Journal C'est à Dire 163 - Février 2011

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V A L D E M O R T E A U

Tenter d’effacer l’ineffaçable Le geste criminel a été commis à plusieurs reprises alors qu’elle n’avait pas sept ans. Aujourd’hui, Julie* tente d’effacer les traces indélébiles que lui a infli- gées l’homme qui a violé son enfance. Témoignage

En bref…

Accordéon Le Lions Club Loue & Plateau organise un gala dʼaccordéon avec Émile Péquignet, Pascal Bouvier, Benoît Chabod, Chris- tophe Girard, Daniel Girard, accompagnés de Dédé Hawryl- ko et des frères Royet same- di 5 mars à partir de 20 heures au gymnase de Vercel au pro- fit de la Ligue contre le can- cer. Renseignements et réser- vations au 03 81 56 00 77 ou 03 81 56 10 47. Dîner dansant : 30 euros par personne. A.D.M.R. Les 10, 11 et 12 mars, les sala- riés et bénévoles de lʼA.D.M.R. organisent leurs traditionnelles ventes de fleurs. Les dons per- mettent de maintenir le lien social avec les personnes fra- gilisées ou isolées en orga- nisant des moments de convi- vialité. Renseignements : Jean- Marc Lerat, bénévole A.D.M.R. du Russey au 03 81 68 94 59. Théâtre LʼAssociation La Boîte à Cas- Choux, troupe théâtrale dʼOrchamps-Vennes, présen- te son nouveau spectacle à partir du vendredi 4 mars jus- quʼau 2 avril à Orchamps- Vennes et en “tournée” les 9, 15 et 16 avril (Charmoille, Pon- tarlier-Blier et Morteau). Rens.au 06 70 79 60 65.

U n hangar sur les hauteursd’une com- mune du Haut- Doubs,l’étonnement d’un geste inhabi- tuel, puis la douleur. Physique d’abord. Morale ensuite et pour longtemps. Julie n’avait pas sept ans quand un homme l’a violée. Cet homme, comble du sordide, n’est autre que son beau-frère dont l’ombre hante encore les souvenirs de la femme aujourd’hui âgée de 49 ans. glanté, enfoui dans un placard, et puis s’est tue. Aujourd’hui, c’est plus fort qu’elle, les souve- nirs qu’elle a gardé au plus pro- fond d’elle, inexorablement, remontent à la surface. Ils seront ancrés à jamais dans la tête de Julie. C’est même maintenant qu’ils ressurgissent plus douloureusement encore. “Ma mère est décédée il y a quelques mois. Depuis, ces sou- La petite fille de six ans et demi n’a eu d’autre réflexe que de cacher ce qui avait été ensan-

venirs-là remontent à la surfa- ce, comme si c’était arrivé hier. C’est très difficile” avoue-t-elle. Si elle se décide aujourd’hui à parler, ce n’est pas parce qu’elle attend que justice soit faite. Car plus de quarante ans après les faits, il y a prescription : c’est- à-dire que porter plainte ne ser- vira plus à rien, les faits sont oubliés aux yeux de la justice, comme s’il ne s’était rien passé. Le droit français est ainsi fait : suite n’est plus possible. Non, si elle se décide à briser le silence, c’est pour qu’au moins, celui qui a foudroyé sa jeunes- se se reconnaisse et prenne la mesure de ses actes abominables qui se sont répétés plusieurs fois dans l’enfance de Julie, sans que jamais la fillette n’ait eu le cou- rage de dénoncer son bourreau. “Pendant les petites vacances où j’allais dormir chez eux, il venait la victime d’un viol dis- pose d’une durée de 10 ans pour porter plain- te. Au-delà, il y a pres- cription et aucune pour-

En France, on estime à 250 000 le nombre de viols tous les ans.

15 ans. La vie de Julie a été jalonnée de malheurs. “J’aimerais bien arriver à oublier car tout ça s’en ressent dans ma vie familiale. J’ai envie d’avancer” dit-elle, consciente qu’avec un tel fardeau il devient beaucoup plus difficile de che- miner. Si Julie parle aujourd’hui, c’est peut-être aussi pour toutes ces femmes qui, victimes de vio- lences sexuelles, n’osent pas bri- ser le tabou du silence, de peur des représailles. Le 8 mars, c’est la journée internationale de la femme. Juste pour rappeler qu’en France, au moins 2 mil- lions de femmes sont victimes de violences, 400 meurent sous

les coups de leur conjoint chaque année, soit plus d’une femme par jour, et combien d’autres sont violées en toute impunité ? On estime à au moins 25 000 les cas de viols en France chaque année. Mais à peine plus de 8 000 sont recensés “officielle- ment”, soit une femme violée toutes les deux heures. Entre les statistiques officielles et froides et la réalité subie, il y a la douleur de milliers de femmes dont Julie, mère de famille du Haut-Doubs, est aujourd’hui le porte-parole poi- gnant. J.-F.H.

me retrouver dans mon lit au moment où ma sœur partait tra- vailler… Il me disait : “Il ne vaut mieux pas en parler à tes parents, ni à ta sœur” … J’avais mal, et peur… Ce type a bousillé ma vie.” Puis la vie a continué comme s’il ne s’était rien passé. Depuis, Julie a tenté de construire sa vie, avec un premier homme d’abord, dont elle aura une fille. Mais la jeune femme avait à pei- ne 26 ans quand elle a perdu ce premier conjoint, mort d’un can- cer. Alors elle a tenté de se reconstruire à nouveau une vie avec ce mari qu’elle a épousé plus récemment et dont elle a eu un garçon aujourd’hui âgé de

“Ce type a bousillé ma vie.”

* Le prénom a été changé

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