Journal C'est à Dire 149 - Novembre 2009

6

V A L D E M O R T E A U

Villers-le-Lac : deux hommes et un couffin Témoignage exclusif du couple homosexuel qui s’est vu refuser une cérémonie pour fêter leur P.A.C.S. à Villers-le-Lac. Sébastien et Régis évoquent leur quotidien, les rancœurs, les railleries… et leur rêve. Celui d’avoir prochainement un enfant. Ils prévoient de s’installer en Espagne pour le réaliser. Débat

En bref…

comme la cuisine française : ça marche. En France, nous sommes trop taxés. Ce départ est un pro- jet familial et professionnel. Càd : Le débat sur l’adoption est relancé par une décision du tribunal administratif de Besançon (lire ci-dessous). Pourquoi tant de difficultés à adopter en France ? Sébastien : C’est terrible à dire mais les “homos” sont considé- rés comme des pédophiles et je suis sûr que l’adoption ne se fait pas à cause de ça. Or, personne n’aime plus enfant que nous. Régis : Je m’identifie plutôt com- me à une femme qui est stérile. Càd. : Une mère porteuse, est- ce la solution ? Régis : Il faut une femme qui soit forte psychologiquement !Ma sœur ne pourrait pas porter un enfant et nous le laisser. Par contre, elle n’est pas contre un don d’organe et nous donner ses ovocytes (avec les spermatozoïdes de Sébastien) pour que l’on puisse avoir un enfant. Une mère porteuse, c’est peut-être plus facile car il n’y a rien d’elle. Les femmes qui font ça sont en général très pauvres et le font pour l’argent. Enmoyen- ne, c’est 15 000 euros. Et encore, on n’est pas certain que ça fonc- tionne et elle peut accoucher et garder l’enfant. Propos recueillis par E.Ch. Ces troubles constituent plus un handicap quʼune maladie mais ils ont une répercussion importante sur la vie quoti- dienne alors quʼils restent tabous. Il en est de même pour les prolapsus génitaux enco- re appelés “descentes dʼorganes”. Renseignements au 03 81 41 81 41. Orgue Concert dʼorgue “Méditation du Temps de lʼAvent” à 17 heures en lʼéglise de Maîche samedi 28 novembre. Entrée libre. Incontinence La Polyclinique de Franche- Comté vient de créer un centre de traitement de lʼincontinence urinaire et des troubles de la statique pelvienne, géré par le docteur Bernard Bouffier. On estime à 25 % le nombre des femmes de plus de 50 ans sujettes à des troubles uri- naires.

S ébastien et Régis sortent du silence. Non pas pour s’afficher mais pour mon- trer qu’ils forment un couple comme les autres et aus- si pour réagir à notre article paru dans notre précédent numéro, lequel évoquait les 10 ans du P.A.C.S. et le refus du maire de Villers-le-Lac de célébrer leur union dans la salle d’honneur. Régis Cachot (25 ans) et Sébas- tien Demange (32 ans) sont pro- priétaires d’un salon de coiffure situé au cœur de Villers-le-Lac, les deux amoureux témoignent. Sans tabous. C’est à dire : Quel a été votre réaction lorsque la mairie de Villers-le-Lac a refusé d’organiser une cérémonie célé- brant votre pacte civil de soli- darité (P.A.C.S.) ? Sébastien : Nous étions déçus même si nous avons compris.Nous

avions demandé au maire (N.D.L.R. : JeanBourgeois) la pos- sibilité d’organiser une cérémo- nie pour marquer le coup. Dans un courrier, il nous a répondu - après avoir consulté le conseil municipal - par la négative. Je peux comprendre. Càd : Il est effectivement dans ses droits. Aucunemairie n’est obligée d’organiser une céré- monie dans ce cadre. Sébastien : Effectivement, mais c’est la manière de le faire qui nous dérange : lorsque nous avons fait part de notre volonté, il nous a ri au nez (il soupire). Puis, nous avons eu connaissance de l’article où il dit “n’être pas très chaud à l’idée de célébrer des P.A.C.S. pour homosexuels.” Cette phrase nous choque, elle est discriminatoire. Càd : CeP.A.C.S, c’est donc plus qu’un bout de papier pour

Sébastien Demange (debout) et Régis Cachot.

vous ? Sébastien : Voilà sept ans que Régis et moi sommes ensemble. Nous avons invité 130 personnes au repas pour célébrer notre P.A.C.S. le 25 juillet 2009. La céré- monie, c’était pour débuter la jour- née et faire comme un couple hété- rosexuel sachant que nous n’avons pas le droit au mariage. Nous avons même tiré un feu d’artifice. Avec ce P.A.C.S., nous avons les mêmes droits que les autres et aussi un avantage financier, je l’avoue. Càd : Être homosexuel dans une petite ville duHaut-Doubs semble difficile, surtout lorsque l’on tient un commerce (ils sont coiffeurs). Vous confirmez ? Régis : Oui. On a entendu tout et n’importe quoi.Du style : “Dans leur salon, ils coiffent avec des jupettes.” Sébastien :Avoir un commerce, je dis que ça nous aide car notre clientèle est super-sympa. Càd : Vous semblez assumer votre homosexualité. Racon- tez-nous votre rencontre et le jour où vous avez annoncé votre choix à vos proches. Régis : Ma famille a bien réagi. peut-être parce que je ne suis pas une “folasse” (rires). Je craignais mon père qui au départ ne vou- lait déjà pas que je devienne coif- feur. Il a finalement bien accep-

té et j’ai été aidé par ma grande sœur qui en parlé àmamère.Avec elle, j’ai discuté toute la nuit puis j’ai annoncé la nouvelle à tous avec perte et fracas. Finalement, la famille a accepté. Sébastien : On se souvient tou- jours de cemoment ! Je l’ai annon- cé tardivement, à l’âge de 24 ans, dans un premier temps àmamère puis ensuite à toute la famille. Avec Régis, nous nous sommes rencontrés dans le salon de coif- fure dans lequel on travaillait. J’étais son maître de stage. Càd : Devient-on ou naît-on avec cette attirance pour un homme ? Régis : J’ai toujours su que j’étais gay et que je deviendrai coiffeur (rires). Càd : Dans le Haut-Doubs, les gays se cachent-ils pour se ren- contrer ? Et que répondez-vous à l’infidélité du milieu ? Régis : Beaucoup de pères de famille mariés vont voir d’autres hommes. Ils se cachent, sont mal- heureux et font d’autres mal- heureux. Les gays ne sont pas plus infidèles que certains couples hétéros. Regardez-nous ! Sébastien : Nous ne fréquentons Sébastien : Je suis sorti avec des filles pour mon- trer aux gens que j’étais comme eux.Mais je n’étais pas heureux.

pas trop ce milieu. Les rencontres gays,c’est plutôt Besançon ouLau- sanne mais pas trop le Haut- Doubs. Sinon, c’est Internet. Càd : Qui d’entre vous deux s’occupe des tâches ména- gères ? Régis (rires) : On se partage les tâches car nous travaillons les deux. Sébastien fait plutôt la cui- sine et moi le reste.Nous sommes comme un couple normal : on par- tage, avec le machisme enmoins. Càd : La finalité d’un couple n’est-elle pas de fonder une famille ? Aimeriez-vous deve- nir papas ? Régis : Oui. Nous avons tout ce qu’il faut : la mère-porteuse, les

Ce que dit la loi Pour pouvoir adopter un enfant en France, il faut obtenir un agrément délivré après évaluation des conditions dʼaccueil de lʼenfant sur les plans familial, éducatif et psychologique. Cʼest le président du Conseil général, après consultation de la commission dʼagrément du dépar- tement, qui prend la décision finale. Les personnes ayant obtenu lʼagrément (valable cinq ans), peuvent ensuite constituer un dos- sier en vue de lʼadoption dʼun pupille de lʼÉtat en France ou se tourner vers lʼadoption internationale pour accueillir un enfant étranger. Que change la récente décision de justice ? En enjoignant au Conseil général du Jura de délivrer un agrément à une femme en couple avec une autre femme, la justice relance le débat sur lʼégalité des droits face à lʼadoption, suivant que lʼon est célibataire, marié, hétérosexuel, homosexuel. Le tribunal administratif de Besançon a rappelé ceci : oui, en Fran- ce, un célibataire (de plus de 28 ans) a le droit dʼadopter un enfant. Lʼorientation sexuelle ne doit pas être un motif pour refuser lʼagrément. Le tribunal de Besançon se conforme à un arrêt de la Cour euro- péenne des droits de lʼHomme qui a condamné la France pour “discrimination” basée sur lʼorientation sexuelle. Le président du Conseil général du Jura, Jean Raquin (Divers droite) aurait pu sʼy tenir. Il ne lʼa pas fait et a été rappelé à lʼordre. Qui peut changer la loi ? Nicolas Sarkozy est trop attentif à sa majorité pour lui faire avaler lʼadoption par des couples de même sexe. Nadine Morano et Luc Chatel ont répété que le gouvernement nʼétait pas favorable à un changement de la loi. La gauche est acquise au principe de lʼégalité des droits. Et se sert de lʼargument de lʼEurope. En Belgique, au Dane- mark, en Espagne, en Norvège, aux Pays-Bas, en Suède et au Royau- me-Uni, les couples de même sexe peuvent adopter des enfants.

ovules, les spermato- zoïdesmais nous n’avons pas la légalité. Sébastien : Les pays européens sont beaucoup plus évolués que nous. En Espagne, pays très

“Nous ne tomberons pas l’illégalité.”

catholique, les homosexuels peu- vent se marier, avoir des enfants. Idem en Belgique. Càd : Imaginez-vous tomber dans l’illégalité pour avoir cet enfant tant désiré ? Sébastien : Non,mais nous irons à l’étranger pour le faire. Notre but est d’aller travailler et vivre en Espagne. Peut-être dans deux ans. La coiffure à l’étranger, c’est

Made with FlippingBook - Online catalogs