Journal C'est à Dire 153 - Mars 2010

L A P A G E D U F R O N T A L I E R

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Suisses sur le pied de guerre De 18 à 34 ans, les Helvètes ont leur fusil d’assaut rangé dans un coin de leur maison. Une coutume en passe d’évoluer, même si nos voisins ont visi- blement des difficultés à se séparer de leur arme. Réforme de l’armée suisse Zoom Combien d’armes en Suisses ?

G aël Aubry est un de ces jeunes Suisses retenus sous les drapeaux. Il vient d’avoir 28 ans et réside sur les hauteurs de La

“que posséder l’arme dans sa maison est une coutume, une question d’éducation aussi. Les dʼordonnance et plus de 70 000 pistolets détenus par des militaires licenciés à lʼissue de leur service (ce chiffre ne vaut que pour les dix dernières années). I l y aurait 350 000 armes stockées dans les ménages suisses dont 230 000 fusils dʼassaut déte- nus par des militaires actifs, 51 600 pistolets

Dans le canton de Neuchâtel, les militaires âgés entre 18 et 34 ans peuvent depuis le 1 er janvier déposer gratuitement leur arme personnelle “auprès

d’un poste de réta- blissement.” “Six sol- dats sont venus la déposer depuis jan- vier” calcule Jean- François Staehli, chef

Chaux-de-Fonds dans un coquet appartement. Il est papa d’un petit Théo et comme tous ses compatriotes, il pos- sède dans sa maison

“Une arme mais plus de munitions.”

de service et commandant d’arrondissement du service de la sécurité civile et militaire du canton de Neuchâtel. Un chiffre anecdotique… preuve que les militaires (environ 170 000 dans le canton) sont attachés à leur fusil. Le commandant explique

son fusil d’assaut “Fass 90”, sa baïonnette, son casque, ses ran- gers, sa veste militaire…Héber- ger sous son toit un tel arsenal est une coutume purement hel- vétique inconcevable en France (1). Cette dernière est en passe d’évoluer.

Comme Gaël Aubry, tous les Suisses âgés de 18 à 34 ans possèdent leur arme de guerre. Ils sont mobilisables en moins de 24 heures.

Lentement mais sûrement, ce pays neutre armé jusqu’aux dents se désarme et l’armée est en passe de se professionnali- ser. Pour Gaël Aubry qui a bien vou- lu nous ouvrir les portes de sa demeure, “la quille” n’est plus très loin : “Il me reste 24 jours de service (N.D.L.R. : il y en a 260 à faire) et après je serai en réserve. Je n’aurai plus que quelques tirs à faire” dit-il. L’armée, il l’a fait par devoir plus que par amour. “Quitter son travail, sa famille, ce n’est pas simple mais j’ai appris l’esprit de camaraderie” explique le Chaux-de-Fonnier qui a fait son école de réserve à Zurich. Pour effectuer leur service, les hommes interrompent leur tra- vail. Durant cette période,

l’employé est payé entre 80 % et 100 % de son salaire régulier par son employeur grâce à un système d’allocations pour per- te de gain (caisse de compen- sation). Ingénieur dans la vie civile, c’est “sans pincement au cœur” que Gaël se séparera de son fusil d’assaut. Son fils échap- pera-t-il à la coutume ? (1) : La réglementation en Fran- ce en termes d’acquisition d’armes à feu varie en fonction de la catégorie de l’arme (de 1 à 8). Il faut obtenir un permis de port d’arme délivré par une lettre d’approbation de la fédération française de tir ou être titulai- re d’un permis de chasse. E.Ch.

Suisses ont l’âme de la res- ponsabilité.” Rappelons qu’ils ne possèdent plus de munitions en raison de certaines dérives que le pays a connues lesquelles étaient rangées dans une boîte de conserve à n’ouvrir qu’en cas de déclaration de guerre. On se souvient du drame “Rey-Bel- let” qui avait ouvert la voie à une prise de conscience collec- tive. C’est en effet avec son pis- tolet 75 de capitaine de l’armée suisse que le banquier Gérold Stalder avait froidement abat- tu son épouse, la championne de ski Corinne Rey-Bellet et son frère Alain. Ce genre de dérive est rare mais anime le débat. Les Suisses allemands seraient encore plus attachés à leur arme que les Romands.

Théo n’a pas l’habitude de voir son papa enfiler ses vêtements de guerre.

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