Journal C'est à Dire 178 - Juin 2012

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Interview “Le Doubs, une terre celte” Journaliste franc-comtoise spécialisée en histoire médié- vale et titulaire d’un D.E.A. en philosophie imaginaire et rationalité, Chloé Chamouton dévoile les secrets de nos légendes dans son livre “Les mystères du Doubs”.

C’ est à dire : Votre livre compile légendes et mythes où chaque habi- tant du Doubs peut y (re)trouver un lieu qu’il connaît. Pourquoi avoir choisi de lever les secrets de notre territoire ? Chloé Chamouton : Nous avons en Franche-Comté de très belles légendes qui sont tombées dans l’oubli. Notre patrimoine mystérieux est malheu- reusement ignoré, perdu au fil des siècles, faute de véritables passeurs de cette mémoire collective. J’ai tou- jours été intéressée par les légendes celtiques et j’ai mis environ 7 mois pour collecter toute la matière avant de la mettre en forme. Notre patri- moine légendaire est aussi riche que celui des Bretons. Càd : Vous dites que les pierres de Courtefontaine sont des menhirs. Est-ce donc un héritage celte ? C.C. : Nous sommes Celtes. Là enco- re, le manque d’informations à ce sujet se ressent cruellement. Les livres d’his- toire mentionnent “nos fameux ancêtres les Gaulois” sans parler de leurs diennement aujourd’hui viennent du gaulois et non pas forcément du grec ou du latin. La Franche-Comté est une terre celtique. Càd : Rappelez-nous la différence entre un mythe et une légende ? C.C. : Un mythe possède une fonction explicative et pédagogique. Il délivre un enseignement en mettant en scè- ne des dieux ou des personnages, de façon allégorique. Le mythe est tou- jours révélateur des pratiques d’une société. Derrière les mythes se dissi- mulent des réalités, une part de véri- té. La légende se rapproche donc de la définition du conte à ceci près qu’une légende contient toujours un fond de vérité, une vérité transformée et défor- croyances ou mythologie. Or, les Gaulois font partie de cet- te civilisation celtique qui n’est pas concentrée uni- quement dans les pays dits celtiques. La plupart des mots que nous utilisons quoti-

mée par le récit des hommes.

Càd : Pour vous, quelle légende est la plus représentative de la région ? C.C. : La Vouivre, c’est la star franc- comtoise. J’habitais à proximité de chez Marcel Aymé (celui qui l’a popu- larisée) et passais souvent devant une Vouivre en bois. Cela m’a toujours inter- pellé. Il n’est pas une rive de ce dépar- tement qui ne possède son histoire de vouivres : Avoudrey, Mouthier-Haute Pierre, Mouthe… Les diverses versions locales reposent sur un scénario iden- tique : un homme avide de richesses tente de s’emparer du trésor de la Vouivre, et finalement se fait tuer par celle-ci, ou mettre en miettes. Càd : Quand ces mythes se sont-ils construits ? Plutôt au Moyen-Âge, période difficile pour la Bourgogne et la Franche-Comté ? C.C. : Tout dépend des légendes et mythes. De façon générale, les légendes sont issues d’un corpus mythologique beaucoup plus ancien qui puise ses racines dans une tradition celtique. Les Romains se sont approprié des

Auteur et journaliste, Chloé Chamouton fait revivre les légendes dans son livre “Les mystères du Doubs” (édition De Borée).

C.C. : Il a été vendu à 2 000 exem- plaires. Pour un ouvrage régionaliste, c’est un bon résultat. Les personnes aiment que l’on parle de leur village, de leur ville. Càd : Aujourd’hui, qui sont les garants et les transmetteurs de cet- te tradition orale ? Est-elle encore vivace ? Et à quels endroits ? C.C. : Les écrivains régionalistes pas- sionnés des mythes et des légendes de leurs régions, les conteurs, les jeunes ont une mission : celle de se réappro- prier ce patrimoine légendaire, de lui redonner du sens, de le faire vivre. Il est important de témoigner de la richesse et de la diversité de nos légendes et surtout d’en être fier. Càd : La religion n’a-t-elle pas uti- lisé les mythes ? C.C. : Beaucoup de mythes sont ins- pirés de la religion. Les histoires de diables, de miracles divins, d’objets craints ou vénérés sont légion dans le Doubs. Ce département était très croyant, d’où ce panel d’histoires liées à la religion. De même, les raz-de-marée sont souvent la conséquence de puni- tions divines parce que les hommes n’ont pas respecté certaines règles d’hospitalité (c’est l’origine de la nais- sance du lac de Saint-Point), les êtres humains métamorphosés en animaux, ou les revenants sont condamnés à expier leurs péchés parce qu’ils n’ont

Càd : Publierez-vous d’autres ouvrages sur ce thème ? C.C. : Je vais écrire “Les mystères de la Loire-Atlantique” où j’habite désormais et publier un livre sur le cheval comtois. Propos recueillis par E.Ch.

pas respecté les jours saints.

Càd : Un secret pour voir la Vouivre ou une fée… C.C. : Il faut éviter de marcher sur l’herbe d’or, être patient et croire au merveilleux.

Maîche Val de Waroly,

mythes celtiques, les accom- modant à leur sauce. Les saints ont alors remplacé les dieux celtiques vénérés mais derrière ce vernis chrétien, malgré tout, les traditions et coutumes populaires demeu-

Je ne pense pas qu’Inter- net puisse les faire dispa- raître.”

ancien temple druidique ?

rent prégnantes.

Càd : Ces histoires et légendes ris- quent-elles de disparaître, oubliées par les nouvelles générations qui ne les retransmettront pas aux sui- vantes ? C.C. : Je ne pense pas. Les habitants du Doubs sont chauvins et tiennent à leur légende comme à Montbéliard avec la Tante Arie. Heureusement, les veillées reprennent et il y a eu le phé- nomène Harry Potter et Seigneur des Anneaux. Je ne pense pas qu’Internet ou les réseaux sociaux puissent les fai- re disparaître. Il faut justement s’ap- puyer sur ces outils.

C ’est à proximité du Des- soubre, au pied de Maîche, que le diable aurait marqué de son empreinte le Val de Waroly où des cultes païens ont été célébrés. C’est aussi qu’a été édifié le château du diable érigé dans une encein- te de verdure. Des découvertes archéologiques ont fait ger- mer la présence ici d’un temple drui- dique. Pourquoi ? Parce que le châ- teau du diable était composé de blocs de pierre arrangés et entourés d’une source. Selon l’auteur et journaliste Chloé Chamouton (lire ci-dessus), nos

ancêtres les Gaulois avaient coutu- me d’officier dans des clairières sacrées, nommées “nemeton” ou “omphaloï” , points de concentration leur permet- tant d’entrer en communica- tion avec les dieux.

Des blocs de pierre et une source.

Un chemin plonge dans le Val de Waroly et conduit aux grottes explorées par l’abbé Narbey, auteur d’une histoi-

re des hautes montagnes du Doubs et inventeur du temple druidique. L’histoire ne précise pas si un jour, un chevalier a osé un jour venir affron- ter le diable dans ce château et y déli- vrer les âmes.

Càd : Votre livre a donc cartonné…

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