Journal C'est à Dire 149 - Novembre 2009

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P L A T E A U D E M A Î C H E

Christophe Ménozzi : “Pourquoi j’ai arrêté mon restaurant” Gastronomie Le sommelier originaire du Plateau de Maîche avait repris le Mungo Park en 2006 à Besançon. Rebaptisé “Christophe Ménozzi”, le restaurant a été vendu et a changé d’enseigne il y a quelques semaines. Christophe Ménoz- zi, accusé de “s’être sauvé” apporte ses explications.

C’ est à dire : Pourquoi avoir créé votre res- taurant “Christophe Ménozzi” en 2006 pour tout arrêter trois ans plus tard ? Christophe Ménozzi : Il y a plus de 22 ans, j’étais venu manger au Mungo Park et j’avais dit, “Un jour, j’achèterai ce restau- rant.” J’ai eu l’opportunité de le faire quand Jocelyne Lotz-Cho- quart a décidé d’arrêter et j’ai tenu ce restaurant avec bonheur pendant trois ans. Les choses marchaient très bien, ce res- taurant a été une formidable aventure. Càd : Alors pourquoi arrêter brutalement ? C.M. : J’avais quelques autres projets en tête et l’opportunité s’est présentée, en effet très rapi- dement. Les acheteurs, que j’avais connus il y a quelques années, se sont toujours intéressés à cet endroit magique à Besançon. Ils m’ont fait une proposition sérieu- se, qu’ils ont renouvelée, je l’ai acceptée. Les choses se sont réglées en juillet et ils se sont installés en septembre. En effet, ça s’est fait rapidement. Mais si personne n’était venu me voir

Thierry Moulin et Lionel Pazart, neurologues au C.H.U. Tous les trois ont monté un protocole de vacation en I.R.M. fonctionnel. Le travail des chercheurs consis- te à étudier le cerveau dʼun dégustateur de vin. Ces travaux très sérieux sont censés aboutir à des conclusions très pertinentes sur les réactions du cerveau. Troisième occupation du som- melier dont il ne donne que les grandes lignes : la collaboration avec un Jurassien qui vient de mettre au point un système per- mettant de conserver les grands vins après ouverture. “Cela per- mettra notamment aux restau- rateurs de gérer sans souci ses stocks” note le spécialiste qui ne manque donc pas de travail mal- gré la vente de son restaurant bisontin. Christophe Ménozzi participe aussi à lʼinstitut du goût du Jura à Arbois en tant que consultant. Sa passion du vin est intacte. “Le vin, ce n’est que des sentiments” résume-t-il.

Que devient-il ? L e bouillonnant sommelier a plein de projets en tête. On peut le dire instable, il répond : “C’est la vie. Je regar- de devant moi et ce que j’ai fait hier, je n’y pense plus.” Il colla- bore actuellement à plusieurs dossiers dans son métier origi- nel, la connaissance du vin. Chris- tophe Ménozzi est consultant pour un tout nouveau site Inter- net en cours de création, “www.ovigneron.com”, qui pro- pose des conseils avisés en matière de vin et des fiches tech- niques par producteur. Le concept a été lancé fin octobre au salon “Made in Jura” à Lons-le-Sau- nier. “Je vais partout en Fran- ce pour ce site. L’avantage est de pouvoir commander son vin à prix producteur” indique le som- melier-conseil. Parallèlement, Christophe Ménoz- zi collabore avec deux profes- seurs de médecine bisontins,

Christophe Ménozzi : “Pour qu’un restaurant marche, il faut de la sincérité.”

pour me proposer d’acheter, je serais certainement encore là. Le restaurant marchait très bien. La seule condition que j’avais imposée, c’était de reprendre les neuf employés du restaurant. Cette condition a été respectée par les repreneurs. Càd : Aucun regret d’avoir vendu alors ? C.M. : J’ai passé trois super- années au restaurant. Le seul regret que je peux avoir, c’est jus- tement d’avoir vendu (sourire)… Car je m’y plaisais énormément. Le seul inconvénient est de ne pas avoir pu se débarrasser de cette image haut de gamme qui collait à la peau du restaurant. Càd : On vous a accusé d’avoir quitté le restaurant dans la précipitation… C.M. : Ce sont les circonstances qui ont voulu ça. Les seules choses qui m’ont blessé, ce sont les juge- ments des gens, anonymes sur

Internet, qui se prennent pour des critiques gastronomiques. Nous sommes quand même le seul métier à se faire juger com- me ça par les autres, c’est par- fois difficile, surtout quand ce n’est pas justifié. Comment peut- on juger un plat que l’on ne sait pas faire soi-même et qui néces- site trois personnes en cuisine pour le faire ? Càd : Décidément, il est bien difficile de faire de la qua- lité à Besançon et de durer ! Il n’y a plus aucune étoilé Michelin à Besançon. Cette ville n’est pas une terre de gas- tronomie ? C.M. : Ce n’est pas plus diffici- le qu’ailleurs. Si quelqu’un fait son travail correctement, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Mon ambition à moi n’a jamais été de récupérer le maca- ron Michelin de Jocelyne Lotz- Choquart. J’ai juste voulu faire un restaurant. Le mot “gastro-

nomique” n’a pas beaucoup de sens. Un restaurant peut ser- vir de bonnes rillettes de porc et ça marchera. À l’inverse, un res- taurant peut servir du mauvais caviar et ce n’est pas pour autant qu’il sera considéré comme gas- tronomique et que ça marchera. Pour bien faire, il faut de la sin- cérité. Càd : Quel est votre avis sur la T.V.A. à 5,5 % ? C.M. : J’ai peut-être été le seul restaurateur à Besançon à bais- ser tous mes prix, mais je pen- se néanmoins que cette histoi- re de T.V.A. est une grosse erreur. Il aurait fallu un autre systè- me avec une partie des recettes liées à la baisse de la T.V.A. qui soit directement affectée aux sala- riés, mais sans charges sociales. En l’état, si on redonne aux sala- riés, on paie plus de charges qu’avant. Ça ne peut pas mar- cher. Propos recueillis par J.-F.H.

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