Journal C'est à Dire 150 - Décembre 2009

L E P O R T R A I T

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Noël Roncet, prêtre solidaire Les racines chrétiennes se réveillent toujours pendant la période de Noël, mais cette année un peu plus que les autres. Prêtre à Mor- teau, Noël Roncet a son idée sur le sujet. Morteau

I l n’en a ni l’allure, ni le rôle, ce qui n’empêche pas ses ouailles de la paroisse de Morteau de le sur- nommer amicalement le “père Noël”. S’il fallait pousser plus loin la comparaison, au-delà de la simple homonymie,nous dirions qu’à sa maniè- re il est aussi un colporteur de bonheur. Mais c’est un bonheur simple, plus spi- rituel, qui a sa place sous le sapin,moins encombrant en tout cas que les mil- liers de cadeaux que s’échine à distri- buer en un temps record l’infatigable compagnon des enfants.D’ailleurs,après cette tournéemondiale,le bonhomme en rouge dépose sa hotte,flanque les rennes à l’étable et hop,repos pour tout le mon- de ! De son côté, Noël Roncet souffle rare- ment. Ses journées sont ardues. Dif- Âgé aujourd’hui de 63 ans, il est arri- vé à Morteau en septembre 2007. Pour cet homme d’église, la période de Noël est un temps fort qu’il par- tage avec les fidèles, toujours un peu plus nombreux le soir de la messe de minuit à se réunir pour prier. “Le caractère commercial de Noël demeu- re, mais je crois qu’il y a toujours une forme d’ouverture à un caractère plus religieux qui se manifeste à cette occa- sion. C’est une vie familiale très den- se” observe Noël Roncet. Cette affluence dans les églises est le signe selon lui que les racines chré- tiennes restent bien vivaces. La preu- ficile pour le prêtre de trou- ver une heure de libre dans son emploi du temps pour fai- re autre chose que de servir la communauté chrétienne.

ve en est également que de plus en plus de jeunes, à peine sortis de l’adolescence, et des adultes très âgés parfois, demandent à recevoir le sacre- ment du baptême dans le Val de Mor- teau. Finalement, il n’est pas impossible que la crise actuelle s’accompagne d’un retour à plus de spiritualité chez les chrétiens en particulier. “Il fau- drait parler des crises plutôt que de la crise qui a plusieurs visages esti- me Noël Roncet. Elle est financière mais aussi économique, sociale et spi- rituelle. C’est sans doute un temps qui pose question aux gens. Ils sont habi- tés par ce sentiment de non-culpabi- lité car ce qui leur arrive ne dépend pas d’eux. Cela les rend disponibles au questionnement. On sent qu’il y foi. La dernière décennie est probable- ment celle des excès. La raison vou- drait que l’on revienne à des valeurs plus simples et équitables. Mais rien n’est moins sûr. Noël Roncet est pru- dent, car il sait à quel point la natu- re humaine est changeante. En témoigne l’histoire de ces deux dames qui ont marché jusqu’à Compostelle pour le plaisir, sans intention reli- gieuse. Elles ont confié au prêtre : “Nous sommes parties en touristes et nous sommes arrivées en pèlerines. Nous avons mesuré combien la vie était belle, et qu’il était possible de a une recherche latente de vie spirituelle mais qui a du mal à éclore” comme s’il y avait un complexe dans le Haut-Doubs à afficher sa

vivre avec moins que ce que nous offre la société actuelle” rapporte Noël Ron- cet. Le premier geste qu’on fait ces deux femmes en rentrant chez elles a donc été de débarrasser leurs pla- cards de tous les objets qu’elles jugeaient inutiles. “Mais six mois après, elles avaient tout racheté ! Com- me quoi on peut changer très vite. Néanmoins, je crois que des gens ont pris conscience des enjeux de notre monde et de la planète. Ceux-là font un travail d’éclaireur. Tout ce qui tour- ne autour de l’économie solidaire, des finances solidaires, va dans le bon sens. Nous pouvons tous vivre bien en faisant un monde plus solidaire. Ces initiatives nous impliquent dans des nouvelles manières de vivre ensemble afin de faire reculer les écarts qui se creusent entre des gens plus riches et d’autres qui s’appauvrissent d’un point de vue financier et culturel. C’est dangereux.” Prendre en main ce destin n’est pas qu’une affaire de chrétiens si l’on en croit le père Roncet, mais la res- ponsabilité est collective. Et si le che- min du bonheur était celui-là, avec à l’arrivée un monde plus équitable ? Parions que nous serions prêts à nous y engager franchement d’un pas déci- dé. Pour y parvenir, il faudrait au minimum être chaussé de bottes de sept lieues tant le périple s’annonce long et semé d’embûches. Tiens, des bottes de sept lieues, en voilà une idée à ajouter sur la lettre au Père Noël. Après tout, on peut encore y croire.

“Un travail d’éclaireur.”

Noël Roncet : “Il ne s’agit pas d’imposer, ni de convertir, mais il y a dans la foi une source de vie et du bonheur à cueillir.”

T.C.

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