros de retenue sur un salaire de 15 000 euros, je ne vais quand même pas m’émouvoir ! J’ajouterais pour terminer que 1 000 euros sur 15 000 euros, cela représente 6,7 %, exacte- ment ce que cotise un salarié français (6,5 %). On voit là que l’argument des frontaliers qui vont fuir et grossir les rangs de Pôle Emploi, ou alors les jeunes qui ne voudront plus venir, est caricatural et fallacieux. L’exemple pris par les juristes de l’Amicale des frontaliers montre bien la réalité : votre frontalier de 38 ans paiera le double soit 253 euros au lieu de 127 euros par mois… Sur un salaire de 3 800 euros, la haus- se est de 3 %, il y a pire com- me “catastrophe”. Une trentaine de chômeurs tra- vaillant dans les caisses dites- vous ? La fin du droit d’option ne les empêchera pas de vendre des complémentaires. De plus la plupart des assurances san- té ne sont pas spécialisées pour les frontaliers (assureurs poly- valents auto-habitation, ban- cassurances, etc.) et donc ne fer- meront pas du jour au lende- main comme veulent le faire

son salaire ? C’est de l’utopie ! L’excellente rentabilité des assu- rances privées est souvent évo- quée par certains pour dénigrer le “trou de la Sécu” et glorifier les assurances privées. Encore heureux qu’une assurance san- té qui choisit sa clientèle est ren- table ! Le principe d’une assu- rance est que chacun paye selon son âge et état de santé et les sujets à risques sont écartés, alors que la Sécurité Sociale mutualise le risque et le calcul se fait en fonction des revenus, par contre comme dans tout sys- gatoire pour tous car je trouve normal que les gens en bonne santé payent pour les gens malades qui n’ont pas choisi leur cancer, leur maladie congéni- tale, etc. Faut-il rappeler que c’est sous de Gaulle (qu’on ne peut pas vraiment qualifier de communiste) que la Sécurité Sociale vit le jour en 1945 ? Accepter une sélection selon l’état de santé au niveau de l’Assurance Santé, c’est ouvrir la porte à un système ultralibéral à l’Américaine, ou seuls les plus riches ont accès aux soins. Je suis consterné quand je lis que le passage de tous les fron- taliers à la Sécurité Sociale ne lui fera pas gagner d’argent, alors qu’aujourd’hui elle est vic- time de l’opportunisme d’assurances de frontaliers ou de certains frontaliers eux- mêmes : 1. Par les assurances : une assu- rance privée peut comme tou- te assurance (auto, habitation, etc.) exclure n’importe qui le jour où elle estime que ce client n’est plus rentable ! Il n’est pas rare de voir des assurés atteints de maladies graves, se faire exclu- re définitivement alors qu’ils ont payé leur cotisation durant des années. La C.M.U. ne pouvant refuser personne, devra alors rembourser pour ces personnes des sommes considérables, alors qu’elle n’a jamais encaissé un centime de cotisations. 2. Par les frontaliers : Le cal- cul se faisant sur l’année N - 1, un salarié français venant en Suisse, aura intérêt à cotiser à la C.M.U. la première année. Puis l’année suivante se tour- ner vers une assurance privée. Bien sûr pour contourner cet- te astuce, il a été mis en place une obligation de rester au moins 3 ans à la C.M.U. Mais il suffit “d’oublier” une ou deux cotisa- tème régalien, person- ne ne peut en être écar- té. Je ne suis pas de gauche mais je soutiens la Sécurité Sociale obli-

tions, et ignorer les lettres de rappel pour être radié et chan- ger de système. D’autre part, beaucoup de familles qui ont cotisé des années en assuran- ce privée passent à la C.M.U. à l’arrivée du deuxième ou troi- sième enfant car la C.M.U. assu- re un foyer, alors que l’assurance privée augmente proportion- nellement au nombre de têtes. Et il arrive que ça soit les assu- reurs qui “conseillent” cette solu- tion à leurs clients. 3. Par le système : beaucoup de retraités frontaliers sont affiliés Sécu. Il est quand même aber- rant que quand ces assurés étaient jeunes et en bonne san- té, une partie de leurs cotisa- tions est partie aux assurances privées, et que le jour où ils sont âgés, donc coûteux en soins, ce soit la Sécu qui les prenne en charge ! Mais en fait, peu importe que le passage à la Sécurité Sociale fasse ou ne fasse pas gagner d’argent à l’État Français. Tout le monde sait que cette mesu- re ne comblera pas le trou de la Sécu. Beaucoup de régimes spéciaux qui ont été supprimés concernaient des minorités, et pourtant il était normal de les réformer, ne serait-ce que d’un point de vue moral et de soli- darité. Thomas Dornier-Guibelin a fait quelques calculs. Cas n° 1 (salaire modeste) : Prenons le cas d’une personne seule qui était au S.M.I.C. en France (1 120,43 euros) et vient travailler en Suisse pour 3 000 C.H.F. (2 500 euros par mois au taux de change actuel), et com- parons à une assurance à 100 euros par mois : 1 ère année : (1 120,43 X 12 X 0,9) – 9 156) X 8 % = > 245,39 par an soit 20,45 euros par mois (taux global de 0,8 %) 2 ème et 3 ème année : (2 500 X 12 X 0,9) – 9 156) X 8 % = > 1 427,52 par an soit 118 euros par mois (taux global de 4,8 %). Les trois premières années, être assuré à la C.M.U. coûterait en moyenne 85,50 euros à cette per- sonne (moins qu’une assuran- ce privée). En prenant en comp- te seulement la première année (dans le cas d’un passage en assu- rance privée dès la 2 ème) , l’économie se chiffrera même à 79,55 euros par mois pour la 1 ère année et les années suivantes le à la Sécu, sous pré- texte qu’ils ont tra- vaillé quelques mois ou années en Fran- ce et donc cotisé à la

Loin d’être la catastrophe annoncée.

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