Journal C'est à Dire 142 - Mai 2009

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V A L D E M O R T E A U

Alexandre Chouffe change de braquet Parcours L’ancien cycliste professionnel du V.C.C.M.M. est aujourd’hui un artisan polyvalent. Autodidacte et opiniâtre, il se lance seul dans des projets de rénovation colossaux.

Hommage à Joseph Brocard Grand’Combe-Chateleu

Décédé en février dernier à 88 ans, l’ancien résistant du Haut-Doubs Joseph Brocard emmène une page de l’histoire locale avec lui. Il était le dernier survivant du réseau “Agir”. C ontrairement au Journal de Genève, au Figaro ou au New-York Times, nous ne demanderons pas 850 euros au fils de Joseph Brocard pour publier un avis de décès dans nos colonnes pour rendre un der- nier hommage à son père, disparu en février dernier. Plus qu’un principe, rendre “un dernier hommage” à cet ancien résistant était un devoir. C’est en tout cas ce qu’estime XXXXX Pourchet qui avait rencontré l’homme lors de l’inauguration de l’Eurostar reliant Londres à la France. “Quand j’ai appris son décès, je trouvais qu’il était nor- mal de faire quelque chose” déclare M. Pourchet . Décédé à l’âge de 88 ans, les contemporains de la seconde guerre mondiale ont connu ou déjà entendu parlé de Joseph Brocard et de ses exploits. Avant d’être résistant, il tenait un bar- restaurant à Pontarlier. Avec sa disparition, il laisse le réseau Résistance Agir orphelin, lui qui a œuvré le long de la frontière suisse, de Gran- palmes, la King Medal for Courage décernée par les Britanniques. Avec Michel Hollard, autre résistant, il a notamment fourni, via l’ambassade du Royaume-Uni en Suisse, des informations essentielles sur l’emplacement des bases de fusées V1 lancées par les Allemands sur la capi- tale de la Grande-Bretagne. “Durant toute la guerre, mon père n’a jamais, bien qu’armé en permanence, tué un homme. Sa meilleure arme et protection étaient la discrétion” dit Michel Brocard, son fils qui a gardé des attaches avec la famille Cuenot demeurant au hameau Der- rière-le-Mont. Cette dernière est aujourd’hui installée à La Chaux-de-Fonds. Elle avait accueilli Joseph Bro- card alors que celui-ci venait de s’évader des “Redevable envers la famille Cuenot.” d’Combe-Chateleu jusqu’à Pontarlier. Joseph Brocard avait reçu de nombreuses décorations pour ses faits d’armes, parmi lesquelles, outre la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec

I l en viendra à bout. La déter- mination de ce garçon est trop forte pour qu’il se laisse décou- rager par le chantier de rénova- tion de l’ancienne Maison de la réserve de Labergement-Sainte- Marie qu’il a entrepris. Il y a pourtant tout à faire pour rendre habitable ce bâtiment de quatre étages à la silhouette fantoma- tique. Sa carcasse austère en béton armé, érigée pendant l’entre deux guerres, se dresse à l’entrée de ce village du Haut-Doubs pon- tissalien. Tout est à faire pour transformer cette ancienne friche industrielle en un petit collec- tif de 13 appartements. Un chantier de taille pour un promoteur qui confierait chaque poste à des entreprises du bâti- ment. Mais il devient colossal pour un seul homme qui l’exécute dans ses moindres détails com- me le fait en ce moment Alexandre Chouffe. Il s’est atte-

lé en solitaire à la rénovation de cet édifice ! “Il y a cinq ans, je ne savais rien faire, même pas poser une tringle à rideau sourit- il en faisant le tour du proprié- taire. À 34 ans, ce gaillard serein et tranquille est devenu un bâtis- seur. Un rôle qu’il assume depuis

j’étais en pleine force de l’âge, je faisais 700 km par semaine.” Pour le grand public, Alexandre Chouffe est toujours ce coureur, un routier sprinteur, tenace et puissant, qui après avoir fait ses preuves chez les amateurs que ce soit à l’Amicale cycliste bison- tine ou auV.C.C.M.M. (Vélo Club

qu’il a quitté brutale- ment le cyclisme. C’était en juin 2003, à Plume- lec enBretagne, lors des Championnats de Fran- ce. Après avoir passé

des Cantons deMorteau et Montbenoît) de 1995 à 1997, s’est hissé chez les pros. En 1998, il intègre l’équipe Bigmat- Aubert. C’est avec elle

“Je n’acceptais plus le système.”

quatre ans chez les pros, il venait de retrouver le peloton amateur et courait sous le maillot du S.C.O.D. (Sprinter Club Olym- pique Dijon). Il chuta violemment pendant l’épreuve après avoir été bousculé par une voiture de cour- se. Rideau. “Cette chute m’a cas- sé moralement. Ça a été le tour- nant de ma vie et de ma carriè- re car j’ai tout arrêté. À l’époque

qu’il gagnera une étape sur le Tour de l’Avenir et participera à de grandes courses comme Paris- Roubaix et leTour duQatar avant de signer en 2002 chez Oktos. Il devait être au départ duTour de France 2001 mais il fut écarté de la sélection au dernier moment. Alexandre Chouffe se targue d’avoir toujours roulé à l’eau clai- re. Il n’a jamais pu se résigner à accepter le dopage, cette “tri- cherie organisée.” Cette facette peu glorieuse du cyclisme pro- fessionnelle - entre autres - l’a toujours répugné. “J’ai aussi vou- lu quitter les pros car j’en avais marre de me battre contre des extraterrestres. Je n’acceptais plus le système.” La roue tourne mais Alexandre Chouffe n’a jamais vraiment tour- né cette page sportive de sa vie. Licencié à Pontarlier il roule enco- re aujourd’hui pour le plaisir avec des amis, comme Vincent Phi- lippe et Didier Faivre-Pierret. L’artisan passe plus de temps à se passionner pour le patrimoi- ne que pour le vélo. T.C.

Natif de Pontarlier, Joseph Brocard est décédé à l’âge de 88 ans. Il était le dernier résistant du réseau Agir. Pour les Anglais, son nom de code était Bart.

mains de la Gestapo. Il avait été surpris en train de relever des plans d’un aérodrome dans le Cal- vados. Blessé à la colonne vertébrale, il avait été opéré en Suisse. “Nous sommes redevables envers cette famille” précise le fils de Joseph Bro- card. “Elle a facilité le passage de la frontière grâce à un code rudimentaire signalant les rondes allemandes simplement en laissant la porte d’une grange ouverte. Ils ont restauré les hommes du réseau Agir. Nous entretenons toujours une rela- tion avec cette petite fille d’une dizaine d’années qui se souvient très bien encore avoir vu mon père, ce fugitif blessé, porté par mon parrain.” Si le résistant est parti, le souvenir demeure. Michel, le fils, en est le garant. E.Ch.

Alexandre Chouffe se passionne pour le patrimoine qu’il rénove seul.

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