Journal C'est à Dire 184 - Janvier 2013

L A P A G E D U F R O N T A L I E R

36

Anniversaire

L’Amicale des frontaliers fête ses 50 ans À cette occasion, l’association édite un imposant ouvrage qui retrace tou- te son histoire, jalonnée de combats pour la défense des droits des tra- vailleurs frontaliers. Souvenirs.

M ai 1968. En France, c’est la “chienlit” selon le fameux mot de De Gaulle. Les jeunes qui cherchent un emploi ont bien du mal à en trouver un dans ce contexte houleux. Pro- fitant de cette agitation côté français, des entreprises suisses

de Pontarlier, Alain Geissbuh- ler, de Frasne, Patrice Carrel et Daniel Vermot-Desroches de Vil- lers-le-Lac, ou encore Henri Binétruy de Charquemont et Pierre Dodane de Foncine-le- Haut. Alain Marguet fait aus- si partie de cette première géné- ration de frontaliers, lui qui a

n’ont pas hésité à venir recruter les jeunes directement sur leur lieu de vie. “Les entreprises s’installaient à l’hôtel de la Poste à Pontar-

passé tous les jours la frontière de 1969 à 2002, date où il a repris les rênes de l’Amicale. Tous ces “anciens” conti- nuent aujourd’hui à œuvrer pour la défen-

“Sans creuser d’1 centime

le trou de la Sécu.”

se des milliers de frontaliers venus au fil du temps gonfler les effectifs des entreprises suisses. Ils sont tous adminis- trateurs de l’Amicale et, mal- gré le fait que la plupart d’entre eux soient aujourd’hui en retrai- te, ils poursuivent leur mission. C’est en décembre 1962 que l’Amicale était créée, sous l’impulsion de Roger Tochot. “Tant côté français que suisse, l’administration créait toujours des difficultés aux premiers fron-

lier et recrutaient des jeunes à tour de bras” rappelle Alain Mar- guet, le président de l’Amicale des frontaliers. Ils sont donc des dizaines à avoir démarré ain- si leur carrière en Suisse dans les années soixante. Parmi eux, le Pontissalien Michel Prince qui a fait toute sa carrière de l’autre côté de la frontière, notamment chez Dubied à Cou- vet. D’autres comme lui ont tra- vaillé plusieurs décennies en Suisse, comme Pierre Clément

Alain Marguet, président de l’Amicale depuis 2002, est entouré d’une partie de ses administrateurs.

de la Place au Locle a réuni une cinquantaine de frontaliers qui ont élu le Mortuacien Roger Tochot à la tête de l’Amicale. Il restera président jusqu’à son décès en 2002. “Mais lors des premières réunions qui se sont tenues au Locle, puis aux Bre- nets, les frontaliers se sont fait virer par la police suisse qui n’acceptait pas ce genre de réunions syndicales. La troisiè- me réunion s’est tenue à Mor- teau, c’est là que l’Amicale a vraiment démarré” relate un des anciens. En 1963, les pion- niers créaient l’assurance la Frontalière car à l’époque, les frontaliers n’avaient pas le droit d’être affiliés à la Sécurité socia- le française. “Et aujourd’hui, on veut les obliger à s’affilier à la Sécu. C’est un comble !” com- mente Alain Marguet. À l’époque, ce n’était pas l’argent qui attirait ces jeunes, juste l’idée de trouver en emploi. “Je gagnais moins en Suisse chez Dubied que j’aurais gagné chez Nestlé à Pontarlier” confirme Pierre Clément aujourd’hui retraité. Tous reconnaissent que les mentalités ont bien chan- gé depuis cinquante ans. “C’est le lot de toute association où les jeunes s’impliquent moins” constate le président. Au fil des ans, l’Amicale a créé des bureaux tout au long de la frontière franco-suisse. C’est Alain Marguet qui donnera l’impulsion la plus forte puisque depuis 2002, dix nouveaux bureaux sont ouverts, portant à treize le nombre total de relais, de l’Alsace au Genevois fran- çais. Le nombre d’adhérents est également allé crescendo pour atteindre aujourd’hui les 14 000. “Et on a gagné des “parts de marché” sur l’assurance” ajou- te M. Marguet. La Frontalière assure aujourd’hui 12 % de l’ensemble des frontaliers tra- vaillant en Suisse, de l’Alsace à Rhône-Alpes. Avec un vrai rôle social car “notre mutuelle gar- de ses adhérents jusqu’au bout, on ne les exclut pas une fois qu’ils sont en retraite. On n’a jamais laissé un frontalier au bord de la route ou à la charge de la société” ajoute le président.

Après avoir mené tant de com- bats, notamment en 1974 quand un amendement suisse pré- voyait carrément d’interdire le travail frontalier, l’Amicale pour- suit sa mission de défense. Son cheval de bataille aujourd’hui, c’est toujours la question de l’assurance-maladie des fronta- liers. Le libre choix est toujours possible, mais jusqu’en 2014 seulement. Après cette date, la France a prévu de les réinté- grer dans son système national, soi-disant pour renflouer les caisses de la Sécu grâce aux coti- sations de tous les frontaliers, qui lui échappent pour le moment. “Le gouvernement pré- Lʼ Amicale a édité un livre de plus de 200 pages à lʼoccasion de cet anni- versaire, qui retrace toute lʼhistoire de lʼassociation. Signé Daniel Paul, Pierre Clément et Jacques Marguet, cet ouvrage est le fruit de plus de deux ans de recherche durant lesquelles

taliers, qui étaient systématique- ment fouillés à la douane. Il y avait aussi une forte pression du patronat français pour que ces gens n’aillent pas travailler en Suisse. D’où l’idée de créer une association qui défende les inté- rêts de ces travailleurs” rap- pelle Alain Marguet. Les débuts ne seront pas faciles. La première réunion au Café

voit de récupérer ainsi 480 mil- lions d’euros. Mais c’est totale- ment faux car dans leur calcul il n’a pas compté toutes les pres- tations que la Sécu devra verser aux frontaliers malades. Cette mesure risque aussi d’aboutir à la suppression de 500 emplois dans le secteur des mutuelles. Nous continuons à nous battre pour convaincre le gouvernement de renoncer. Nous avons géré pendant 50 ans sans creuser d’1 centime le trou de la Sécu. Qu’on nous laisse continuer ainsi” ter- mine Alain Marguet. À 50 ans, l’Amicale est plus que jamais active et déterminée. J.-F.H.

Zoom 50 ans de souvenirs

les administrateurs ont éplu- ché toutes les archives et cou- pures de presse qui ont rela- té la vie de lʼAmicale. Le livre est aussi un hommage au fon- dateur de lʼassociation, Roger Tochot, pour qui les frontaliers ont sans doute été sa secon- de famille.

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online