Journal C'est à Dire 176 - Avril 2012

L E P O R T R A I T

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Patricia, l’ancienne Clodette qui a flashé pour le Haut-Doubs Elle a fait partie de la troupe mythique des danseuses de Claude Fran- çois dont la légende, trente-quatre ans après sa mort, est toujours aussi vivace. Aujourd’hui installée à Morteau, Patricia se souvient. Morteau

Patricia n’a rien perdu de son joli sourire. Sur l’écran, elle danse à la droite de Clo-Clo (à gauche de l’écran) lors d’un show à la télévision

P atricia Criton est loin, bien loin de l’image que parfois renvoient les dan- seuses-potiches de la télévision. Les Clodettes, c’était autre chose. Non seulement un corps qui faisait fantasmer plus d’un homme, mais aussi une tête bien faite.L’ex-Clodette qui a trou- vé refuge par amour dans leDoubs, ne fait pas exception.Claude Fran- çois ne s’entourait pas de la pre- mière venue.Même si c’est le plus grand des hasards qui a mené la jeune Patricia, alors âgée de 18 carrière, se destinait plutôt à devenir enseignante ou méde- cin. “J’ai croisé un jour vers le théâtre de l’Odéon Maddly Bamy, qui était Clodette à l’époque et qui deviendra plus tard la com- pagne de Jacques Brel. “Made- moiselle, vous êtes très jolie, vous ne voudriez pas faire du cinéma ?” me demande-t-elle. Un mois plus tard, elle m’aborde à nouveau en me proposant de dan- ans, dans le bureau de la plus grande star de l’époque. La jeune beauté d’origine sénégalaise, fille d’un militaire de

ser avec Claude François. Je lui réponds alors que je ne sais pas danser…” Maddly insiste et Patricia se retrouve chez elle à danser sur un disque. “À l’internat, j’avais juste appris la danse classique naturelle, c’est- à-dire les gavottes et les menuets… sourit-elle. Maddly m’a répondu que ça ferait l’affaire. Si Claude te deman- de si tu sais danser, tu lui diras oui…” Arrivée dans le bureau du boss, Claude François va droit au but. mencé par un petit mensonge…” Le lendemain de l’audition, Patri- cia participe à son premier gala. “Claude s’est vite rendu comp- te que je n’étais pas une excel- lente danseuse, mais il a été très humain. Il me dit : “C’est incroyable que ce soit moi un blanc qui apprenne à danser à une noire !” Comme quoi les cli- chés selon lesquels la danse serait innée chez les noirs, ont la vie “Vous êtes belle mais savez-vous danser ?” demande Clo-Clo. “Oui” répond timidement Patricia. “Mon histoire de Clodette a donc com-

dure… Puis j’ai vite progressé à ses côtés” ajoute Patricia. Nous sommes en 1968, une aven- ture professionnelle de trois ans auprès de la plus grande star de l’époque commence pour la jeune Patricia qui enchaîne aux côtés du chanteur populaire les galas en province et les shows télévisés. “À l’époque, on se pro- duisait partout, même dans les très petites villes. Je me disais que jamais on ne remplirait la salle, et c’était toujours complet.” Côtoyer presque au quotidien un Claude François aussi exi- geant dans le travail a été la meilleure des écoles pour Patri- cia dont le parcours de Clodet- te n’était pas vraiment du goût de sa maman à l’époque. “J’ai passé un deal avec elle qui ne voulait pas que sa fille “lève la jambe” : si j’intègre les Clodettes, je continue mes études. J’ai donc passé le Bac en parallèle.” Deux années et demi mer- veilleuses au cours desquelles Patricia Criton était appréciée des hommes autant que des femmes qui voyaient en les Clo- dettes un peu le prolongement de leur idole Claude François.

italienne en 1970.

trice de la communication et du marketing de la compagnie jus- qu’à la dissolution de celle-ci en 2002. Une carrière profession- nelle au cours de laquelle elle accumulera de fructueuses expé- riences et côtoiera le monde du sport, de la mode ou des affaires. Toujours attachée à l’Afrique où elle n’a pourtant pas vécu, l’ancienne Clodette s’envole au moins une fois par an pour le Sénégal, “où les réalités de la vie remettent vite les choses en pla- ce. C’est mieux que des anxio- lytiques” sourit l’ex-Clodette ins- tallée à Morteau où elle a eu récemment le double coup de foudre : pour les paysages et pour son compagnon avec qui elle vit, après la période paillettes et une brillante carrière, un autre bonheur, loin du show-biz et des affaires. J.-F.H.

“Pour les fans, on faisait partie intégrante de Claude.” Le chan- teur et l’homme qui fait aujour- d’hui l’objet d’un film étaient deux personnages sans doute très différents. Patricia a connu le chanteur “très exigeant, mais très humain. Jamais il n’a été dur avec nous. Il m’a appris à être exigeante vis-à-vis de moi- même. Il respectait ses Clodettes. Il n’était pas du genre à pen- ser que le droit de cuissage pou- vait exister” confie l’ex-Clodet- te qui a gardé quelques liens avec certaines de ses anciennes camarades de travail. “J’ai été recontactée il y a deux ans par l’une d’elle qui tente aujourd’hui de faire reconnaître notre droit à l’image. Une procédure est en cours à laquelle se sont jointes une dizaine d’entre nous” indique Patricia. En 1971, la belle Afri- caine quitte l’aventure, “pour

me marier. Et pour continuer mes études. Je ne voulais pas lever la jambe ad vitam æter- nam !” Sans regret, mais avec “que des bons souvenirs. Je ne suis pas du genre fétichiste, ce passé-là, je l’ai dans mon cœur. J’ai gardé de cette époque une ou deux tenues… que je ne pour- rais plus enfiler aujourd’hui…” rit-elle. Patricia intégrera et sui- vra avec brio un cursus supé- rieur à l’école française des atta- chés de presse à Paris. Elle a vécu la mort de Claude Fran- çois en 1978 comme un drame, comme toutes les fans. Après ses études, Patricia entre- ra en tant que chargée des rela- tions publiques à Air Afrique, la grande compagnie aérienne qui regroupait onze pays de l’Afrique Noire. Attachée de presse pour la France et l’Europe, elle ter- minera sa carrière comme direc-

“Ce passé-là, je l’ai dans mon cœur.”

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