Journal C'est à Dire 149 - Novembre 2009

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É C O N O M I E

L’HORLOGERIE LOCALE VIT DES HEURES PÉNIBLES, MAIS… Le Tribunal de commerce a prononcé la liquidation de Technotime à Valdahon. À côté de cela, l’entreprise Alain Silberstein de Besançon est en redressement judiciaire, mais elle parvient à maintenir la tête hors de

Morteau L’entreprise Péquignet ne donne pas suite Par le biais du fonds stratégique d’investissement, l’État français était prêt à soutenir le projet de manufacture horlogère de Péquignet à Morteau. La direction n’a pas donné suite, mais le projet tient toujours. l’eau. Enfin, l’entreprise mortuacienne Péquignet fait machine arrière et ne donne pas suite à la proposition financière de l’État, mais son projet de manufacture ne semble pas pour autant compromis.

P équignet n’a finalement pas donné suite à la proposition d’Alain Joyandet. L’été dernier, le secrétaire d’État à la Coopé- ration avait fait le déplacement à Morteau pour indiquer à Didier Leibundgut le directeur de l’entreprise, que l’État fran- çais était prêt à soutenir son projet de manufacture horlo- gère française à hauteur de 3 millions d’euros par le biais du F.S.I. (Fonds stratégique d’investissement). Par la même occasion, l’État entrait au capital de la société

de façon “durable et stable” indi- quait Alain Joyandet à la rédac- tion du Journal C’est à dire dans son édition de septembre. Par

manufacture est-il remis en cau- se ? Dans quelles conditions peut-il se mettre en place et dans quel délai ? Quelle sera la stra- tégie commerciale autour du premier mouvement français Péquignet et qui fonc- tionne (l’entreprise a perçu 200 000 euros de la Région, et 420 000 euros d’Oseo pour le développer) ? Toutes ces questions sont ouvertes et la société Péquignet reste murée dans le silence, elle qui pourtant ne s’était pas pri-

vée de communiquer, sans dou- te prématurément, sur ses ambi- tions industrielles il y a quelques mois sans entrer dans les détails. “Didier Leibundgut ne nous a pas dit non. À sa demande, la démarche pour le F.S.I. peut être réactivée. A-t-il trouvé des autres sources de financement privées pour mener son projet ? C’est à lui de répondre. Avec ou sans le F.S.I., l’essentiel est que le pro- jet se fasse. Il n’y a que ceux qui ne font rien à qui il n’arrive rien” note un représentant des ser-

vices de l’État. La société Péquignet semble bien décidée à aller au bout pour fabriquer ce mouvement à l’échelle industrielle. T.C.

La direction de Péquignet s’est murée dans le silence, elle qui avait largement com- muniqué sur ses ambitions industrielles, sans doute prématurément.

ailleurs, pour bénéfi- cier du F.S.I., il fallait que la “stratégie indus- trielle et l’évolution du capital soient étudiées de près” annonçait l’élu, qui concluait en disant

“La démarche pour le F.S.I. peut être réactivée.”

Valdahon Mort de la manufacture Technotime Le 16 novembre, le tribunal de commerce a liquidé l’entreprise Technotime. La dernière manufacture de fabri- cation de mouvements mécaniques du Haut-Doubs s’éteint.

que la balle était désormais “dans le camp de l’entreprise.” La direction de Péquignet n’aurait donc pas accepté toutes les conditions imposées par le F.S.I. Pour autant, le projet de

Montres Alain Silberstein s’accroche à ses projets

L e 26 octobre, leTribunal de Commerce de Besançon a renou- velé pour six mois la période d’observation de l’entreprise Alain Silberstein Création qui fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 27 avril. L’architecte horloger, qui se définit lui-même ainsi, fait les frais, comme toute la profession, des tumultes de la conjoncture. En 2008, le distributeur principal de la marque française de luxe en Russie a repoussé puis annulé toutes ses commandes. Cette décision a déstabilisé l’entreprise bisontine tournée à 98 % vers l’export et amputée d’un coup de 25 % de son chiffre d’affaires. Malgré les difficultés du moment, Alain Silberstein n’est pas d’une nature défaitiste. Il n’a pas l’intention de tirer un trait sur 22 ans d’activité durant lesquelles il a vendu 30 000 montres. “Aujour- Le redressement judiciaire n’a pas anéanti les projets du créateur de montre bisontin qui a dans l’idée de lan- cer une nouvelle collection “Chronomètre de Besan- çon”. Alain Silberstein s’appuie surtout sur des four- nisseurs locaux dont La Pratique à Morteau. ti massivement pour honorer les commandes des donneurs d’ordres. “Nous sommes tous dans le même bateau. Le fait d’être fragile est une chose, mais il faut être transparent. Si vous n’êtes pas légi- time dans votre approche, vous êtes mort” constate Alain Silber- stein. Si tel est le cas, alors l’architecte horloger qui reven- dique son indépendance devrait s’en sortir. Il dit ne rien cacher sur la fabrication de ses produits, l’origine des mouvements qu’il utilise, le réseau de sous-traitants (français pour la plupart) sur lequel il s’appuie pour mettre en œuvre ses idées. Par exemple, pour les aiguilles il travaille avec La Pratique à Morteau qui four- nit “un excellent travail.” Les distributeurs de la marque savent à qui ils ont affaire. Cette crédibilité lui permettra peut-être de préserver son réseau de distribution à travers le monde. La mauvaise passe que traverse Alain Silberstein n’altère ni sa créativité ni son optimisme. “Le dépôt de bilan n’a pas anéan- ti mes projets” explique l’entrepreneur qui emploie avenue Cuse- nier à Besançon, une dizaine de personnes. En effet, il revient d’une tournée de dix jours en Asie durant laquelle il a présenté la nouvelle H.M. N° 2.2 “Black Box”, une montre contemporaine hybride puisque ce modèle a été développé en association avec Maximilian Büsser de MB & F (une entre- “Le dépôt de bilan n’a pas anéanti mes projets.” d’hui, être entrepreneur, c’est une prise de risque. Déposer le bilan fait partie des lois françaises qui protègent l’entreprise quand elle fait face à des difficultés conjoncturelles, ce qui est mon cas” dit- il. Les marchés horlogers sont atones. Toutes les marques de montres, aussi prestigieuses soient- elles, s’enlisent à des degrés divers. Par ricochet, les sous-traitants dévissent, eux qui ont inves-

P lacée en redressement judi- ciaire au mois de juillet, l’entreprise Technotime de Valdahon a été liquidée le 16 novembre. La décision du tri- bunal decommercemetfinàlader- nière manufacture horlogère du Haut-Doubs qui amis aupoint des mouvementsmécaniquesfabriqués àValdahon. Leur commercialisation a débu- té en 2007. Mais le niveau des ventes (1 000 mouvements com-

seront finalement licenciées. Réa- liste, il affirmait alors que la sur- vie du site de Valdahon ne pou- vait en aucun cas être assurée à long terme, à moins que l’usine ne soit reprise. Aucune transaction n’a pu être finalisée. Le site va donc fermer. En revanche, le tribunal a auto- risé que l’activité continue jus- qu’au 11 décembre. Technotime s’arrête à Valdahon, mais com- me nous l’avions indiqué dans

mercialisés en deux ans), est resté insuffi- sant pour rentabiliser la manufacture. En sep- tembre, Laurent Alai-

notre dernière édition, les deux sites suisses des Brenets et de La Chaux-de-Fonds qui emploient 25 personnes

38 personnes licenciées.

prise spécialisée dans la conception et fabrication de montres conceptuelles en petites séries). Ce produit a reçu un accueil favo- rable à Singapour, une des places fortes de l’horlogerie de luxe en Asie. Par ailleurs, Alain Silberstein est bien décidé à faire entrer la marque éponyme dans une nouvelle ère en élargissant sa gam- me de produits. “L’avenir de l’entreprise passe par le développe- ment de mouvements mécaniques manufacturés que j’ai mis au point” explique-t-il, en précisant qu’il n’a pas l’intention, de se lancer dans la création d’une manufacture d’horlogerie. “À cha- cun son métier.” Il s’est adossé pour cela à la Fabrication de Montres Normandes, une manufacture située à Brionne (Eure) et dirigée par Karsten Frässdorf. Mais aujourd’hui, l’aboutissement du projet nécessite l’intervention d’investisseurs extérieurs que recherche l’architecte horloger. “Les produits que je fabrique actuellement se vendent entre 8 000 et 10 000 euros prix public. Le prix d’entrée des montres que je prépare sera de l’ordre de 30 000 euros. Il faut savoir que déve- lopper un mouvement coûte trois plus cher qu’un autre” explique Alain Silberstein qui a dans l’idée de créer une collection bap- tisée “Chronomètre de Besançon”. L’attachement à sa région et en ses forces vives est aussi un trait de caractère de cet indépendant qui se moque du swiss made , “la marque de ceux qui n’ont pas de marque.” T.C. Alain Silberstein participera à deux salons importants en 2010 : celui de Bâle et le G.T.E. (Geneva Time Exhibition), un nouveau salon qui réunira une quarantaine d’horlogers indépendants.

mo, le directeur de Technotime (filiale d’un groupe chinois) avait indiqué son intention de vendre ce site. L’objectif était de trou- ver un repreneur pour pérenni- ser l’emploi de 38 personnes qui

vont continuer de fonctionner. Cette entreprise continuera de fabriquer des mouvements mais en achetant ses fournitures à des sous-traitants. T.C.

À l’origine de Technotime, il y a le rachat de la société France Ébauches en 2001.

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