Journal C'est à Dire 143 - Avril 2009

P L A T E A U D E M A Î C H E

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Une morille nommée désir Contrairement à l’an dernier, le fameux champignon se fait plus rare dans le Val de Morteau alors que dans la val- lée du Dessoubre, la cueillette serait meilleure. Il reste encore quelques semaines pour espérer remplir son panier. Nature

La réglementation chez nos voisins Les Suisses réglementent… et viennent en France En France, la législation est simple : “Un cueilleur a le droit de ramasser 2 kg de champignon par jour.” En Suisse, la cueillette est soumise à de nombreuses réglementations qui diffèrent selon les cantons. Exemple : le canton de Vaud a édicté un règlement concernant la protection de la flore qui introduit des limitations de récolte des champignons (espèces rares et lieux protégés). Bref, cʼest un peu “lʼusine à gaz”. Nos voisins sont en passe dʼunifier le droit de cueillette mais cer- tains experts ne sont pas dʼaccord, estimant quʼil faut légiférer par- ce que des espèces seraient en danger. Dʼautres pensent que la cueillette des champignons ressemble au ramassage des cerises : “Ce n’est pas parce que vous prélèverez beaucoup de cerises une année qu’il y en aura moins l’année prochaine.” Du coup, beau- coup de Suisses passent la frontière pour venir chercher le pré- cieux sésame qui agrémentera le plat du dimanche. La Suisse abrite plus de 5 000 espèces de champignons. Des 3 000 espèces pour lesquelles existent suffisamment de données, 32 % sont menacées à un niveau plus ou moins critique, comme le démontre la nouvelle Liste rouge, qui a été compilée par lʼInstitut fédéral de recherche W.S.L. Les espèces les plus menacées sont celle s qui poussent dans les marais et dans les prairies et les pâturages maigres. Diverses études ont récemment montré que la cueillette des champignons comestibles ne semble pas avoir une influence importante sur la survie des populations. En revanche, le piétinement du sol lié au ramassage des champignons réduit le nombre de fructifications de manière notable.

“E n 2008, j’ai trouvé 726 morilles. Cette année, j’en suis à peine à 50. Heureusement que l’on a fait notre stock” s’amuse Fernand Guyot, des Fins. Si les morilleurs ont souvent du mal à parler du résul-

tat de leur cueillette, par peur d’être suivis dans leurs fameux coins, Fernand Guyot a bien vou- lu nous ouvrir les portes de sa passion. Il s’est toutefois bien gardé de donner des indices géo- graphiques sur les endroits à

morilles. Logique, ce champignon se mérite. “Je prends mon sac à dos et je pars pour la journée… pour ne revenir parfois qu’avec sept morilles !” Cette année 2009 sera selon lui moins bonne que l’année der- nière en terme de quantité. Cela ne l’empêche pas de sillonner les bois de Morteau à la recherche du fameux champignon. “Avec la neige, on s’attendait à ramas- ser beaucoup de morilles. Mais la première neige est restée trop longtemps. Le sol, plein d’azote, a été brûlé” explique Fernand qui bénéfice des conseils de son épouse, membre de la société mycologique du Val de Morteau. Certains de ses bons coins ont disparu. Il se souvient notam- ment de ce jour où il a cueilli 63 morilles à la même place ! L’exploit n’a jamais été réédi- té. “J’avais 500 grammes de morilles fraîches. Une fois séchées, il restait 100 grammes.” Problè- me : les coupes des bois des bûcherons font disparaître cer- taines taches. Il faut donc repar- tir à la recherche d’autres coins : “On regarde les sapins, l’exposition au soleil. Les morilles se trouvent en lisière de forêt. On en a parfois trouvé dans des pâtures et même dans une faille de rocher” concède Nicole, épou- se de Fernand. Si ces champignons se font attendre dans le Haut-Doubs, le ramassage aurait été meilleur dans “le bas”, du côté de la val-

lée du Dessoubre. Certains cher- cheurs de champignons arro- seraient des tâches avec des arro- soirs selon des locaux. Nous n’avons toutefois pu vérifier l’information. La chasse aux morilles, c’est un peu l’omertà. Paraît-il qu’un œil avisé et un sacré nez sont nécessaires. Sans doute. Encore faut-il avoir de bonnes de bonnes jambes pour aller à la rencontre du cham- pignon qui se fond parfaitement dans une nature en ébullition. Voici quelques conseils. Jauger le sol. La découverte des morilles est liée à un certain nombre d’indices. Ainsi, un sol calcaire ou argilo-calcaire, les terrains sablonneux qui jouxtent les cours d’eau sont des endroits propices. La vallée du Dessoubre est un terrain propice. Regarder les arbres. La sève riche en glucose de certains arbres et de plantes est une précieuse alliée. Le frêne est sans contes- te le plus apprécié avec le sapin mais pas l’épicéa, mais les essences sont très variées : orme, érable, aubépine, noisetier, bou- leau et peuplier, les fruitiers tels que les pommiers et les cerisiers évoluant dans les vieux vergers. Regarder les plantes. Côté plantes, surveillez les artichauts parfois au pied des rosiers ou des framboisiers. Le rond-point de Villers-le-Lac, les coupes de bois, les zones sinis- trées par des incendies, les friches, remblais et les endroits

Fernand Guyot, des Fins, a trouvé environ 50 morilles pour le moment. “Une mauvaise année.”

où la terre a été remuée sont autant de sites à prospecter. Il y a quelques années, les morilles poussaient sur les ronds-points à l’entrée de Pontarlier et au rond-point de Villers-le-Lac et vers les entrepôts “Ruggeri”. Ce sont les écorces de sapins dépo- sées qui avaient permis aux champignons de pousser. “Ce sont des morilles remplies de plomb et de CO2. Je conseille de ne pas les ramasser” dit Lionel Gattaud, président de la société mycolo-

gique du Val de Morteau. En combien de temps pousse une morille ? Certaines variétés d’agarics évoluent en quelques heures, tout au plus en une nuit, apparaissant une fois le matin et une nouvelle fois le soir. Les couper ou les arracher ? “Mieux vaut les arracher déli- catement” conseille Lionel Gat- taud. Il faut environ 5 heures pour que les champignons libè- rent leurs spores. E.Ch.

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