Journal C'est à Dire 162 - Janvier 2011

16

D O S S I E R

Morteau La Grande Fabrique

a libéré l’initiative horlogère Inaugurée en 1881 rue Pasteur à Morteau, la Grande Fabrique a rapidement connu des difficultés financières malgré son organisation innovante, sa moder- nité et la qualité de ses montres. Mais la méthode a inspiré d’autres entre- preneurs qui ont façonné le paysage horloger local.

L e destin horloger de Mor- teau est intimement lié à celui de la Grande Fabrique. Cette usine créée en 1881, qui a employé jus- qu’à 1 000 ouvriers quatre ans plus tard, a fait passer l’horlogerie locale d’un stade artisanal à une

aventure industrielle.Àune époque où la production de pièces pro- venait surtout de petits ateliers d’horlogerie indépendants, pour la première fois à Morteau, venaient d’être regroupées sous unmême toit, “toutes les parties de la fabrication d’une montre

afin de standardiser les pièces détachées et abaisser les coûts” écrit Henri Leiser, dans un livre intitulé “Morteau et environs d’hier à aujourd’hui” (édition Presses du Belvédère). Une manufacture d’horlogerie méca- nique était née. La Grande Fabrique est le fruit de la détermination d’un hom- me, Barthélémy (alias Élie) Bel- zon, qui avec son jeune frère François concrétisa ce projet industriel dans le lequel il engloutira toute sa fortune. L’entrepreneur a d’abord acquis en 1880 les terrains de la gran- de corvée (actuelle rue Pasteur) pour construire cette imposan- te usine, ainsi que des logements pour héberger les cadres et les ouvriers. Mais rapidement, Barthélémy Belzon fut confronté à des dif- ficultés financières qui l’ont conduit à céder les droits de l’usine et des terrains à “Zivy, Schwoob et Block de La Chaux- de-Fonds et de New-York. Ceux- ci revendent la même année à Davoust, horloger à Paris. Puis c’est Ch. de Bois Lucy qui en est propriétaire en 1884” indique

La grande fabrique a employé près de 1 000 personnes au plus fort de son activité.

Henri Leiser dans cet ouvra- ge. En 1885, la Grande Fabrique prendra même le nom de la Société Française d’Horlogerie. C’est à cette même époque qu’elle reçoit la visite d’un journaliste de l’Illustration qui dans un article décrit sa visite dans une

la direction de Bernard Hass Jeune, un brillant ingénieur qui va l’exploiter jusqu’en 1894 sous le nom de Société de l’Usine d’Horlogerie de Morteau. Rui- né, Élie Belzon quitte l’entreprise pour Paris. “Son frère François s’installe à Bavilliers près de

sements importants. En revanche, ce qui est sûr, c’est que cette expérience industrielle a libéré les initiatives dans le Val de Morteau. L’entreprise abritait tous les corps de métiers “jusqu’à la fabrique de carton par Fritz Psaher” qui deviendra un cartonnier de référence sur plusieurs générations. La Gran- de Fabrique a donc fait naître d’autres entreprises familiales. “Cette société horlogère employait beaucoup de monde explique Henri Leiser. Beaucoup ont appris un métier et se sont ins- tallés à leur compte. Certains se sont lancés dans la fabrique d’ébauches comme Parrenin à Villers-le-Lac, d’autres se sont spécialisés dans la fabrication d’aiguilles, de cadrans ou de boîtes. En cascade, Belzon a essai- mé sur toute la région.”

trentaine d’ateliers depuis la création d’ébauches “jusqu’à la fabrication des boîtes, de la gravure, du dora-

Belfort où il crée une fabrique de petits moteurs électriques. Il meurt en 1926” annon- ce l’historien du Val de

“Belzon a essaimé sur

toute la région.”

ge et du nickelage.” L’entreprise est moderne, bien outillée, “l’éclairage se fait par l’électricité et les bureaux sont tous reliés par téléphone à celui du direc- teur.” La Société Française d’Horlogerie fabrique alors entre 300 et 500 montres de poche par jour. Elles étaient vendues 20 F la pièce. En 1890, l’entreprise passe sous

Morteau. Au début du siècle, la Grande Fabrique passe sous le contrôle de J. Simon qui fini- ra par liquider l’entreprise à l’entre-deux-guerres. C’est moins un problème de qua- lité de produit que des difficul- tés commerciales qui ont conduit la Grande Fabrique à sa per- te. Le projet était sans doute trop ambitieux et les investis-

En 1886, Barthélémy Belzon dépose même le brevet de sa montre à Londres.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker