Journal C'est à Dire 144 - Mai 2009

L E P O R T R A I T

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Robert Reymond, ébéniste aux mains d’or Jamais dans sa carrière l’artisan n’avait eu à réaliser un tel travail de restauration. Sculpture, dorure, patine, cela fait des mois qu’il s’investit pour redonner au retable de l’église des Gras tout son éclat. Les Combes

Q uel est le point commun entre l’horloger Patek Philippe et Hassan II, le roi défunt du Maroc ? C’est en s’aventurant dans “l’antre de l’ours” que l’on trouve une partie de la réponse. L’indice est ce large établi couvert d’un joyeux fatras puis une panoplie d’outils qui ont cha- cun leur place, bien ancrés au mur. La suite, il faut la demander au maître des lieux, qui par affection a baptisé ainsi cet espace dans lequel il égraine les heures par passion professionnel- le. Blouse blanche, petites lunettes posées sur le nez, regard bleu acier, les che- veux courts argentés, voici Robert Rey- mond, artisan ébéniste, conservateur du patrimoine. Le bonhomme d’un gen- re discret ne paie pas de mine. Mais des collectionneurs viennent de loin pour solliciter ses talents de restau- rateur. Des pièces exceptionnelles sont passées par son atelier aménagé aux Combes, dans une grange encore impré- gnée de l’odeur de miel des fermes com- toises. Dans son musée personnel, Has- san II avait une pendule dont l’ha- billage en bois a reçu les soins de l’ébé- niste. L’entreprise Patek Philippe est également en possession de pièces d’hor- logerie sur lesquels il est intervenu. Deux exemples pris parmi d’autres. Pour l’instant, c’est la rénovation du retable de l’église des Gras qui occupe l’artisan. Cette opération lui a été confiée par la municipalité sensible aux remarques des paroissiens qui voyaient se dégrader sous leurs yeux ce meuble en bois du XVIII ème situé à l’arrière de l’autel. Ce retable est une pièce monumentale pyramidale, de

trois mètres par trois, au décor sculp- té, peint par endroits tandis qu’à d’autres il est couvert d’une feuille d’or. Au fil des ans, ce symbole de l’église des Gras était devenu la terre d’asile des champignons et le refuge d’insectes xylophages.À force de creuser, les petites bêtes ont fini par transformer la struc- ture en un pain d’épices friable. Tout cela sous le regard impuissant de la statue en noyer de Renobert, le Saint Patron des Gras ! Il y avait donc urgen- ce à intervenir. Pourtant, en apparence, l’édifice appa- raissait malgré tout dans un état assez satisfaisant. C’est après l’avoir démon- té avec une précaution liturgique pour le véhiculer dans son atelier que Robert Reymond a découvert “les mauvaises surprises. Coupole cassée, socle du tam-

“On soupçonnait que ce retable était du XVIII ème siècle. La date nous a été confir- mée en démontant la coupole où figu- rait cette indication : “Fait par Mon- sieur Sire de Morteau. 1701.” Ça a été une grande émotion de découvrir cette signature. Je ne cache pas qu’ensuite on appréhende le travail de rénovation avec un autre respect.” Robert Reymond a effectué des recherches sur l’auteur. Il s’avère que le nom figure au Bénézit, le diction- naire de référence des peintres, sculp- teurs, dessinateurs du monde entier. Mais il y un doute sur le prénom. S’agis- sait-il de Balthazar, sculpteur de retable dans le Haut-Doubs au début du XVIII è- me siècle, ou de Blaise qui a travaillé pour les églises de Saint-Bénigne à Pontarlier, Frasne et Orgelet. Robert

Ciseau à bois en main, Robert Reymond reprend les sculptures du retable. Chaque geste est précis. Un travail long et minutieux.

Reymond n’a pas la réponse. Toujours est-il que ce retable qui n’était même pas inscrit au registre du patrimoine vient de prendre d’un coup de la valeur. Cela fait plusieurs mois main- tenant, qu’entre les mains de

bour éclaté, miroir à chan- ger, les garnitures des pan- neaux qui n’ont révélé leur état qu’une fois démonté. Ajoutons que ce retable a longtemps été éclairé à la bougie, ce qui explique la présence de mil- liers de petites gouttelettes de

À la manière d’un médecin légiste qui examine un corps.

administrer une résine. “Le principe à respecter en rénovation est que chaque opération que l’on mène doit être réver- sible. Modifier ce meuble n’est pas ima- ginable” insiste l’artisan qui est entré dans le vif du sujet. Avec minutie, il reprend le décor du retable, sculptant, dorant, patinant. À chaque étape, l’ar- tisan use de sa dextérité et de sa tech- nique. “Pour une dorure, 17 opérations préliminaires sont nécessaires avant d’aboutir à cet effet brillant. On ne sait qu’à la fin si on en a raté une d’elles” confie Robert Reymond qui avoue n’avoir jamais fait de dorure de cette ampleur. À chaque coup de ciseau à bois, à chaque passage de la pierre d’agate pour polir, il songe au créateur du retable. “J’ai dans mon atelier 250 ciseaux à bois. Il m’en manque pour réaliser certaines

sculptures. Je me demande comment ils travaillaient à l’époque, mais il est sûr qu’ils étaient talentueux.” Ce retable dont la rénovation sera ter- minée dans quelques mois, est une piè- ce maîtresse de la carrière de Robert Reymond. Mécanicien de formation, il est devenu ébéniste il y a trente ans moins par passion du bois que par amour des “vieilles choses.” Plus qu’un créateur de meuble formé notamment en Italie, son défi est de redonner vie au mobilier, qu’il s’agisse d’une com- mode de famille que lui confie un par- ticulier, où d’une pièce de collection d’un musée. Robert Reymond s’applique, son génie fait le reste. T.C.

l’ébéniste, il retrouve son éclat. Pour commencer, toutes les pièces ont été envoyées à Grenoble au centre d’étu- de nucléaire où pendant trois semaines elles ont été exposées à des fortes doses de rayons gamma qui détruisent tous les organismes vivants “Larves, œufs, insectes, rien ne résiste à l’exception de quelques champignons.” À la suite du traitement curatif, l’artisan a procédé à un traitement préventif contre les insectes. Robert Reymond a ensuite consolidé chaque élément en les pla- çant sous perfusion de manière à leur

cire collées sur la dorure. Pour les enle- ver, il n’y a qu’une seule solution : un petit fer chaud et du papier buvard” dit-il. La patience est une des qualités d’un ébéniste au chevet du patrimoi- ne. Le spécialiste reconnaît cependant “jurer parfois tous les dieux de la ter- re” devant cette relique, fût-elle reli- gieuse, lorsque les choses ne vont pas comme il le souhaiterait. À la manière d’un médecin légiste qui examine un corps, il s’est livré à un diagnostic précis du retable. À cette étape, il y aussi les bonnes surprises.

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