Journal C'est à Dire 152 - Février 2010

P O L I T I Q U E

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Le mystère Humbert demeure Un faux prétexte ? Les raisons de son retrait de la course aux régio- nales sont confuses. Jean-François Humbert n’était pas prêt, malgré une liste quasiment bouclée. Il a manqué son coup de poker.

L e camp d’Alain Joyandet n’a plus à redouter la candidature de Jean-FrançoisHumbert.Le séna- teur U.M.P. a fini par jeter l’éponge dans la course aux régionales. Le 12 février, sur son blog, il a annoncé qu’il renonçait à présenter une liste “libre et indépendante”. Celui qui était entré en dissidence avec sa propre famille poli- tique il y a quelques mois fait machine arrière. Néanmoins, sa candidature a

ce soit favorable à Alain Joyandet. Actuellement, la politique de Nicolas Sarkozy soulève le mécontentement qui risque de se mesurer dans les urnes. Alain Joyandet présente une liste d’élite présidentielle avec en tête les parle- mentaires. Maintenant que Jean-Fran- çois Humbert n’est plus dans la cour- se, les mécontents n’ont plus d’alternative à droite vers laquelle ils pourront se retourner. Or, dans l’hypothèse où le

semé le trouble à droite. Ce que redoutait l’U.M.P. c’est que Jean- François Humbert aille au bout de son projet. Il était crédité par les partisans d’Alain Joyandet de 5 à 7 % des voix ! En se retirant, il laisse les cou- dées franches à ce dernier pour

sénateur était allé au bout de son projet, j’aurais œuvré pour qu’au second tour il y ait un rapprochement entre ces deux hommes” explique l’élu. L’épilogue de l’histoire déçoit Yannick Dessent, persuadé que Jean-François Humbert aurait

Jean-François Humbert avait une revanche à prendre. Cela faisait six ans qu’il y pensait.

“C’est quelqu’un de très mystérieux.”

Une analyse que tout le monde ne par- tage pas à l’U.M.P. “C’est un faux pré- texte. Je crois surtout que Jean-Fran- çois Humbert a eu du mal à boucler sa liste. Il a demandé à beaucoup de per- sonnes qui ont toutes dit non. Ce n’était surtout pas inscrit d’avance qu’il par- vienne à la faire” estime une élue U.M.P. selon laquelle, le programme de Jean- François Humbert n’était pas construit. “Il n’était pas prêt. Il a fait un coup de poker et ça n’a pas marché. Il serait préférable qu’il sorte de cette histoire

bert ne dit rien de ses ambitions élec- torales futures. “C’est quelqu’un de très mystérieux, il faut le prendre comme cela.” D’autres observateurs enfin affirment que si Jean-François Humbert a fina- lement renoncé, c’est uniquement à cause d’une question financière. Trop grand aurait été pour lui le risque de ne pas atteindre les 5 % et donc de ne pas être remboursé de ses frais de campagne. T.C.

avec panache en se consacrant à sa mis- sion de sénateur.” Jean-François Humbert se serait entê- té selon d’autres élus. Il n’aurait jamais digéré d’avoir perdu la Région en 2004, désarçonné en plus par l’attitude de Raymond Forni qui ne ménageait pas l’opposition. Jean-François Humbert avait donc une revanche à prendre. Yannick Dessent réfute ces accusations. Pour lui, Jean-François Humbert était crédible. “Je lui ai dit qu’il y aurait d’autres aventures.” Jean-François Hum-

mener campagne. Mais il n’est pas cer- tain que les voix de l’un se reportent sur l’autre. C’est en tout cas l’avis de Yannick Dessent, conseiller général du canton de Roulans. Par amitié, il avait fait le choix de rejoindre Jean-Fran- çois Humbert en participant à sa lis- te. “Je ne suis pas certain que son absen-

pu faire un score. Fidèle à lui-même, avec ironie et déta- chement, l’intéressé refuse de parler d’échec. Il dit avoir été contraint de renoncer suite à la défection tardive et inattendue de certaines personnes de sa liste sur laquelle on retrouvait Gérard Faivre, un transfuge du MoDem.

L’histoire d’un repli sur soi Parcours Le sénateur du Doubs s’est peu à peu désolidarisé de ses anciens amis politiques au point de faire l’unanimité contre lui au sein même de sa famille de l’U.M.P. La dissidence remonte à 2004.

“Je suis hors jeu” Commentaire Jean-François Humbert se retire de la course aux Régionales, contraint et forcé selon lui suite au désistement à la dernière minute de cer- tains membres de sa liste. Il commente la situation sur un ton qui est lui est propre, entre ironie et détachement.

les choses passent différemment évidem- ment. J’avais beaucoup investi dans cet- te candidature. Je n’avais pas d’autre ambi- tion que de mettre au service de la Franche- Comté mon expérience. Cela ne peut pas se faire. Donc vous dire que je suis heu- reux, certainement pas. La démarche que j’avais était libre et indépendante. Cela signifie que les gens qui avaient décidé de me suivre n’avaient pas l’intention de faire de la figuration. Càd : Votre désistement peut servir les intérêts du candidat Alain Joyandet. Cela vous gêne-t-il compte tenu de vos rapports conflictuels avec le secré- taire d’État à la Coopération ? J.-F.H. : Tant mieux pour Alain Joyandet. Càd : Allez-vous désormais prendre posi- tion dans ces régionales pour tel ou tel can- didat ? J.-F.H. : J’ai pris la décision de sortir du jeu. Je suis hors jeu, je laisse maintenant les autres candidats exposer leur projet. Il faut que la campagne se déroule. Je verrai ensuite si je prends ou non position au second tour. Càd : Pouvez-vous nous dire néanmoins sur quel thème vous auriez fait cam- pagne ? J.-F.H. : Non, car je ne tiens pas à retrou- ver mes thèmes défendus par d’autres listes que celle que je pensais présenter. Je ne veux pas être fournisseur d’idées. Je n’ai pas envie que le travail que j’ai pu faire soit récupéré. Car j’ai déjà pu noter, sur cer- taines listes, des mini-changements de stra- tégie. Des choses que j’avais écrites ont été reprises. Càd : Qui souhaiteriez-vous voir occu- per la fonction de président de la Franche-Comté ? J.-F.H. : Vous savez, les goûts et les cou- leurs… Càd : Vous verra-t-on encore partici- per à une élection régionale ? J.-F.H. : À chaque jour suffit sa peine. Cel- le et ceux qui font des plans de carrière sont peu réalistes et peu crédibles. Propos recueillis par T.C.

C’ est à dire : Vous avez souvent déclaré vouloir aller jusqu’au bout dans cette élection régio- nale. Vous venez de retirer votre can- didature. Pourquoi une telle volte-face ? Jean-François Humbert : Quand il s’agit d’être candidat aux sanatoriales, je le suis jusqu’au bout. Quand il s’agit d’une can- didature de liste comme aux Régionales, il faut tenir compte des personnes qui vous disent “oui” pour figurer sur la liste et qui, au final se débinent dans les tout derniers jours. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que celui chargé de conduire cet- te liste, en l’occurrence moi, abandonne. Càd : Peut-on savoir qui sont ceux qui vous ont laissé tomber, et dans quel département ? J.-F.H. : Non. Je ne vais pas désigner à la vindicte populaire le nom de ceux qui

ont fait acte de candidature, qui m’ont lâché ensuite ou qui ont cherché à faire de la sur- enchère dans la dernière ligne droite. Càd : Néanmoins, ces co-listiers ont-ils reçu des pressions selon vous ? J.-F.H. : Sans doute. La semaine derniè- re, dans un autre département que celui du Doubs, j’ai eu le cas d’un jeune hom- me qui est venu me remettre son formu- laire d’engagement sur ma liste. Le len- demain, il m’envoyait un mail en me signi- fiant qu’il n’était plus candidat, invoquant des raisons personnelles. À mon sens, c’est le constat que des gens sont intervenus. Càd : De toute évidence, vous êtes amer ? J.-F.H. : Quand on se fixe un objectif et qu’on n’arrive pas à l’atteindre, si on est le plus heureux des hommes à la sortie, c’est qu’il y a un problème. J’aurais voulu que

E lle paraît soudainement bien loin cette année 1998 où tout lui a souri : élu président du Conseil régio- nal de Franche-Comté enmars, il est élu sénateur en septembre de lamême année. Entre-temps, le parlementaire est élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur par le président Chi- rac qui le distingue pour avoir refusé d’être élu président de Région grâce aux voix du F.N. également la Franche-Comté. Jean-François Humbert pas- se soudainement de la lumiè- re à l’ombre, du rôle de pré- sident de Région à celui d’opposant, dans un hémicycle régional où l’U.M.P. ne comp- te que 12 élus sur 43. Un rôle ingrat commence alors pour lui. Il remplit très sérieuse- ment son rôle d’animateur de l’opposition mais le cœur n’y est plus. Selon plusieurs de ses collègues de droite, c’est donc dès 2004 que le sénateur a commencé à se marginali- ser. Sa démarche, il tente régu- lièrement de la faire com- prendre à travers son blog , curieux mélange de réflexions Six ans de majori- té passent et c’est la douche froide en mars 2004 où la vague rose balaie

personnelles et de coups de gueule contre l’ordre politique établi. Parallèlement, il pour- suit avec application son man- dat de sénateur, se rend au Tibet pour des missions par- lementaires et épouse la cau- se du Tibet à laquelle il consacre d’ailleurs un chapitre de son site Internet. L’épisode des sénatoriales de septembre 2008 provoquera

la rupture totale avec ses anciens amis de l’U.M.P. C’est pour- tant lui seul qui sort rescapé du naufrage de l’U.M.P. aux séna- toriales. Les autres

Il sort seul rescapé du naufrage.

candidats lui reprochent d’avoir joué une campagne per- sonnelle, et même anti-U.M.P. À l’U.M.P. du Doubs, il ne paye plus sa cotisation, il s’est éloi- gné totalement de son parti. Son retrait de la course aux Régionales signe la fin de sa carrière politique locale. À moins que, imprévisible com- me l’est M. Humbert, il ne res- surgisse ici ou là à un prochain scrutin local. À 58 ans, cet apparatchik de la politique élu pour la pre- mière fois en 1986 au Conseil régional, à 34 ans, a fait des mandats électifs sa profession. Il sera sénateur jusqu’en 2014 au moins. J.-F.H.

Jean-François Humbert : “Je verrai ensuite si je prends ou non position au second tour.”

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