Journal C'est à Dire 168 - Juillet 2011

D O S S I E R

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Haut-Doubs

La maçonnerie, ce n’était pas la dolce vita Depuis le milieu du XIX ème siècle, les Italiens ont for- tement migré vers le Doubs et particulièrement le Haut-Doubs. La population immigrée diffère de cel- le du reste de la France et même de la région par son importance et ses caractéristiques.

L es Italiens ont dès le XIX è- me siècle migré vers le Doubs et ils restent la figure typique de

l’étranger dans notre départe- ment. Parlant une autre langue et se distinguant par leur appa- rence physique, leur venue est

Une famille franco-italienne au début des années soixante. Beaucoup d’Italiens étaient maçons.

restée dans les mémoires. Elle l’est restée beaucoup plus, par exemple, que celle de leurs homo- logues suisses, pourtant beau- coup plus nombreux à avoir pas- sé la frontière. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui représentent le groupe d’étrangers le plus impor- tant jusqu’en 1931. Les Italiens prennent alors leur place, alors qu’ils l’occupent déjà depuis 1901 sur l’ensemble de la France. “Dans le Doubs, les migrants transalpins se sont surtout ins- tallés dans le Nord du départe- ment, dans les environs de Mont- béliard. Le facteur économique était évidemment à l’origine de ce regroupement. Avec les usines Peugeot et la proximité avec Bel- fort et Alstom, le bassin indus- triel offrait nombre de postes aux ouvriers transalpins” précise Fré- déric Spagnoli, Maître de confé- leine et de Battant ont d’ailleurs accueilli jusqu’à près de 400 Ita- liens. Le Haut-Doubs, quant à lui, a accueilli beaucoup de bûche- rons italiens dans ses forêts, mais aussi des maçons, de Pontarlier jusqu’à Maîche. En effet, en 1851, on dénombrait déjà 80 Italiens dans les cantons de l’arrondissement de Pontarlier. Ils représentaient alors 13,4 % du nombre total d’étrangers alors que cette moyenne est de 5,6 % sur l’ensemble du département, comme le montre dans son mémoire de maîtrise Nicolas Abraham, actuellement profes- seur d’histoire-géographie au col- lège Aigremont de Roulans. Les Italiens se trouvaient alors prin- cipalement dans les centres urbains attractifs de la région, c’est-à-dire Morteau et Pontar- lier. Plusieurs facteurs peuvent expli- rences en italien à l’université de Franche- Comté. Besançon aus- si a attiré aussi de nom- breux migrants. Les quartiers de la Made-

quer cette migration vers les hauteurs du département. Tout d’abord, les migrants sont arri- vés par le Sud du département, plus proche de leur terre nata- le. Cela explique la forte concen- tration d’Italiens dans les envi- rons de Pontarlier. De plus, on estime que dans l’entre-deux- guerres, 5 à 10 % des migrants italiens seraient venus par la Suisse. Les cantons frontaliers de Morteau et de Pontarlier auraient alors pu accueillir cet- te immigration de proximité. Comme sur le plan national, les partants étaient principalement originaires de la moitié Nord de l’Italie, d’abord la Lombardie ou le Piémont, puis l’Émilie- Romagne ou les Marches. Sou- vent exilés pour des raisons éco- nomiques, les immigrés choi- sissaient un lieu attractif en lageoise. Par exemple celle des Locatelli, fortement représen- tée dans la région a été active depuis la fin du XIX ème siècle jus- qu’aux années 1960” explique M. Spagnoli. La provenance déterminait alors souvent le métier des entrants. Par exemple, les migrants venus de la province de Bergame étaient plutôt des bûcherons. “Mais ce sont bien les maçons qui étaient les plus nombreux. D’ailleurs, beaucoup des entreprises de bâti- ment ont encore un nom italien” illustre le Maître de conférences. Avec ces réseaux, la population italienne s’accumulait dans cer- taines habitations. Ainsi, à Pon- tarlier, la rue des Lavaux était surnommée “le boulevard des Italiens” ou même de façon moqueuse “la rue des macaro- nis”. T.M. termes d’emploi mais aussi un secteur où vivent des connais- sances. “Leur venue s’organisait alors en filière, familiale ou vil-

Beaucoup de bûcherons italiens.

À contre-sens Bien que des associations fascistes, des Fasci aient existé dans les principales villes du département, leur emprise nʼa pas été totale comme elle le fut de lʼautre côté des Alpes. “Les migrants étaient pour la plupart apolitiques, plutôt préoccupés par leur emploi” explique M. Spagnoli, spécialiste de lʼimmigration ita- lienne dans la région. Et ce sont même les antifascistes qui ont pris la main dans la région. En 1938 et 1940, des manifes- tations contre les fascistes mêlant Italiens et Français se sont déroulées dans les rues de Besançon et Pontarlier.

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