Journal C'est à Dire 150 - Décembre 2009

D O S S I E R

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Pays de Pierrefontaine

Le patois a ses anges gardiens Entre Valdahon et Pierrefontaine-les-Varans, un groupe d’une cinquantaine d’irréductibles fait revivre le patois “de chez nous”. Un D.V.D. vient de sortir.

M oustache bien taillée, béret vis- sé sur la tête et chemise bleue à carreau tradi- tionnelle. Roland Vittot est bien “gaupé” . Comprenez, il est bien habillé. Originaire de Chaux- lès-Passavant dans le canton de ment local qui peut différer selon si on habite dans le “Haut” ou dans le “Bas”. Tout commence l’hiver 1995, époque où l’homme choisit de passer avec son épouse sa retrai- te à Chaux-lès-Passavant après avoir longtemps demeuré dans le Jura. Il se rend compte qu’il ne connaît plus personne : “Vu que je parlais patois pour m’amuser lors de soirées, j’ai Vercel, ce retraité est à l’origine de la renais- sance du patois du Doubs, dialecte pure-

demandé à l’association Ran- donnée Loisirs Culture (R.L.C.) de créer une section “patoisant”. Nous étions huit la première année…” Aujourd’hui, ils sont une cin- quantaine de personnes, en majo- rité des retraités, à faire vivre et revivre le patois en le parlant parlions mais que nos mots par- taient en fumée !” Du coup, le groupe crée un journal : “La Ticlette”. Il paraît tous les tri- mestres. Distribué à environ 500 exemplaires, il s’immisce dans les foyers de Valdahon, Orchamps-Vennes, Guyans- Vennes, du Val de Morteau voi- re des bords de Loue. “Il y a seu- lement une page consacrée au patois. Le reste parle d’histoire” et en couchant les mots sur le papier depuis neuf ans. “On s’est aperçus que nous

Mais quid de l’avenir ?

Ils sont une cinquantaine à se réunir chaque mois.

détaille Roland Vittot. Tout en dialecte, il serait en effet illi- sible. Lors de leurs réunions, les passionnés évoquent leur jeu- nesse, celle de la guerre 39-45. Après l’heure patoisante, place aux histoires et autres racon- tottes. Ensuite, la troupe évoque le patrimoine et part notam- ment à la chasse aux objets per- dus, ces victimes de la moder- nité : “On en a retrouvé pas mal. Je pense au presse-purée, la roue

en bois d’une brouette, le tire- foin, le panier pour essorer la salade, le boulet (pierre de 5 kg avec un anneau qui servait à attacher les chevaux dans n’importe quel endroit)…” Un formidable engouement est né autour de ce groupe qui par- le le dialecte dans des maisons de retraite. Mais quid de l’avenir ? Les jeunes ne sont pas en effet légion : “Quand j’aurai cassé ma pipe, je pense que tout s’arrêtera mais vous savez, tout naît, tout vit, tout meurt” lâche le patoisant qui regrette la dis- parition des veillées. E.Ch.

Zoom Le D.V.D. pour faire connaissance L es Patoisant(e)s ne rechignent pas le progrès. Un D.V.D. de 60 minutes enregistré au printemps est sorti. Il est vendu 16 euros (5 euros pour les frais de port). Les uns présentent un objet du temps passé, dʼautres poussent la chansonnette ou expliquent comment faire des chevilles à saucisse… Les monologues ou dialogues sont à la fois en patois et en français. “Un beau cadeau pour nos enfants et petits-enfants” avouent les membres. “Fâte cougnesance d’èvo lâ Pétouèzante’ è Pètouèzant” : “Faites connaissance avec les patoisantes et patoisants.” Commander : Michel Seingry, rue des Perce-Neige à Orchamps-Vennes

Les patoisants se retrouvent autour de Roland Vittot.

Nos phrases et expressions “Ramasser le ch’ni” V oici quelques mots ou expressions quʼun étranger à la Comté a parfois du mal à déchiffrer voire quʼil ne com- prend pas du tout. Quand à lʼaccent, ce nʼest pas une tra- dition mais un héritage (on ne dit pas la “télé” mais la “tèlè”). - Monter en haut, Réduire la table, Il fait bon chaud, On y va les deux, En tenir une bonne, Tʼas meilleur temps, Don- ner en retirant. - Pas de dictionnaire comtois, mais des mots bien propres : le chʼni, le graillon, le ranqueni, le daubot, la taurniaule, beuillot, pas chiqué, la viosse, crevure, grande gigue, la bringue, mal gaupé, traîne-savate (personne qui nʼavance pas), le cheudot (place chaude dans le lit), beuiller derrière les car- reaux, ne pas être en chacot (tous ensemble), aller aux cramaillots, On toque à la porte, on ne frappe pas, un pot dʼeau, aller aux fraises (avoir un pantalon trop court), rebouiller (chercher), un goret (cochon), un capucin (lièvre). - Cornet : Quand tous les Français pensent à un cornet de glace, les Franc-Comtois comprennent un sac. - Les verbes sont utilisés à tout propos, dans de nombreuses tournures. Cʼest le cas dʼarranger, faire, ramasser, remettre. Le Parler suisse “Tout de bon” L e Haut-Doubs nʼest pas le seul à se caractériser par des expressions ou mots. Quelques expressions suisses à connaître : Tout de bon (bonne chance), Sans autre (sans façon), ça va le chalet, ou bien ? (ça va pas la tête), frouiller (frauder), un foehne (sèche-cheveux), décevoir en bien (être agréablement surpris), faire la poutze (faire le ména- ge), en cheni (en désordre), avoir le va-va (ne pas tenir en place), courber lʼécole (sécher les cours), sʼencoubler (sʼempêtrer)…

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