Journal C'est à Dire 176 - Avril 2012

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É C O N O M I E

Fier et heureux d’avoir fait sa maison ILS ONT CONSTRUIT LEUR MAISON EUX-MÊMES Guyans-Vennes

Jean-Philippe Sanseigne n’a voulu laisser à person- ne le soin de construire sa maison. Il a opté pour un matériau facile à mettre en œuvre et aux qualités méconnues : le béton cellulaire.

Plus cher que du parpaing traditionnel, le béton cellulaire per- met de faire l’économie d’une isolation. Il se suffit à lui-même.

I l en rêvait, il l’a fait. Plus que tout autre, l’autoconstructeur acettecapacitédes’approprier la conception de son habitat etilestprêtàbeaucoupdesacrifices pourparveniràsesfins. “Je voulais faire ma maison” , explique Jean- Philippe Sanseigne. Travaillant dans le négoce de matériaux, il avait envie de passer à la pra- tique, histoire d’acquérir une expérience complémentaire. Le volet économique représentait aussi une source de motivation. “Cela permet de voir un peu plus grand quand on réalise les plans” , poursuit un autoconstructeur qui a surpris tout son monde en annonçant son projet. Côtoyer les professionnels du

bâtiment ne signifie pas pour autant qu’on est capable d’en fai- re autant. Le jeune couple a choi- si de s’implanter à Guyans- Vennes dans une commune chè- re aux Sanseigne. Un détail qui aura son importance car la proxi- mité de la famille favorise for- cément l’entraide. Ce qui sera le cas ici. Le lancement du chan- tier remonte à mai 2010. “On a fait appel à une entreprise pour le terrassement” , concède Jean- Philippe Sanseigne qui a fait la même chose pour la charpen- te. Fondations en béton, sous-sol en agglos et tout le reste de la struc- ture est constitué en béton cel- lulaire. “On peut considérer qu’il

Le chantier a débuté en mai 2010 et la famille Sanseigne vient juste d’emménager dans sa nouvelle maison.

circulation d’air. “J’ai quand même prévu des réservations pour mettre autre chose si cette confi- guration s’avérait inopérante ou trop coûteuse. On verra à l’usage” , analyse confiant Jean-Philippe Sanseigne qui vient d’emménager dans sa nouvelle demeure. Une belle bâtisse de 140 m 2 habi- tables. Les murs porteurs et les séparations intérieures respi- rent aussi le béton cellulaire. De cette expérience dans le bâtir soi-même, Jean-Philippe retient surtout l’obligation d’une pré- paration sans failles. “Il faut pen-

ser à tout. Comme on était sur une parcelle non lotie, on a aus- si géré l’arrivée des réseaux. À cela s’ajoutent l’approvisionnement du chantier, le planning des travaux. Mais le résultat en vaut la chandelle” , note celui qui a tiré un trait sur tous ses loisirs pendant deux ans pour mener à bien son projet. Pratique très à la mode dans l’autoconstruction, la maison Sanseigne est équipée de deux citernes de 7,5 m 3 au total qui fournissent l’eau sanitaire. Vive l’autonomie. F.C.

vent décrié pour sa propension retenir l’humidité. Fausse idée. Le béton cellulaire ne prend pas l’eau et régule plutôt bien l’hygrométrie. Il freine la déper- dition de chaleur en hiver, réduit la durée de chauffage en demi- saison et assure même une cli- matisation naturelle en été. Le constructeur de Guyans- Vennes a opté pour un systè- me de chauffage au sol alimen- té par une chaudière électrique avec une V.M.C. pour réguler la

s’agit d’un matériau écologique car c’est un mélange d’eau, sable, ciment et silice. J’étais attiré par la qualité d’isolation et la faci- lité de mise en œuvre. Le béton cellulaire présente l’avantage de se poncer très facilement, ce qui permet de récupérer des erreurs. C’est un peu plus cher que le par- paing standard même comme on fait l’économie d’un autre sys- tème d’isolation, on s’y retrouve largement” , poursuit le nouvel ambassadeur d’un matériau sou-

Comment faire du neuf avec du vieux Certains autoconstructeurs s’avèrent particulièrement précoces, à l’image de Fabien Henriet qui a commencé sa maison à partir de 18 ans. Arçon

Les Gras Le défi de la ferme comtoise remise au goût du jour Thomas et Anne-Lise Bor-

A vec ses pierres appa- rentes et sa talvanne neuve,difficile de ne pas remarquer la ferme de la famille Bornert qui trône à l’entrée du hameau du Grand Mont sur les hauteurs des Gras. Le jeune couple propriétaire des lieux vivait auparavant en appar- tement. “On n’était pas du tout attiré par l’idée de s’établir en lotissement dans un pavillon” , explique Thomas Bornert. Avec Anne-Lise, ils étaient plutôt par- tis dans l’idée de la ferme com- toise à retaper. Bien occupés l’un et l’autre par leurs emplois respectifs, ils cher- chaient de préférence une bâtis- se habitable en l’état qu’ils pour- raient transformer au fur et à mesure de leurs disponibilités et de leurs moyens. Du chazal au palais hors de prix, on trou- ve de tout sur le marché de la ferme comtoise. Le couple a chi- né pendant près de deux ans avant de trouver son bonheur au Grand Mont par le biais d’une agence immobilière. “La ferme n’était pas terrible d’aspect exté- rieur mais elle présentait l’avantage d’être habitable immé- diatement.” L’économie d’un loyer en perspective, même si ce n’est jamais la panacée de vivre dans la maison à restaurer. Thomas et Anne-Lise Bornert ont pris possession de leur nou- veau logis le 27 décembre 2008. Ils ont patienté quelque mois avant de se lancer dans les tra- vaux. L’intérieur a été entiè- rement transformé. Abattage nert ont entrepris depuis quatre ans le chantier de leur vie. Le rêve du nid douillet rénové avec goût, sans entorse aux traditions prend forme.

des cloisons, changement des portes et fenêtres, sablage des poutres, installation électrique, tout a été refait à neuf. “On avait pris soin de bien se documenter auparavant. Le livre de l’abbé Garneret, je l’ai lu, relu. On a aussi visité d’autres fermes en prenant le temps de discuter avec ceux qui les avaient restaurées. On voulait faire du neuf dans l’ancien sans fausse note de sty- le avec l’idée d’une rénovation écologique.” Le projet débute donc par la récupération de pierres et de vieilles poutres dénichées le plus souvent par le biais du bouche à oreilles et négociées en direct. “Pour les travaux, il vaut mieux avoir quelques notions de bri- colage. Le reste s’acquiert en pra- tiquant” , poursuit Thomas Bor- nert qui n’oublie pas d’associer son épouse dans l’exécution. Une vraie affaire de couple cette réno- vation. Un projet de vie en quelque sorte où chacun s’est mobilisé dans un même élan, jusqu’aux finitions. “On était prêt à vivre dans des conditions rudi- mentaires pendant quelques années” , complète Anne-Lise Bor- nert aujourd’hui jeune maman. Les travaux ont commencé par la rénovation du rez-de-chaus- sée. Les éco-rénovateurs ont par-

ticulièrement soigné l’isolation intérieure avec laine de bois sur les murs extérieurs et un mélan- ge chaux-chanvre au sol. Un simple fourneau sert à chauffer le premier niveau. En trois ans, ils ont aussi eu le temps de réno- ver les façades extérieures. Com- me la ferme avait appartenu à des paysans horlogers, elles dis- posaient de nombreuses ouver- tures, aujourd’hui agréables et précieuses sources de lumière. Le remplacement de l’ancienne porte d’écurie par une arche voû- tée donnant aujourd’hui accès au garage relève du gros œuvre. “On est allé racheter les pierres d’une ancienne porte de gran- ge dans le Jura. C’est primor- dial dans ce type de projet de s’entourer de fournisseurs com- pétents et de bons conseils” , obser- ve Thomas Bornert qui a pris aussi le temps de remettre en état l’ancien four à pain. Le couple s’était donné une dizai- ne d’années pour mener à ter- me cette rénovation. Le plus dur est fait. Il reste encore tout l’étage à aménager ainsi que le tuyé. Un potager, quelques poules et lapins agrémentent aujourd’hui le quotidien de la famille Bornert plus campa- gnarde que jamais. F.C.

Pas trop pris par le temps, Fabien Henriet a mis 5 ans pour construire sa maison au hameau de la Mare d’Arçon.

O n a la fibre constructive dans la famille Henriet. Séraphin le grand-père toujours en vie se débrouillait déjà plutôt bien en maçonne- rie. Ses fils et petits-fils ont per- pétué la tradition. Plusieurs membres de la famille ont pris une part active dans l’édification de leur maison. Ceux qui tra- vaillent la terre ne demandent leur reste à personne dès qu’il s’agit de monter, agrandir ou modifier un bâtiment agricole. On retrouve de temps en temps cette capacité d’autoconstruction dans le monde paysan. Les Henriet de la Mare d’Arçon ne s’en étonnent même plus. Une compétence parmi d’autres en quelque sorte. Fabien Hen- riet n’a pas traîné avant de se mettre en œuvre. Encore en âge d’habiter chez ses parents, il lui prend la bonne idée de rache- ter un chazal en 2004. Il n’a alors que 18 ans. L’idée de construire sa maison à partir d’une ruine ne l’effraie pas le moins du monde. “J’ai com-

mencé par récupérer les vieilles pierres du chazal. Elles ont ser- vi à monter la façade de la nou- velle maison. Comme elles n’étaient pas toujours aux bonnes dimensions, il fallait parfois les tailler. Ce travail m’a occupé pratiquement tout un hiver” , concède Fabien Henriet qui est aujourd’hui sur une exploita- tion agricole à 5 associés. Menuisier de formation, il a d’abord travaillé dans une minoterie avant de revenir exploiter les terres familiales. Pas pressé par le temps, le jeune bâtisseur a géré son projet à son rythme. Il sonnait le rappel de l’entraide fami- liale pour le gros œuvre, à l’heure du terrassement ou de la pose du toit. La charpente a été débitée par son frère qui tient une petite scierie. Seule entorse à l’autoconstruction, il a fait appel à des entreprises pour l’installation du chauffa- ge et de l’électricité. “J’ai tou- jours eu la chance de pouvoir

me libérer du temps. Je termi- nais mes journées à 13 heures quand je travaillais à la mino- terie. Je peux aussi profiter du ralentissement hivernal à la fer- me.” Fabien a bâti dans les règles de l’art en privilégiant des prin- cipes de construction simples et efficaces. Isolation en laine de bois et briques sur les murs

extérieurs, cloisons en briques et à l’étage la bonne vieille combinai- son bardage-plotets. Sa maison qui ne manque pas de cachet fait 135 m 2 et comprend un sous-sol.

Le bon sens paysan.

Il a emménagé en février 2009. Du chazal, il a aussi conservé une citerne. Son plus gros inves- tissement réside dans l’acquisition d’une chaudière à bois déchiqueté. Il s’approvisionne en matière pre- mière chez son frère scieur et fait appel aux services de la C.U.M.A. des Nobles pratiques pour produire ses plaquettes bois. Le bon sens paysan.

La maison de la famille Bornert sent bon l’ancienne ferme restaurée avec goût et style.

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