Journal C'est à Dire 150 - Décembre 2009

D O S S I E R

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TRADITIONS PERDUES

“La foire franche” Beaucoup d’agriculteurs n’auraient manqué ce rendez-vous pour rien au monde. Lorsqu’un col- lègue décidait de vendre sa ferme (souvent lors- qu’il faisait valoir ses droits à la retraite et qu’aucun repreneur ne s’était manifesté), une vente aux enchères du matériel et/ou du bétail était organisée. C’était la “foire franche”, moment souvent difficile pour le vendeur qui voyait par- tir “ses bêtes” et l’occasion pour les acheteurs de faire de bonnes affaires. Un “spectacle” organi- sé par un crieur en charge d’organiser la vente de la voiture à foin en passant par la pirouet- te. Dans le Haut-Doubs, une famille de crieur était spécialisée de père en fils. Il s’agissait de la famille “Tutu” originaire de Gilley.

“Faire 4 heures” Un carré de chocolat, un morceau de pain, can- coillotte, saucisse… et le tour est joué. Faire 4 heures est moins répandu dans les familles du Haut-Doubs. Seules les familles d’agriculteurs continuent de perpétuer ce rendez-vous autour d’un bol de café et un morceau de pain. L’école qui se termine après 16 h 30 et surtout les activités extra-scolaires ont eu raison de ce rite. Pire, les différentes campagnes pour contre- carrer l’obésité rabâchent sans cesse aux enfants qu’il ne faut pas grignoter entre les repas… Faire 4 heures a vécu. Sauf peut-être lors des vacances d’hiver où après une bonne journée dans la neige, le chocolat chaud est quasi obli- gatoire !

“Faire 4 heures” est perdu… sauf chez les agriculteurs et en période de vacances.

Le gras-double La panse de vache, autrement dit le gras-double, s’immisce de moins en moins sur les tables franc- comtoises alors que ce plat était plus que tra- ditionnel. Confirmation d’un boucher-traiteur installé rue de la République à Pontarlier. “Si vous ne préparez pas votre gras-double, vous n’en vendez pas. Je les fais à la mode de Caen ou en salade. On ne peut pas comparer le gras-double aux salaisons fumées qui sont à la mode” explique Georges Bonnet, responsable du magasin créé par son grand-père. La tradition chez les Bon- net, sûr qu’ils en connaissent un étal. D’ailleurs, le père confie que les habitudes culinaires ont changé : “Il y a quelques années, la boucherie était pleine de 8 heures à 10 heures le dimanche matin… Les cuisinières faisaient mijoter la vian- de deux à trois heures. Aujourd’hui, c’est de 10 heures à 12 heures On fait moins cuire les ali- ments. Il faut que tout soit rapide.”

Les veillées entre amis La télé a eu raison de la veillée. Le soir, une fois la soupe terminée, la petite famille ne brave plus le froid et la neige pour se rendre à la ferme voi- sine. Cette mode s’est perdue une fois la télé venue. À proximité de la chaleur du fourneau, les femmes discutaient pendant que les hommes jouaient au tarot. La veillée des morts Disposer le corps d’un défunt dans la chambre familiale pour le veiller est aujourd’hui passé de vie à trépas. Les funérariums ont remplacé le lit conjugal où était soigneusement positionné le corps du défunt. Mains croisées sur le ventre et grains de chapelet bien ordonnés : tout était méticuleusement préparé. La veillée des morts pouvait durer jusqu’à trois jours et trois nuits pour la famille.

La veillée des morts pouvait durer trois jours et trois nuits.

La taille pour le tas de fumier

Mesurer la taille du tas de fumier pour savoir si la fille ou le fils était “bon ou bonne” à marier est bien loin. Symbole d’une richesse, un tas imposant traduisait un troupeau avec de nombreuses têtes. L’automatisation a eu raison de ce rite. La fourche et sa brouette servant à “arranger” les bêtes et l’étable ont été rem- placées par un chariot convoyeur.

Georges Bonnet, traiteur dans le Haut-Doubs, prépare encore le gras-double.

Plus le tas est haut, plus riche était l’exploitant ?

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