Journal C'est à Dire 149 - Novembre 2009

É C O N O M I E

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Surendettement 80 000 euros de dettes à éponger

Comment rembourser 2 800 euros par mois lorsqu’on en gagne 1 400 ? Impossible. C’est quand elle s’est retrouvée dans cette impas- se financière qu’Isabelle a déposé un dossier de surendettement.

té 75 dossiers de surendettement. Au 15 septembre 2009, nous étions à 133” observe Bernard Gaulard, président de l’U.D.A.F. Tous les profils sociaux se ser- rent sur le banc des surendettés. “J’ai le cas d’une famille qui gagne plus de 4 700 euros de revenus mensuels et qui a 150 000 euros de dettes. Ce n’est que du crédit “revolving”. Ces personnes doi- vent rembourser près de 8 000 euros par mois” ajoute Bernard Gaulard. Le scénario est souvent le même. Pour se faire plaisir dans un achat, une per- sonne va souscrire à un crédit “sans mesurer les difficultés qu’elle va ren- enregistré une augmentation de 21 % du nombre de dossiers de surendette- ment dans le Doubs par rapport à 2008. Dans ce département, ce sont donc 1 300 dossiers qui ont été déposés. La hausse est générale sur lʼensemble du territoire franc-comtois où elle atteint 20 % alors que la moyenne nationale est de 17,6 %. Dans le Jura, la progres- sion est de 20 %. Elle est de 5 % en Haute-Saône, mais de 40 % dans le Territoire-de-Belfort. “Cette situation cor- respond à une dégradation du mar- ché de l’emploi. C’est la fin des missions intérims, on retrouve des gens dont le niveau de ressources a baissé” explique Patrick Bernard, directeur régional de la Banque de France. Résultat, de jan- vier à septembre, 3 030 dossiers de sur- P our les neuf premiers mois de lʼannée, la Banque de France a

D ébut janvier,Isabelle seraen retrai- te. En 2001,après avoir rencontré uneassistantesociale,cette citoyen- ne du Doubs s’est résolue à déposer son premier dossier de surendettement à la Banque deFrance pour tenter d’envisager une solutionàsasituation financière catas- trophique. “À l’époque, j’avais 80 000 euros de dettes. Je gagnais 1 400 euros par mois et on me deman- dait d’en rembourser 2 800 euros. J’ai voulu sortir de cette galère car ce n’était plus possible” explique-t-elle. Pourtant, cette femme n’a pas eu de contentieux avec sa banque auprès de laquelle elle n’a d’ailleurs jamais contracté d’emprunt. Si elle s’est enfon- cée dans les difficultés, c’est en multi- pliant les crédits “revolving”, 23 au total pendant plus de vingt ans. La plu- part du temps, elle contractait un nou- veau prêt pour honorer le rembourse- ment du précédent qu’elle ne pouvait plus assumer. Un piège. Ce mécanisme financier périlleux, parallèle au sys- tème bancaire traditionnel, n’a fait qu’aggraver son cas. Depuis son divorce, pendant toutes ces années, Isabelle a toujours caché ses problèmes à ses quatre enfants qu’elle a élevés. Elle admet même que c’est pour eux, “pour qu’ils ne manquent de rien” qu’elle a agi ainsi. “Je recon- nais ma bêtise aujourd’hui. Je trouve inadmissible que l’on fasse la pub de ces crédits à la télé que vous pouvez obte- nir sans avoir à ne fournir aucun jus- tificatif. Cette fois-ci, c’est terminé, je suis vaccinée.”

Cela fait huit ans maintenant qu’elle tente de s’en sortir, depuis que la Banque de France lui a adressé un Plan de Réta- blissement Personnel (P.R.P.) pour apu- rer sa dette. “Les mensualités sont de 281 euros par mois. Mais il me reste encore 61 000 euros à rembourser” explique Isabelle. Le premier P.R.P. étant arrivé à son terme sans incidents, elle a déposé un second dossier de surendettement auprès de la Banque de France pour tenter d’obtenir un nouvel aménage- ment de sa dette sachant qu’à partir du mois de janvier elle percevra une retraite mensuelle de 988 euros aux- quels viendront s’ajouter 222 euros de retraite complémentaire. Ces reve- nus ne lui permettront pas de rembour- ser la totalité de ce qu’elle doit enco- re. En fonction de son dossier, il n’est pas exclu que les juges décident d’annuler ses dettes comme cela arri- ve parfois. Au premier trimestre 2009, à l’échelle nationale, la Banque de France a reçu 58 188 dossiers de surendettement, avec un pic au mois de mars (21 747 dossiers, un record depuis 1990). Les cas comme celui d’Isabelle ne sont donc pas exceptionnels. L’Union Départementale des Associa- tions Familiales (U.D.A.F.) accompagne de façon récurrente des personnes en proie à des problèmes financiers. D’ailleurs, cet organisme enregistre une augmentation du nombre de sollicita- tions. “L’année dernière, à la date du 15 septembre 2008, nous avions mon-

Bernard Gaulard, président de l’U.D.A.F., aide les personnes à monter leur dossier de surendettement.

contrer pour le rembourser” déplore le président de l’U.D.A.F. estimant qu’il faudrait “réapprendre aux gens à gérer

leur compte” et notamment aux plus jeunes. T.C.

Le nombre de ménages surendettés augmente encore

endettement ont été déposés. Tous font lʼobjet dʼun examen de la com- mission de surendettement qui met en place un plan dʼapurement de la det- te. La procédure la plus grave, qui est aussi la plus rare, est la procédure de rétablissement personnel (P.R.P.). “Elle s’applique aux situations les plus diffi- ciles. Il s’agit de personnes qui ne peu- vent pas rembourser leurs dettes et qui risquent de ne jamais pouvoir y faire face” ajoute Patrick Bernard. La P.R.P. se solde par lʼeffacement de la dette, après que les actifs (des biens), sʼil y en a, aient été liquidés. Après exa- men de la commission de surendette- ment, cʼest un juge qui va traiter le dos- sier de procédure de rétablissement personnel. Il existe également des procédures alter- natives qui consistent à établir un plan

amiable entre le débiteur et le(s) créan- cier(s). Dans ce cas, la dette nʼest pas effacée. Des procédures alternatives sont aussi possibles et prévoient un effacement partiel de la dette. Dans tous les cas, une personne sur- endettée qui fait lʼobjet dʼune procé- dure est inscrite dʼoffice au F.I.C.P. (fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers). Son nom y figu- re pour une durée de huit ans dans le cadre de la procédure de rétablisse- ment personnel. “Par contre, s’il s’agit d’un plan d’étalement des dettes, l’inscription au fichier varie en fonc- tion de la durée du plan.” Tous les orga- nismes bancaires ont accès à ce fichier. La loi ne leur interdit pas dʼoctroyer un prêt à une personne inscrite au F.I.C.P. mais en pratique la plupart des prêteurs sʼy refusent.

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