Journal C'est à Dire 161 - Décembre 2010

D O S S I E R

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Société Quand tout est plus cher, les précaires galèrent La proximité de la Suisse aurait tendance à nous faire oublier que dans le Haut-Doubs, tous les habitants n’ont pas des niveaux de revenus qui leur permettent d’accéder facilement à la propriété ou de vivre dignement sans soucis d’argent. Ce territoire, privilégié - tant mieux finalement - a aussi un autre visage, celui de la préca- rité. Résumer ses contours aux quelques sans domiciles fixes présents dans le Haut-Doubs est un raccourci trop rapide. Ceux qui sont dans la précarité sont beaucoup plus nombreux qu’il n’y paraît. Les travailleurs pauvres en font partie. Ce sont des hommes et des femmes qui ont un travail, mais dont le niveau de revenu est infé- rieur à 1 000 euros par mois. Comment joindre les deux bouts dans un Haut-Doubs où tout est plus cher, à com- mencer par les loyers ? Ces personnes-là subissent le revers de l’effet frontière suisse, moins doré celui-là. PRÉCARITÉ, l’autre visage du Haut-Doubs

D es commerces, peu d’usines. Belles maisons, belles voi- tures. Caricature ou réa- lité ? Sans doute un peu des deux. Les personnes étrangères auHaut- Doubsquiledécouvrentpourla pre- mière foissontsurprisesparletrain deviedeceterritoire.Leurs impres- sions s’arrêtentsurcessignes exté- rieurs de prospérité qui leur donne lamesure de l’effet frontière. En Franche-Comté, 15 000 per- sonnes travaillent en Suisse. Près de la moitié sont installées dans le Haut-Doubs. Ce n’est pas un scoop , le taux de change est favo- rable aux frontaliers qui ont vu grâce à cela leur salaire pro- gresser de 12 % en moyenne ces derniers mois. À niveau de qua- lification égal, les revenus font apparaître d’importants écarts suivant que l’on travaille en Fran- ce ou en Suisse. Le Haut-Doubs est marqué par le rythme de la consommation qui suit finale- ment le pouvoir d’achat de ceux qui l’habitent. Dans le départe- ment, c’est à Morteau que les accédants à la propriété sont les plus jeunes. 33 % ont moins de 30 ans. Ils sont 28 % dans la zone Il faut gratter un peu l’image dorée du Haut- Doubs pour découvrir une autre réalité : celle des travailleurs pauvres et des précaires.

Répartition des travailleurs pauvres par tranche d’âge en Franche-Comté Source I.N.S.E.E.

urbaine de Pontarlier et 23 % dans le secteur du Mont d’Or et des deux Lac contre 16 % à Montbéliard apprend-on dans l’étude des notaires sur l’observatoire des marchés de l’immobilier publiée en sep- tembre 2010 (voir en page 8). La bande frontalière s’est taillé une réputation d’eldorado au- delà de ses frontières.Tant mieux après tout si l’on vit bien ici, même si l’on peut regretter que cette richesse ne soit pas liée directement à l’activité écono- mique propre au Haut-Doubs mais à l’essor de la Suisse qui a des besoins en main-d’œuvre. Cette réalité aux contours dorés en éclipse une autre, celle de la pauvreté, moins prégnante ici qu’en Franche-Comté, mais elle existe sous toutes ses formes. Le Haut-Doubs a aussi ses sans domiciles fixes et ses travailleurs pauvres. Une étude de l’I.N.S.E.E. fait apparaître que dans la région, 30 000 travailleurs sont pauvres (soit 8 % des salariés contre 7 % à l’échelle du territoire national). Cela signifie que le revenu lié à leur métier est inférieur au seuil de pauvreté estimé à 880 euros pour une personne seu- le, et 1 900 euros pour une famil- le avec deux enfants. Contrats précaires, faibles volumes

d’heures, alternance avec des périodes de chômage, la pauvreté laborieuse frappe tous les âges, les 30-39 ans (23 %) comme les 50-65 ans (26 %). L’I.N.S.E.E. rapporte également qu’une femme travailleuse pauvre sur deux occupe un emploi à temps partiel. “Pour les femmes, le pic de pauvreté laborieuse est observé entre 40 et 49 ans. C’est également dans cette tranche d’âge que la monoparentalité devient plus fréquente. Les personnes n’apportant pas de ressources financières, tels les enfants, sont à la charge d’un seul revenu” écrit l’I.N.S.E.E. 65 % des hommes tra- vailleurs pauvres vivent en couple. La monoparentalité concerne aussi de plus en plus les hommes. S’il n’existe pas de statistiques précises sur le Haut-Doubs, il semblerait une fois encore que la pauvreté soit moins marquée que dans d’autres territoires. Mais les ménages qui y sont confrontés la vivent plus forte- ment. Eux subissent le côté néfas- te de la proximité de la Suisse. Comment boucler un budget en gagnant moins de 1 000 euros par mois dans un Haut-Doubs où tout est plus cher, à commencer par les loyers ? C’est l’autre consé- quence de l’effet frontière. T.C.

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