Journal C'est à Dire 149 - Novembre 2009

D O S S I E R

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Le Téléthon comme une vraie libération Depuis sa naissance, Martine Bulle souffre de la maladie de Charcot- Marie-Tooth qui se manifeste par des troubles de la marche et une fatigue musculaire récurrente. Témoignage. Une vie “presque” normale

À la voir se déplacer certes lentementmaissans dif- ficultémajeure,on pour- rait supposer que cette

mèredequatreenfantsvitune exis- tence normaleoupresque.Relative facilité fruit de l’adaptation quoti- dienne face au handicap. Car le moindreexercice,fut-ilanodin,impo- se toutdesuitequelquesprécautions même si on est loin des contraintes subiesparlespersonnesatteintesde myopathies plus graves.

La famille Bulle a organisé plusieurs fois des marches à l’occasion du Téléthon à Levier. Des animations avec des pompiers qui se relayaient parfois pour porter Nicolas, le dernier fils de Martine lui aussi atteint de la maladie de Charcot-Marie Tooth.

gé qui lui permet de mieux se reposer et de suivre des séances de kiné ou d’ergothérapie. “Au collège, il est accompagné en per- manence d’une Auxiliaire de Vie Scolaire (A.V.S.). L’académie devrait lui prêter prochainement un ordinateur.” La famille Bulle a participé plu-

béquille pour se déplacer. Elle peut toujours conduire. Bien pra- tique pour s’occuper de Nicolas. La famille a également investi dans la construction d’un pavillon de plain-pied, équipé de portes plus larges et de sanitaires adap- tés. Dans l’esprit des gens, le han- dicap physique se résume sou- vent aux personnes en fauteuil. Vision compréhensible mais assez réductrice. “On m’interpelle par- fois quand je stationne sur une place réservée aux handicapées” , indique Martine qui dénonce l’absence de stationnement adé- quate sur la place de la Mairie ou devant le cabinet médical à Levier où elle réside.Autre détail symptomatique, les tapis de sol dans les commerces. Ils sont rare- ment au niveau des portes d’entrée. Ce qui augmente en hiver notamment les risques de glissade pour les personnes avec des béquilles. Cela n’a l’air de rien, mais c’est beaucoup pour les personnes moins valides. F.C.

Après sa première opération à l’âge de 6 ans, Martine en subi- ra ensuite plus d’une quinzaine. Les médecins ont mis des années avant de trouver l’origine exac- te de sa maladie en 1998, à la naissance de son dernier fils Nico- las, lui aussi atteint par la mala-

La maladie de Charcot-Marie Tooth 1A Les maladies de Charcot-Marie- Tooth ou C.M.T. regroupent un ensemble de maladies neuro- logiques. Il en existe plusieurs types dont la C.M.T. 1Aqui touche Martine depuis son enfance. Plu- sieurs membres de sa famille dont lʼun de ses fils, Nicolas, souffre de cette neuropathie héré- ditaire due à un défaut de la myé- line des nerfs périphériques. Elle se manifeste par des diffi- cultés dʼordre physique au niveau des membres inférieurs et par- fois supérieurs : difficultés à cou- rir, à sauter, à tenir en équilibre accroupi, à tenir sur les talons, à écrire. Cette maladie est peu ou pas évolutive et nʼa aucune influence sur lʼespérance de vie. Les difficultés de marcher peu- vent sʼaggraver avec lʼâge.

die de Charcot-Marie- Tooth T1A. “On ressent toujours de la fatigue au quotidien. Je n’ai jamais pu faire du sport, de la randonnée.Au quotidien, c’est une gêne perpétuel-

sieurs fois au Téléthon. De 2005 à 2007, elle organisait notamment une grande marche de Paris à Levier ou vice- versa avec l’aide des pompiers. “On a fait

Une première opération à l’âge de 6 ans.

le. Certains matins, je n’ai même pas la force de casser une ampou- le” , explique Martine. Son fils Nicolas est aujourd’hui scolarisé en 6 ème au collège Saint- Joseph de Levier. Les respon- sables de l’établissement font tout pour lui rendre la vie plus agréable. Ils n’ont pas hésité, par exemple, à transférer sa salle de classe au rez-de-chaussée. Exempté de cours de sports, d’heures d’études, il bénéficie d’un emploi du temps aména-

ensuite une pause mais on sera présent cette année. Le Téléthon m’a fait beaucoup de bien. On ne parlait jamais de la maladie en famille. C’était presque un sujet tabou. J’ai vécu le Téléthon com- me une vraie libération, débar- rassée de l’angoisse du regard des autres. Pour Nicolas, c’est pareil. Il n’a plus aucune réti- cence ou honte par rapport à sa maladie.” Plus fatiguée qu’avant, Martine utilise depuis deux ans une

Martine Bulle vit à son rythme et sans jamais se plaindre des douleurs musculaires qui la tourmentent chaque jour.

Céleste et Léandre, les ambassadeurs du Téléthon 2009

A.F.M.

Des techniciens d’insertion à l’écoute des familles Une partie des dons du Téléthon sert au financement des services régionaux de l’A.F.M. qui ont pour mission d’aider et d’accompagner les familles. Travail en réseau.

C éleste et Léandre ont 7 et 10 ans. Frè- re et sœur ils sont tous deux atteints de la même myopathie qui les prive, muscle après muscle, de leurs forces. Pour Anne-Isa- belle et Renaud, leurs parents, “lʼurgence est présente chaque jour. On voudrait que Léandre et Céleste puissent continuer à marcher et gardent le maximum dʼautonomie. La recherche

avance à grands pas et si, un traitement, un médicament arrive dans 10 ans, ils seront encore au début de leur vie. Cʼest notre devoir de parents de tout faire pour que ça arrive.” Dans leur village, dans leur famille, à lʼécole, un véritable mouvement de solidarité sʼest mis en place autour dʼeux. Tous, on est plus fort que tout.

L e service régional de l’A.F.M. en Franche-Comté inter- vient auprès de 242 familles concernées par les maladies neu- romusculaires. “On touche seu- lement un tiers des cas existants. On a enregistré l’an dernier 27 nouveaux dossiers et le mouve- ment tend à se développer” , obser- ve Céline Franon, l’une des deux techniciennes d’insertion franc- comtoise. Ergothérapeute de formation, elle travaille depuis 9 ans dans ce service. Intervenant sur demande, elle se rend réguliè- L’utilisation des dons Sur 100 euros versés au Téléthon en 2008 : - 7,10 € en frais de gestion - 10,80 € en frais de collecte et financement du Téléthon - 82,10 € pour les missions sociales : recherche, aides aux malades, essais thérapeu- tiques…

rement au domicile des familles. Son rôle : informer, accompa- gner, écouter, orienter, conseiller les malades et leurs proches sur toutes les questions médicales, juridiques, matérielles. “On n’est pas du tout dans la prise en char- ge médicale. Le service régio- nal s’inscrit dans un réseau de

rent à plus de bien-être, de loi- sirs, de répit.” Les relations avec les jeunes malades sont plus ouvertes. Les adolescents d’aujourd’hui n’hésitent plus à aborder des sujets autrefois tabous comme la sexualité par exemple. Jeunes ou adultes, très peu de malades

ou sur un autre individu. Dans le cas dʼune autogreffe, les cel- lules du patient devront être cor- rigées par transfert de gène avant dʼêtre réimplantées. Cette opé- ration qui combine thérapie génique et thérapie cellulaire est aussi appelée thérapie génique ex vivo. Cellules souches embryon- naires : cellules capables de se diviser tout au long de la vie, assurant le renouvellement des cellules dʼun individu. Par natu- re, elles sont capables dʼengendrer tous les tissus de lʼorganisme et peuvent donc régénérer, potentiellement, nʼimporte lequel dʼentre eux. Pour en savoir plus : www.afm-telethon.fr

Petit glossaire Les maladies neuromusculaires ou myopathies sont des mala- dies des muscles le plus souvent d’origine génétique. On en recense près de 200 formes différentes. Ces maladies peuvent survenir à tout âge et concernent aussi bien les enfants que les adultes. Certaines sont d’une extrême gravité.

vivent sereinement leurs myopathies. “Impossible d’accepter la maladie, aumieux, on s’en accom- mode” , explique la tech- nicienne.

structures associatives, institutionnelles et médi- cales” dit-elle. D’après une enquête réa- lisée l’an dernier, les demandes des familles

Impossible d’accepter la maladie.

Maladie rare : une maladie est considérée comme rare lors- quʼelle affecte une personne sur 2 000 au moins. On en recense entre 6 000 et 8 000. On estime quʼelles touchent 3 millions de personnes en France et 30 mil- lions en Europe. Thérapie génique : Cʼest une approche innovante issue des progrès dans les domaines de la génétique et des techniques de biologie moléculaire. Cette

stratégie consiste à introduire au cœur des cellules un gène ou un fragment de gène destiné à pal- lier une anomalie génétique res- ponsable dʼune maladie. Thérapie cellulaire : Rempla- cer des cellules déficientes ou disparues par des cellules saines. Cʼest le défi de la thérapie cel- lulaire. Il sʼagit dʼune greffe de cellules qui peuvent être préle- vées sur la personne malade (auto greffe ou greffe autologue)

portent d’abord sur des ques- tions médicales et l’avancée de la recherche. Second centre de préoccupation : la compensation des incapacités. “Les gens nous sollicitent pour remplir des dos- siers, en savoir plus sur l’aménagement des véhicules et d’autres aides techniques.” Céline Franon constate aussi une évolution dans les attentes des familles. “Au départ, il s’agissait de requêtes très prag- matiques sur la vie quotidienne. Maintenant, les familles aspi-

Son métier lui plaît. Elle appré- cie d’agir au plus près des familles, de leur apporter une écoute. “Il y a un côté relation- nel et humain très agréable. Il faut garder à l’esprit que les ser- vices régionaux sont uniquement financés grâce aux dons du Télé- thon. D’où l’importance de fonc- tionner dans un réseau capable de poursuivre nos missions si l’on venait à disparaître.” D’où l’importance aussi de continuer à soutenir le Téléthon. F.C.

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