Journal C'est à Dire 191 - Octobre 2013

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D O S S I E R

Plus de trains et de technologie La ligne des Horlogers

freinée dans son élan

C’est la montée en puissance de l’emploi frontalier qui per- met à la ligne ferroviaire locale de s’assurer un avenir. Mais le nombre d’autorails disponibles reste trop limité pour espé- rer voir la fréquentation encore augmenter.

C haque jour et plus enco- re l’hiver, ils sont des dizaines de travailleurs frontaliers à monter en gare deMorteau ou de Gilley dans le T.E.R. qui les mène à leur tra- vail, au Locle ou à La Chaux- de-Fonds.Mais si on compare avec ceux qui se rendent à leur travail en voiture, le train représente une part encore tropmarginale,moins de 5 % des travailleurs pendu- laires selon la Fédération natio- nale des associations d’usagers des transports (F.N.A.U.T.) qui réclame donc plus de trains. “Le premier frein à faire sauter est constitué par le trop petit nombre d’autorails aptes à circuler jus- qu’au nœud de correspondan- ce de La Chaux-de-Fonds. Seu- lement 4 engins (X 73 500), sur un parc de 20, sont équipés des systèmes de sécurité qu’impose la circulation en Suisse. Ces contraintes limitent égale- ment toute perspective de déve- loppement de l’offre de bout en bout La Chaux-de-Fonds-Besan- çon Franche-Comté T.G.V., pour

faire jouer à cette ligne un rôle de lien privilégié de ces régions de Suisse vers le réseau T.G.V.” dit l’association. Dans le sens Suisse-France, même carence. Actuellement au départ de La Chaux-de-Fonds, aucune rela- tion vers Besançon n’est propo- sée entre 8 h 10 et 16 h 08. “Nous sommes loin de l’offre caden-

manquent pas de nous inviter régulièrement à constater dans une gare comme Neuchâtel com- ment est traitée la notion de “nœud de correspondance” ajou- tent les membres de la F.N.A.U.T. Enfin la modernisation de l’infrastructure et, en particu- lier, le système de sécurité équi- pant la ligne (système assurant

l’espacement des trains et la protection vis-à-vis des risques de collisions) est également une gran- de priorité aux yeux des usagers de cette ligne. “Sinon, là aussi, un nou-

Le cadencement, c’est-à-dire les correspondances efficaces, un des grands soucis soulevés par les voyageurs (photo D. Cesbron).

cée à laquelle nos voi- sins suisses sont habi- tués ! (1 direct et 1 omnibus chaque heu- re vers Neuchâtel).” Les correspondances à Besançon-Viotte

La Suisse, berceau du vrai cadencement.

Repères La ligne des horlogers, en cinq points

seraient toujours à améliorer à en croire les usagers. Car trop souvent encore, les correspon- dances ne sont pas réalisées parce que des trains sont par- tis seulement quelques minutes avant l’arrivée du train de Mor- teau. Cette situation ne manque pas de faire réagir vivement du côté de la Suisse, “berceau du vrai cadencement ! Nos collègues de l’A.T.E. suisse (Association Transport Environnement) ne

veau verrou s’opposera à l’augmentation du nombre de trains en circulation” note la F.N.A.U.T. Cette ligne franco- suisse est pourtant celle qui affiche depuis quelques années la meilleure progression régio- nale. La ligne des horlogers transporte environ 1 100 clients par jour dont 70 % d’abonnés et de nombreux étudiants ou fron- taliers qui se rendent à La Chaux-de-Fonds.

4 - La fréquentation - Résultats de la ligne en mai 2013 : + 12,3 % de voyageurs par kilomètre. Par rapport à mai 2012. - Environ 56 000 voyages effectués sur la ligne au mois de mai 2013. - Pour les abonnés transfrontaliers existe lʼabonnement Interval, qui offre la libre circula- tion à bord des T.E.R. sur leur parcours fran- çais (sur un trajet déterminé lors de lʼachat du titre) et sur les transports en commun suisses, dans des zones déterminées lors de lʼachat du titre. Possibilités dʼextension de cet abonnement jusquʼà Neuchâtel. Exemples de prix (novembre 2012) : - Morteau-La Chaux-de-Fonds (T.E.R. + 2 zones tarifaires suisses) : 83 euros par mois - Gilley-La Chaux-de-Fonds (2 zones) : En termes dʼinfrastructures ferroviaires entre Besançon et Neuchâtel et plus généralement sur le Haut-Doubs, la Région Franche-Comté sʼest engagée dans une étude cofinancée avec le Can- ton de Neuchâtel pour améliorer les conditions dʼexploitation de la ligne et moderniser lʼinfrastructure existante. Le travail est en cours avec les experts et les gestionnaires de lʼinfrastructure français et suisses. Les investissements déjà réalisés par la Région sur cette ligne se sont concentrés sur les trois actions suivantes : équipement de signa- lisation de sécurité (Signum), modernisation de la ligne des horlogers, modernisation de la voie ferrée Dole-Lausanne. La Région Franche-Comté a contribué pour 152 000 euros aux travaux de modernisation de la ligne des horlogers réalisés par R.F.F. à lʼété 2011. Signum. Ce projet franco-suisse a consisté à équi- per 4 autorails (de type Alstom X 73 500), de dis- positifs suisses de signalisation et de sécurité fer- roviaires, dénommés Signum. Ces équipements ont permis aux machines dʼobtenir lʼautorisation suisse de circuler au-delà du Locle Col-des-Roches, jusquʼà La Chaux-de-Fonds. Ils ont été rendus obligatoires pour maintenir des relations ferro- viaires sans ruptures de charge entre Morteau et La Chaux-de-Fonds. En effet, seuls les trains fran- çais circulent de part et dʼautre de la frontière sur cette ligne, et lʼOffice Fédéral des Transports suis- se envisageait ne plus accorder de dérogation aux trains français non équipés du système de circulation suisse à partir de 2009. 1 - 105,50 euros par mois. 5 - Les investissements

La desserte ferroviaire et routière de la ligne Besançon-La Chaux de Fonds est organisée et financée par la Région Franche-Comté depuis 2002. Cette desserte T.E.R. est répartie de la maniè- re suivante, pour répondre aux deux axes prin- cipaux de déplacements (Valdahon-Besançon et Morteau-Suisse) : 1 - La desserte type “périurbaine” entre Morteau- Le Valdahon et Besançon qui permet de répondre aux besoins de déplacements domicile-travail sur le secteur de lʼest bisontin. Trois haltes sont situées sur le territoire de lʼagglomération bisontine (Mor- re, Saône et Mamirolle). - Une desserte de toutes les gares entre Mor- teau-Le Valdahon (certains T.E.R. ont pour ori- gine Morteau, dʼautres Le Valdahon) et Besan- çon, à lʼexception des cars T.E.R. qui ne des- servent pas tous les points dʼarrêt. - Possibilité de correspondances à Besançon Viotte vers la gare T.G.V. et de services directs. - 9 allers et 7 retours par jour. - Temps de parcours Le Valdahon-Besançon : 41 minutes. - Prix dʼun abonnement mensuel Le Valdahon- Besançon (prix au 11 septembre 2013) : 64,80 euros par mois, soit 1,62 euro par trajet. Possibilité de prise en charge à 50 % par lʼemployeur. 2 - La desserte frontalière entre Morteau et La Chaux de Fonds - 3 allers et retours par jour (fer + route) - Temps de parcours Morteau-La Chaux-de-Fonds : 25 minutes. - Prix dʼun abonnement mensuel Morteau-La Chaux de Fonds : 83 euros par mois. 3 - La desserte La Chaux-de-Fonds-Besançon - 3 allers et retours par jour relient les gares de Besançon et La Chaux-de-Fonds en Suisse. - Desserte de toutes les gares. - Mode ferroviaire. - Correspondances T.G.V. à Besançon Viotte et Besançon Franche-Comté T.G.V. - 1 aller-retour direct de/vers Besançon F.C. T.G.V. - Temps de parcours Besançon-La Chaux-de- Fonds : 1 h 50 - Prix dʼun parcours Besançon-La Chaux-de- Fonds (tarif normal, sans réduction) : 16,60 euros.

Histoire

“Avec Henri Cuenot, on s’est mobilisés pour la sauver” Menacée de fermeture dans les années soixante puis en 1980 et 1990, la ligne des horlogers a été sauvée grâce à la pugnacité d’un ancien politique de l’époque : Henri Cuenot. Sa particularité : il n’avait pas le permis voiture et descendait en train à Besançon. Un ancien cheminot de la ligne évoque “le combat”.

F rançois Jeannin, chemi- not à la retraite, a tra- vaillé de 1957 à 1980 sur cette ligne. Il possède d’innombrables anecdotes sur cet axe qu’il nomme aussi “Ligne du Vatican”. “Vous savez pourquoi ? demande-t-il. Parce qu’à l’époque, c’était un système de cloches qui annonçait l’arrivée du train. Il y avait un chef de gare dans toutes les gares que ce soit à Lon- gemaison ou à Grand’Combe (aujourd’hui elles ont disparu) qui actionnait la cloche élec- trique. Du coup, ça sonnait tou- te la journée. Un jour, un che- minot a dit : “C’est comme au Vatican, ça sonne tout le temps !” Au-delà de cette histoire, la vie de cette ligne ne fut pas de tout repos. Dès les années soixante, elle est menacée de fermeture puis en 1980 ou 1989. Délégué syndical, François Jeannin va se mobiliser avec un politique local pour assurer sa survie. Ce politique est conseiller géné- ral de 1973 à 1985. Il s’agit d’Henri Cuenot (P.S.). À l’époque, il se rend aux séances du Conseil général à Besançon en train car il ne possédait pas le permis voi- ture. “À chacun de ses voyages, il montrait son carnet de voya-

François Jeannin avait constitué un comité de défense pour sauver la ligne. C’était il y a plus de trente ans.

qu’il avait du rail. Aujourd’hui, le temps où le chef de gare de Longemaison M. Bernard - pri- mé chaque année pour le meilleur prix du fleurissement de sa gare - est révolu. Mais les souvenirs sont là, parfois cocasses. Exemple de ce conduc- teur mesurant 1,60 m qui vou- lut descendre du train (en plein hiver) à hauteur de Gilley. Une fois à terre, on ne vit plus que sa casquette. La poudreuse était (paraît-il) plus haute que lui…

ge et récupérait et gardait les billets pour donner la preuve que cette ligne jouait un rôle” se souvient François Jeannin qui a constitué avec le politique de l’époque un comité de défen- se. Un travail qui permit de sau- ver cet axe, devenu aujourd’hui incontournable avec l’appui de l’ancien sénateur et président du Conseil général Georges Gruillot. Contemporain des faits, Fran- çois Jeannin salue le travail du conseiller général et de sa vision

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