Journal C'est à Dire 171 - Novembre 2011

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P L A T E A U D E M A I C H E

Le Doubs frontière : haut lieu de contrebande Entre Les Brenets et Clairbief, le Doubs fran- co-suisse a toujours été le siège de trafics clan- destins qui évoluaient suivant les époques et les régimes politiques. Éclairages. Histoire

début du XIX ème siècle suite au blocus continental décrété par Napoléon 1 er . Les soieries, den- telles, les mousselines, les châles de cachemire, le cacao, le sucre, les épices prennent le relais. Quelles que soient les époques, les contrebandiers s’adaptent toujours aux circonstances poli- tiques et économiques. Ils ne manquaient pas de malices. Cer- tains portaient des chaussures montées à l’envers pour trom- per les douaniers. À partir du XIX ème siècle, le catalogue s’élargit à toutes les spécialités de l’économie comtoise. Les contrebandiers transportent alors des pièces d’horlogerie, des pierres précieuses, du bétail sur pied - ovins, petits cochons - et de la semence de taureau Montbéliard, la race locale étant très recherchée par les éleveurs suisses. Le grand-livre de la contrebande est toujours ouvert. Il ne se limi- te plus aux simples échanges franco-suisses. La mondialisa- tion est passée par là.

se l’espace douanier : bureaux et brigades se répartissent tout autour de la province. La contre- bande porte sur des produits fortement taxés : le tabac, les indiennes (du tissu), le sel tou- jours dont le prix varie forte- ment en raison de la gabelle. Il existait même un trafic d’écrits libertins ou de livres de philo- sophie interdits en France com- me ceux de Voltaire. Le contre- bandier pris sur le fait risque gros. Certains se sont retrou- vés aux galères ou sur l’échafaud. Que rapportait la contrebande ? “On manque cruellement d’informations qui traitent du sujet. Les faits de contrebande sont rarement noti- fiés dans les archives. On s’appuie surtout sur des récits, des histoires qu’on se transmet” , note Alain Tissot qui ani- mera le 30 novembre (20 heures) à la salle des fêtes de Villers-le-Lac une conférence sur le sujet. En Franche-Comté, la contre- bande est essentiellement pra- tiquée par nécessité mais aus- si par jeu, celui du chat et de la souris. Peu de contrebandiers constituent des bandes armées. À l’exception bien entendu de Mandrin, l’ennemi juré de la Ferme générale. Le passage de ce brigand de grand chemin à La Chaux-de-Fonds et à Mai- son-Monsieur en 1754 suscita d’ailleurs un vent de panique. La nature du trafic évolue au

L es Échelles de la Mort constituent certaine- ment l’un des lieux les plus emblématiques de la bricotte. Ici, des contreban- diers n’hésitaient pas à prendre tous les risques pour transpor- ter diverses marchandises : fari- ne, sucre, café, tabac en déjouant la surveillance des “gabelous”. On trafiquait déjà du sel sous l’Ancien Régime. Cette denrée

Zoom L’affaire de

Blancheroche Cet épisode a marqué dura- blement les esprits. Il remon- te à lʼépoque où les troupes napoléoniennes envahissent lʼHelvétie. La principauté de Neuchâtel alors sous domi- nation prussienne est enva- hie en 1806 par les soldats de lʼEmpire placés sous le com- mandement du maréchal Oudi- not. Quelques-uns décident alors dʼattaquer la douane de Fournet-Blancheroche et de sʼadonner à la bricotte. “Lʼaffaire fera lʼobjet dʼun vrai scandale. Oudinot sʼen excu- sera personnellement dans un courrier adressé à Napoléon” , note Alain Tissot qui se deman- de encore pourquoi ce qui sʼapparente à une broutille des campagnes impériales eut un tel retentissement.

précieuse était trans- portée à dos d’âne ou d’homme, la nuit de préférence jusqu’à la frontière. Après le rattachement de la Comté à la Fran-

Des chaussures montées à l’envers.

ce et la révocation de l’Édit de Nantes, un mouvement de résis- tance se développe. Le contre- bandier se fait alors passeur d’hommes pour venir en aide aux protestants persécutés. L’histoire se répétera pendant la Seconde Guerre Mondiale où d’autres résistants jurassiens accompagneront des familles juives ou des soldats de l’autre côté de la frontière. Même sous domination fran- çaise, la Franche-Comté reste une province réputée étrangè- re. La Ferme générale organi-

Conférence d’Alain Tissot le 30 novembre à 20 h 30, salle des fêtes de Villers-le-Lac

Les Échelles de la Mort, haut lieu de la contrebande. Illustration tirée de “Douane et contrebande”, catalogue d’exposition publié par le Musée de Pontarlier en 1992.

Frambouhans

La nature reprend ses droits à la tourbière “Sur les Seignes” Après avoir été exploitée de façon industrielle de 1968 à 1984, la tourbière de Frambouhans a fait l’objet d’une réhabilitation prometteuse. Visite. L a tourbière “Sur les Seignes” couvre une super- ficie de 27 hectares. C’est

S.E.M. a entrepris les premiers travaux de restauration. “Com- me la zone exploitée était en pen- te, ils ont tenté d’endiguer les écoulements d’eau en posant des merlons de tourbe sur toute la largeur des travées d’extraction. Mais l’expérience n’a pas été une grande réussite.” relancer l’activité extractive. Des études sont même réalisées dans la perspective d’une exploi- tation complète de la tourbière. Ce projet passera définitivement à la trappe en 1989 pour des rai- sons économiques. Le coût d’extraction locale s’avère trois à quatre fois supérieur à celui de l’importation en provenance d’Allemagne. En 1997, une convention est signée entre B.A.S.F., Doubs Nature Environnement et Espa- ce Naturel Comtois afin d’aboutir à une réhabilitation écologique En 1986, La S.E.M. est rachetée par le groupe chimique B.A.S.F. qui caresse encore l’espoir de

du site. Il faudra encore attendre quelques années avant d’entrevoir les travaux réalisés à partir de 2003. “Le remblayage d’un drain a permis de limiter les fuites l’eau. Des petits engins de chantier ont été utilisés. Ils ont procédé au décapage d’une croûte sur 10 à 20 cm de d’épaisseur. Après la pose de plu- sieurs merlons, les gestionnaires ont planté de la linaigrette et des sphaignes” ajoute Grégory Bernard. Cette tentative semble couron- née de succès au vu des résul- tats observés actuellement. L’intérêt des tourbières ne se limite pas à la présence d’espèces rares. Ces milieux si particu- liers constituent de formidables puits à carbone. Les tourbières stockent 30 % des carbones des sols alors qu’elles ne couvrent que 3 % de la surface des terres. On comprend mieux l’utilité, pour ne pas dire la nécessité, de ne plus les détruire. F.C.

l’un de deux haut-marais franc- comtois ayant fait l’objet d’une exploitation industrielle. Sa tour- be fut probablement utilisée aus- si à des fins de chauffage domes- tique comme ce fut le cas de la

plupart des 253 tourbières comtoises. Cette activité à caractère familiale n’a pas perduré au-delà de la

30 % des carbones des sols.

Seconde guerre mondiale. Elle n’a pas laissé non plus la même empreinte dans le paysage. En 1968, la Société des Engrais Monnot (S.E.M.) acquiert 15 hectares de la tourbière “Sur les Seignes”. Objectif : extraire de la tourbe à usage horticole. La production reste heureusement assez modeste. Elle varie entre 700 et 1 000 m 3 par an et se concentre sur une zone de 3 hec- tares. “L’exploitation a dû être abandonnée en 1984” , précise Grégory Bernard. Chargé de mission au Pôle relais tourbières, il a récemment accompagné une visite sur site organisée dans le cadre des rendez-vous nature de la Maison de l’Environnement. Sitôt l’arrêt de l’activité, la

“Depuis la réhabilitation, on a constaté le retour de deux espèces de libellules assez rares”, explique Grégo- ry Bernard qui encadrait

une visite du site le 12 novembre dernier.

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