Journal C'est à Dire 178 - Juin 2012

L A P A G E D U F R O N T A L I E R

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Assurance-maladie

IL FAUT SAUVER LE LIBRE CHOIX Les associations de défense des travailleurs frontaliers poursuivent le combat pour que soit confirmée par le nouveau gouvernement la possibilité de choisir librement l’endroit où ils assurent leur famille. Amicale et Frontalière “Nous avons un vrai rôle social”

Alain Marguet, le président de l’Amicale des Fron- taliers, tire la sonnette d’alarme au sujet du libre choix de l’assurance-santé, gravement menacé après l’échéance-butoir de 2014.

l’État français sur cette ques- tion du libre choix ? A.M. : Non, malgré les réunions innombrables qui ont eu lieu à ce sujet. Les 10 députés des territoires frontaliers avec la Suisse, de l’Alsace à la Haute- Savoie, étaient U.M.P. jusqu’à maintenant. On s’était tous mis d’accord avec eux pour que les frontaliers gardent leur libre choix, mais sous la pression de Bercy, tout le monde a plié. Je suis très déçu de nos parle- mentaires qui n’ont pas su défendre ce dossier crucial. l’assurance-maladie, en 2013 et en 2014, pour arriver à nos fins. Nous continuons à nous battre. On craint pour notre avenir mais on a surtout le souci du porte- feuille de nos assurés. Si les fron- taliers sont obligés d’adhérer à la C.M.U. volontaire françai- se, ça leur coûtera beaucoup plus cher aussi. J’espère vraiment que le bon sens et la raison l’emporteront en faveur des 140 000 frontaliers français qui Càd : Vous gardez espoir ? A.M. : Il ne nous res- te que deux plans de financement de

C’ est à dire : Les fron- taliers peuvent béné- ficier du libre choix pour s’assurer auprès d’une compagnie d’assurance pri- vée. Jusqu’à quand ? Alain Marguet : Actuellement, les travailleurs frontaliers ont en effet le choix : soit ils déci- dent de s’assurer en Suisse auprès d’une assurance privée, soit en France également auprès d’une compagnie privée, soit ils décident de s’assurer à la C.M.U. volontaire en France, c’est-à- dire à la Sécurité sociale. Leur intérêt de s’assurer à une com- pagnie privée française est avant tout financier : en Suisse, ce type de prestation coûte entre deux et trois fois plus cher. 95 % des frontaliers ont fait le choix de souscrire à une assurance pri- vée française et c’est ce libre choix-là que l’on menace de sup- primer après mai 2014.

Damoclès pèse donc sur eux et sur le devenir de compa- gnies comme la Frontalière ? A.M. : Oui, on est un peu en sur- sis car ce libre choix devait déjà être supprimé en 2009 et on a obtenu une prolongation de ce délai de 5 ans, donc jusqu’à mai 2014. Tout cela est dû aux

Alain Marguet ne ménage pas sa peine depuis plusieurs années pour défendre ce dossier auprès de l’État français.

Groupement Transfrontalier Européen “Faire le maximum pour garder ce statut” Le secrétaire général du Groupement Transfronta- lier Européen se dit relativement optimiste sur la poursuite du système actuel. 32 000 pétitions sont déposées le 26 juin sur le bureau du préfet.

accords bilatéraux signés entre la Suis- se et l’Union euro- péenne. On s’aperçoit qu’au final, ce sont bien les Suisses qui sont

travaillent en Suisse.

“Nous sommes une mutuelle solidaire et responsable.”

Càd : Pour la Frontalière, ça représente quoi ? A.M. : On a 14 000 assurés, soit 10 % de tous les frontaliers. Et pour nous, c’est 13 bureaux, de l’Alsace à la Haute-Savoie et 27 salariés. Nous avons surtout un vrai rôle social vis-à-vis de nos assurés. En 50 ans d’existence, nous n’avons jamais laissé un seul d’entre eux sur le bord de la route. Nous sommes une mutuelle solidaire et res- ponsable et nous comptons bien le rester.

maîtres de ces accords. En 2009, ils ont décidé par référendum de poursuivre ces accords. Ils y ont intérêt car avec les accords, ils s’engagent avec l’Europe, mais pas autant que s’ils déci- daient d’intégrer complètement l’Union européenne. Ils tirent donc les avantages de l’Europe sans en avoir les inconvénients. Càd : Aucun élu de la fron- tière n’a réussi à faire plier

C’ est à dire : Le Grou- pement Transfron- talier Européen n’est pas une compagnie d’assurances et pourtant, vous vous battez pour le maintien du système. Pourquoi ? Jean-François Besson : Fai- sons juste un petit rappel his- torique. En 1963, quand s’est créé le Groupement, les tra- vailleurs frontaliers n’avaient aucune couverture sociale ou maladie. Quelques frontaliers un peu fédérateurs se sont mobi- lisés en créant cette association et c’est seulement en 1964 que par l’intermédiaire de la com- pagnie la Strasbourgeoise ils ont commencé à être couverts. Nous avons donc depuis le début contrats d’assurances aux besoins des frontaliers. Depuis le début, c’est la Strasbourgeoise qui prélève les cotisations des frontaliers pour notre compte. Nous sommes donc liés. Ceci dit, cette histoire d’assurance-maladie n’est pas une question de survie pour nous contrairement à des mutuelles ou certaines compa- gnies d’assurances. En revanche, en tant qu’association, nous fai- sons du “corporatisme” et on a demandé à nos 35 000 adhé- rents leurs désirs. À 99,9 %, ils souhaitent continuer à bénéfi- cier de ce libre choix. accompagné nos adhé- rents pour qu’ils obtiennent satisfaction en matière d’assurance-maladie et notre volonté a tou- jours été d’adapter le plus possible les

Càd : Malgré tout le travail des associations de défense, ce sujet fait toujours débat ? J.-F.B. : Oui car nous ne sommes pas forcément dans une situa- tion stable entre l’Union Euro- péenne et la Suisse, les choses peuvent bouger, donc il faut fai- re le maximum pour garder ce statut le plus longtemps pos- sible. Càd : Vous êtes plutôt opti- miste ? J.-F.B. : Je pense que l’on fini- ra par obtenir gain de cause, je suis relativement optimiste. Car si cette possibilité de libre choix est supprimée, il y aura des retombées sur des dizaines de cabinets d’assurances situés le rents. Ce n’est pas un hasard si la pétition que nous avons lancée a recueilli plus de 32 000 signatures. Elles sont déposées ce 26 juin sur le bureau du pré- fet de Haute-Savoie pour qu’il les transmette au gouverne- ment. La mobilisation des fron- taliers sur cette thématique est extrêmement forte. Sur cette question, il y a certes l’aspect financier qui prévaut, mais il y a aussi cette question relationnelle entre les assurés et leur compagnie privée, des relations de confiance profondes que l’on souhaite vraiment maintenir. Propos recueillis par J.-F.H. long de la frontière. Certains travaillent à 70 % avec les fron- taliers. Si la question n’est pas vitale pour nous en tant qu’association, elle l’est pour nos adhé-

Càd : Une vraie épée de

Propos recueillis par J.-F.H.

Des frontaliers galèrent pour être pris en charge L a Ligue contre le cancer accom- pagne quelques travailleurs fron- taliers malades confrontés à des difficultés de prise en charge. Ils sont assurés en Suisse où les démarches administratives sont plus lourdes pour être reconnus comme invalides et obte- nir une rente adaptée. “Cʼest plus com- pliqué et plus long quʼen France. Il y a beaucoup dʼexamens médicaux, énor- mément dʼexpertises. Lʼassurance sta- tue sur un pourcentage dʼinvalidité à partir duquel sera défini le montant de la rente. Le temps que tout cela se met- te en place, la personne nʼa souvent plus de ressources” remarque le comi- té du Doubs de la Ligue contre le can- cer. Privé de ressources, un travailleur fron- talier malade tente dʼobtenir de lʼaide du côté des institutions sociales fran- çaises qui pourraient lui accorder le R.S.A. Mais pour cela, la C.A.F. veut avoir la certitude quʼil ait engagé toutes les démarches auprès de lʼAssurance invalidité suisse. La lourdeur adminis- trative augmente encore le délai de pri- se en charge.

“Des retombées sur des dizaines de cabinets d’assurances.”

Jean-François Besson, secrétaire général du Groupement Transfrontalier Européen.

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