Journal C'est à Dire 156 - Juin 2010

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P L A T E A U D E M A Î C H E

Environnement

De Grand’Combe-des-Bois à Sainte-Ursanne en Suisse, truites et ombres meurent. Les premiers diagnostics sont connus mais pas d’interdiction de consommation de poissons. Colère des pêcheurs. Le Doubs, seul dans sa pollution

B eaucoup d’élus, d’écologistes et de politiques au chevet de La Loue mais très peu de monde au che- vet du Doubs. Voilà en substan- ce le cri d’alarme de quelques pêcheurs trempant le nylon dans les secteurs de Grand’Combe-des-Bois, Biaufond, la Gou- le, Goumois et Sainte-Ursanne, soit une distance d’environ 35 km. Comme Guy Chabeuf, domicilié au Bizot, ils sont quelques pêcheurs à s’inquiéter que la préfecture ne prenne pas la mesure de la pollution qui se trame depuis le 2 mai, date teau : “Mais le garde venu l’examiner l’a immédiatement mise à la poubelle disant qu’il était au courant, qu’il n’y avait rien à faire” déclare ce dernier, qui n’a pas bien compris que la France ne s’inquiète pas de l’état du Doubs alors que nos voisins suisses se montrent “plus inquiets.” Il n’empêche, si les Suisses ont diagnostiqué le problème, ils en sont arrivés à la même conclusion que les Français : la mortalité des poissons est due à “plusieurs facteurs (rejet de l’agriculture, basses eaux…)” Christian Triboulet, président de la Fran- co-Suisse, a demandé aux élus des deux pays des premiers poissons morts retrou- vés par la société de pêche “La Gau- le” et par l’A.A.P.P.M.A. “la Trui- te de Grand’Combe-des-Bois”. Guy Chabeuf a récupéré une truite (de 50 cm) morte et l’a remise aumaga- sin de Pêche le Sauvaginier à Mor-

de réfléchir aux enjeux écologiques du Doubs mais personne en France “ne m’a répon- du, déplore-t-il. J’ai juste eu juste la D.D.T. concernant les précautions d’usage à prendre. Les Suisses m’ont répondu… mais ce sont des réponses de courtoisie. Rien de concret !” Les élus du Haut-Doubs (J.-F. Humbert, M. Bonnot, J. Parrenin) et les maires des communes riveraines du Doubs ont été aler- tés car “il ne faut pas se focaliser unique- ment sur la Loue mais sur toutes les rivières. Pour l’heure, j’estime qu’il n’y a pas de réflexion entre France et Suisse” conclut amer le pré- sident de la Franco-Suisse qui tente d’alerter. rel aquatique. Le quotidien suisse “L’Impartial” s’est procuré les résultats du laboratoire de Berne. Les spécialistes font état “d’une infection sévère de la peau et des branchies par des champignons” mais ne semblent pas avoir fait de mesures de cya- nobactéries. Les maladies fongiques se déve- loppent généralement suite à une détério- ration temporaire des conditions du milieu qui affaiblit ou provoque des lésions aux poissons. Le facteur responsable de telles perturbations n’est pour l’heure pas connu. “On sait que c’est la qualité de l’eau qui est en cause” pense Thomas Perrine, garde- Les premiers résultats d’analyses (menées par les services du Jura suisse) indiquent une maladie fongique en lien probable avec une détérioration du milieu natu-

pêche. À l’instar de La Loue, il y aurait bien une présence de cyanobactéries mais à l’inverse de la rivière de Courbet, aucune décision préfectorale n’a été prise. Pas d’interdiction de consommation de poisson et encore moins de conseils visant à la limiter la baignade ou l’abreuvage du bétail ! Aujourd’hui, les secteurs réputés de Gou- mois doivent faire face à un afflux de pêcheurs venus de la Loue. Une pression de pêche supplémentaire qui stresse - un peu plus - des poissons déjà malades. Le Doubs n’a pas plus la pêche. E.Ch. Environ “10 % de perte de poissons sur Goumois” estime le président de la Franco-Suisse Christian Triboulet. Les pêcheurs sont toujours là.

“Une infection sévère de la peau et des branchies.”

Échange d’informations

Il introduit le principe de l’échange d’informations entre France et Suis- se en cas d’événements susceptibles de porter préjudice aux milieux aquatiques. Claude Jeannerot demande “la plus grande transparence.” L’article 10 de l’Accord international oublié

mutuellement a-t-il été respecté ? Cette question, Christian Tribou- let l’a posée aux Suisses et aux Français. Érich Staub, président de l’office fédéral de l’environnement (O.F.E.V.) lui a répondu : “Les auto- rités compétentes, aussi bien fran- çaises que suisses, ont bien procé- dé à un échange systématique d’informations disponibles. Des investigations poussées sur l’analyse de la qualité physico-chimique ont été faites des deux côtés de fron- tière” , dit-il. S’il y a bien eu échange d’informations, la partie suisse conclut “que la mise en œuvre de mesures ciblées de protection du poisson ou l’élaboration d’une quel- conque directive précise s’avèrent difficiles.” En clair : il y a bien des résultats mais aucune solution. Pas de quoi rendre optimiste quant à une future décision permettant de sauver le Doubs. E.Ch.

Zoom Après “Monsieur Loue”, un “Monsieur Doubs” ?

à Ornans, mettra ses com- pétences à disposition à la population et aux touristes en ouvrant un portail Inter- net. La fédération de pêche apportera ses compétences mais déplore que lʼÉtat veuille lui facturer les interventions de lʼOffice national de lʼeau et des milieux aquatiques (O.N.E.M.A.). La Région sen- sibilisera au fait de “moins désherber.” Elle propose ses diagnostics-rejets aux entre- prises et prévoit un inven- taire pour les scieries. Le Conseil général se veut chef dʼorchestre pour la Loue mais nʼa rien officialisé pour le Doubs.

“P our l’instant,je ne peux pas vous dire si cet accord est respectécarjen’aipastoutes les données mais je demande la plus grande transparence.” Le président du Conseil général du Doubs Clau- de Jeannerot se montre prudent quant à la question de savoir si l’article 10 de l’Accord interna- tional est respecté ou non. Il ne croit pas à la rétention d’informations entre France et Suis- se concernant les résultats d’analyse. Selon lui, les instances ne se focalisent pas uniquement sur la Loue : “Nous pensons éga- lement au Dessoubre, au Doubs. Vous savez, je réfléchis en terme de bassin-versant. Les limitations d’épandage auront un impact sur le Doubs.”. La France a réalisé des contrôles sur le dénombrement des

cyanobactéries au niveau de Gou- mois. Les résultats révélés par l’ingénieur en hydrobiologie Phi- lippe Cambrouze, de la société S.A. Aqua Gestion, ont dénombré une concentration cellulaire totale en cyanobactéries de 6 482 cellules/ml (plus faible que la Loue). Problè- me : l’échantillon prélevé le 31 mai le fut à un moment où le débit de l’eau était élevé. Le résultat ne serait donc pas représentatif. Côté suisse, des analyses ont éga- lement été menées (lire plus haut) mais il semblerait que les “pro- duits” recherchés ne soient pas les mêmes que dans l’Hexagone. La question est de savoir si les ana- lyses ont bien été communiquées entre les deux pays. En clair, l’article 10 de l’Accord international qui charge les autorités de s’informer

L a Loue a deux méde- cins : le Conseil géné- ral et le syndicat mixte de la Loue qui ont décidé de “mettre le turbo” en annon- çant des remèdes pour contrecarrer la maladie. Il y a la démolition prévue de 50 barrages entre Rennes-sur- Loue et Ornans, lʼinventaire des zones humides du sec- teur, le “renforcement” de lʼimplication de lʼAgence de lʼeau ainsi que le syndicat

qui vérifiera la mise aux normes des bâtiments et plans dʼépandage. Il dési- gnera un de ses membres pour coordonner ses actions avec la chambre dʼagriculture qui va embaucher un “Mon- sieur Loue”. La Chambre de commerce et dʼindustrie analysera toutes les données existantes sur les toxiques pour les repé- rer. La Maison nationale de lʼeau et de la pêche, basée

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