Journal C'est à Dire 146 - Septembre 2009

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L E P O R T R A I T

Le Bélieu Claude Jacques, pèlerin infatigable Cet homme fait partie des sexagénaires actifs. Depuis qu’il a quitté l’enseignement, Claude Jacques se consacre à temps plein au bénévolat. En juillet, il est parti sur les chemins de Compostelle accompagner des personnes handicapées.

I l n’est pas du genre à pan- toufler, les orteils bien au chaud dans des charentaises. La retraite “télé, journal, bis- trot” , ce n’est pas son truc. “À ne rien faire, on finit par se démo- lir” admet Claude Jacques. Alors, pour ne pas se laisser happer par une subite mais néanmoins improbable envie de glandouiller, il s’active. À 63 ans, ce prof de microtechniques qui a quitté le lycée professionnel de Morteau il y a quatre ans ne tient pas en place. Sportif, bricoleur, il assu- me aussi son petit côté fêtard. “Après tout, je ne suis pas pres- sé d’être vieux” s’amuse le sexa- génaire. Sa moustache grison- nante cache un état d’esprit déri- dé et taquin. Son truc justement, c’est de par- tager du temps avec les autres, et de donner de son temps aux autres. Rien d’étonnant donc à ce que ce Mange-lard (c’est ain- si que l’on nomme les habitants du Bélieu) soit membre actif de nombreuses associations. Ran- donneur endurci, il sillonne les sentiers avec Varappe et Mon- tagne et Raids 25. Quand il ne s’échauffe pas les mollets, ce sont ses cordes vocales qu’il travaille. “ Je fais partie de deux chorales. Je suis engagé également aux côtés des Étoiles Noires. Avec

ze jours de marche, 250 kilo- mètres parcourus. L’expédition comptait 52 membres, logistique comprise. Parmi elles : cinq per- sonnes handicapées physiques et/ou mentales, installées cha- cune dans une “joëlette”. Il s’agit de fauteuils tout terrain à une roue tractés par 2 à 6 personnes. “Les premiers pas avec la joë- lette furent un peu chaotiques” raconte le bénévole. Mais la force de cet- te expérience humai- ne lui ont permis tout au long du sen- tier de dissiper les quelques signes de fatigue physique qui pointait sous un soleil de plomb. Claude Jacques aura appris beaucoup sur lui-même pendant cette aventure spirituelle aus- si. “Avant de me lancer dans ce projet, j’étais mal à l’aise lorsque je me trouvais devant une per- sonne handicapée. Je ne savais pas quelle attitude adopter.Main- tenant, je n’ai plus de complexes. Il faut que la personne valide considère la personne handica- pée comme son égale sans api- toiement. J’ai donné un peu mais j’ai reçu beaucoup pendant ce périple.” Du 5 au 20 juillet, il est parti à nouveau sur les chemins de Saint-

d’autres, je m’occupe du maté- riel, je l’installe et je le range. Franchement, quand je vois l’énergie de ces jeunes qui se défoncent pour cette association caritative, je ne peux pas rester les bras ballants.” Claude est comme ça, spontané, prêt à se démener sans retenue pour une cause qui lui semble juste. C’est en feuillant l’hebdomadaire

“La Vie” qu’il a fait connaissance avec l’association pari- sienne Compostelle 2000. Depuis une dizaine d’années, elle “relève le défi”

“Je ne peux pas rester les bras ballants.”

d’emmener sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle des personnes à mobilité rédui- te. L’histoire a emballé le mar- cheur. Nouveau déclic. Sans attendre, il a contacté l’association qui recherche des bénévoles. Comme il n’a pas l’habitude de faire les choses à moitié, il est devenu accompa- gnateur après avoir suivi une formation. “C’est dans ma natu- re” confie celui qui fit partie des brancardiers conduisant les malades à Lourdes. Claude Jacques a fait ses pre- miers pas de pèlerin l’année der- nière entre Saint-Jean-Pied-de- Port et Burgos en Espagne. Quin-

Marcheur invétéré, il a appris beaucoup lors de ses périples sur les chemins de Saint-Jacques.

Jacques en compagnie de Com- postelle 2000, muni de son bâton et du passeport du pèlerin. Cet- te fois-ci, il a relié Burgos à Léon. Comme il savait à quoi s’attendre, cette expédition fut moins émou- vante que la première. En revanche, il a pu mesurer à quel point le monde des valides igno- re celui des handicapés, le pre- mier tardant à s’adapter au second. Malgré les discours, il y a encore beaucoup à faire pour le rendre accessible aux personnes

à mobilité réduite. Fidèle à ses habitudes Claude Jacques n’a pas l’intention de rester les bras croisés face à ces inégalités. “Je veux m’adresser à tous les décideurs en leur propo- sant une journée du handicap. Ce jour-là, je voudrais que des personnes handicapées prêtent leur fauteuil à des élus, qu’ils soient maires ou députés, pour qu’ils se rendent compte de ce qu’ils vivent au quotidien. Tant que l’on n’a pas vécu le handi-

cap, on ne peut pas mesurer les galères auxquelles ils doivent fai- re face.” Vaste sujet et noble cause. Le pèlerin s’est mis au travail avec enthousiasme pour affiner son idée. Puisse son projet être prêt avant qu’il ne s’envole pour le Bénin en 2010 où des sœurs l’attendent pour qu’il rénove l’installation électrique de locaux. Infatigable ! T.C.

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