Journal C'est à Dire 160 - Novembre 2010

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D O S S I E R

Le grand témoin

Le Saugeais expose ses Arçon L’ an dernier, la première version intercommunale duTéléthon sau- get organisée à La Longeville avait obtenu un franc succès aussi bien Le village Téléthon du canton de Montbenoît associe cette année les communes d’Arçon et de Bugny. Tout le pays sau- get se donne rendez-vous au stade de biathlon. Événement fédérateur. Le programme complet. sur le plan populaire que financier. Près de 34 000 euros avaient été reversés à l’A.F.M.

Bernard Barataud : retour aux sources du Téléthon Installé aujourd’hui dans le Périgord, l’ancien prési- dent de l’A.F.M. sera présent au Téléthon cette année, à Arçon. Car c’est ici qu’est née dans la douleur et la solidarité l’idée même du Téléthon. Témoignage.

C’ est à dire : Pour- quoi cet attache- ment particulier à Arçon ? Bernard Barataud : Je suis venu en 1972 dans le Haut-Doubs rejoindre mon épouse qui ensei- gnait depuis trois ans la comp- tabilité au lycée horloger de Mor- teau. On s’est installé au départ à Grand’Combe-Châteleu, puis à Morteau avant de partir à Pon- tarlier où j’étais dessinateur au service technique E.D.F. En 1973 tombe le diagnostic de myopa- thie sur notre fils âgé de 4 ans. La paralysie annoncée nous conduit à bâtir à la Chaux d’Arçon une maison adaptée. Nous aurions aimé y rester.

bat contre la maladie ? B.B. : C’est d’abord la rage d’un père qui refuse de perdre son fils. Je n’avais pas besoin d’aide sociale mais d’un médicament. C’est la découverte de la soli- tude : recherche médicale quasi inexistante, aucun traitement efficace, maladie inconnue des médecins. La voie était claire : contacter des familles, des sem- blables, collecter de l’argent, se rapprocher des associations spé- cialisées, des hôpitaux et labo- ratoires. Il fallait quitter Arçon, un pays superbe, des gens for- midables et aller au-devant de l’espoir. Tenter d’échapper à la fatalité. Càd : Vous avez conservé de solides amitiés dans le Haut-

Le Téléthon 2010 Arçon-Bugny est placé sous le signe de la nature, du sport et de la convivialité… saugette bien entendu.

Càd : C’est le début du com-

Doubs ? B.B. : L’idée de réunir les asso- ciations de myopathes en une seule entité est née dans le Haut- Doubs. Une mise à plat s’imposait pour aboutir à un projet com- mun et bicéphale comprenant un volet médico-social et l’autre scientifique. J’ai reçu plein d’aides en Franche-Comté. Les premières furent celles du Lions Club, des familles Maréchal, Saillard, des collègues d’E.D.F., des religieux… Je n’oublie pas ces mains ten- dues. Les journaux de l’époque diffuseront des appels, des infor- mations. Mais c’est insuffisant et je devais témoigner dans des réunions, des salles municipales, paroissiales. Un parcours asso- ciatif épuisant qui ne prendra fin qu’avec ma démission en 2001. Petit à petit le temps fami- lial se réduit, les absences sont de plus en plus fréquentes : le sort de l’enfant malade absorbe toute l’énergie. Le premier adhérent de l’union des myopathes de Franche-Com- té (U.M.F.) est Maurice, le mar- chand de vin d’Arc-sous-Cicon pour sa petite fille Judith. L’U.M.F. est lancée : 8 familles puis bientôt une centaine. Nous nouons enfin des liens étroits avec le service de pédiatrie et de génétique de l’hôpital de Besan- çon. Sur ce chemin de souf- frances, nous avons rencontré beaucoup d’amitié, de solidari- té, de compassion. Càd : Ce retour cette année à Arçon sonne comme un vrai pèlerinage ? B.B. : J’ai plein de copains à Arçon, à la Chaux d’Arçon. J’ai même été fait citoyen de la Répu- blique du Saugeais. Pour nous, Arçon reste marqué par le dra-

me mais il symbolise aussi toutes les solidarités qui se sont mises en place autour de notre com- bat. Je reviens pour le Téléthon, j’ai besoin de revoir ces visages, d’entendre ces voix. De leur dire que je n’ai rien oublié et que c’est grâce à eux que l’espoir est pré- sent désormais. Ce n’est pas au titre de l’organisation : de ce côté, la page est tournée. Càd : Peut-on revenir sur la naissance du Téléthon ? B.B. : Après le décès de mon fils en 1986, j’ai voulu tout arrêter. Ma fille est transmettrice de la myopathie sans en être attein- te. Pour elle, j’ai poursuivi mon engagement après un long pas- dé à un père particulièrement doué, Pierre Birambeau, d’assister à cette émission à Las Vegas. Il a fallu ensuite convaincre la télévision fran- çaise. Un long travail de per- suasion avant le lancement de la version française en décembre 1987 sous la signatu- re de Jean-Marie Cavada. Càd : Pensez-vous vraiment que le Téléthon parasite la générosité des Français com- me certains le dénoncent ? B.B. : Le Téléthon a développé les dons en France, c’est prouvé. Et ce n’est pas parce qu’un mil- liardaire qui a réussi dans la vie n’arrive pas à développer une association qu’il a le droit de s’en prendre à une organisation de malades. En vociférant des sage à vide. À l’époque, on parlait déjà depuis longtemps de créer un événement inspiré du Téléthon américain organisé par l’acteur Jerry Lewis. J’ai deman-

erreurs… à moins que ce ne soit des mensonges volontaires. Avec sa fortune personnelle et ses rela- tions, il devrait pouvoir offrir l’équivalent d’un Téléthon à l’organisation qu’il croit servir : c’est ce que j’ai fait dans mes débuts et cela me fut certaine- ment plus difficile que cela ne le serait pour lui. Et puis le Télé- thon a permis de construire le Généthon et d’offrir au monde entier la première carte du géno- me humain, de développer la génétique médicale et d’aider plus d’une centaine de maladies rares. Nous ne sommes pas des dis- tributeurs de billets, mais des acteurs. J’ai démissionné de pie génique sur l’homme. J’attends désormais les résul- tats des essais humains. Pour conclure sur les critiques, la recherche scientifique nécessite une ouverture sur le dévelop- pement des technologies et les sujets présentant des similitudes. Réduire le débat à la collecte de fonds est une médiocrité doublée d’incompétence. Càd : Vous n’auriez plus envie de revivre dans le Haut- Doubs ? B.B. : Si bien sûr, j’ai la nos- talgie. Je reviens régulièrement. Mais l’âge venant, je suis tenté par les hivers plus doux et les printemps précoces. Vivement l’autoroute Sarlat-la Chaux d’Arçon ! Propos recueillis par F.C. l’A.F.M. en 2001. J’ai conservé la présidence du laboratoire Géné- thon jusqu’en 2008 le temps de prendre le virage des premiers programmes de théra-

“Beaucoup de compagnons de route dans le Haut-Doubs.”

Pierre Barataud a commencé sa croisade à Arçon où il a résidé jusqu’en 1980.

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