Journal C'est à Dire 142 - Mai 2009

L A P A G E D U F R O N T A L I E R

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Saignelégier La meilleure bière au monde est suisse

La brasserie des Franches-Montagnes de Saignelégier est sous pression. Le très sérieux journal américain “New-York Times” l’a élue meilleure bière au monde. Depuis cette annonce, l’entreprise suisse est quasi en rupture de stock. Rencontre avec un breuvage original et artisanal.

A ux États-Unis, sa bière est devenue tendance au point que certains grands restau- rants installés sur Madi- son Square Garden à New- York proposent la bouteille demagnumà environ 115 dollars ! “Ils sont complè- tement fous !” s’amuse Jérôme Rebe-

jour, un de mes collaborateurs installé aux États-Unis m’a annoncé la nouvel- le… Que notre bière était la meilleure au monde.” Au départ, Jérôme a pensé à une blague. Mais une fois le journal dans les mains, plus besoin pour lui et ses cinq sala- riés de se frotter les yeux. La blague

tez, responsable de la bras- serie des Franches-Mon- tagnes. Pour ce Suisse ori- ginaire de la région de Sai- gnelégier, le titre décerné par le journal Le “New-

n’en était pas une. Désor- mais, la Brasserie des Franches-Montagnes (B.F.M.) est sous le feu des projecteurs offrant une renommée à la fois appré-

“On fait de l’antimarketing.”

York Times” est un sacré coup de pub. Un sacré coup de hasard aussi. “Un

ciée et redoutée puisque l’entreprise “est en rupture de stock sur certains

Jérôme Rebetez a créé sa brasserie grâce à un jeu de la Télé Suisse romande (T.S.R.). Douze ans plus tard, l’œnologue voit sa passion récompensée avec le titre de “meilleure bière au monde” décernée par le journal “The New York Times”.

produits” annonce le gérant. C’est le cas pour la bière intitulée “Abbaye de Saint-Bon Chien” , celle primée. Sa par- ticularité : une cuvée aux reflets rou- ge-ambré mûrie pendant de longs mois (12) dans les fûts de chêne ayant déjà contenu du vin ou des eaux-de-vie. “Ces fûts donnent des arômes très complexes à cette bière. En bouche, elle rappelle la trame d’un vin rouge fruité avec une acidité très marquée” explique Jérôme Rebetez. L’homme sait de quoi il parle. Logique, il est ingénieur en œnologie et passion- né : “Lorsque j’habitais chez ma mère, je produisais déjà de la bière. Mais je n’ai jamais réussi à travailler avec une entreprise. J’ai alors créé la mienne”. C’est un jeu à la télévision suisse roman- de (T.S.R.) qui lui permet de réaliser son rêve d’entrepreneur : “Je partici- pais au jeu “le rêve de vos 20 ans” sur la T.S.R. Mon rêve était de créer une

brasserie. J’ai gagné 28 000 euros… ” Il s’est alors lancé en créant la brasserie B.F.M. en 1997. Douze ans après, c’est le succès que l’on connaît. Sa recette : “Être imagi- natif et faire de l’antimarketing, dit Jérôme. En appelant notre bière “Abbaye”, on fait un pied de nez aux bières belges qui s’appellent toutes “Abbaye” alors qu’il n’y en a même pas ! Ce qui fait l’artisanal n’est pas la taille de l’entreprise mais ce que l’on met dans la bière”. Et paf. L’homme dégaine aus- si vite qu’il décapsule. Pourquoi alors avoir baptisé une de ses bières “Abbaye de Saint-Bon Chien” ? Réponse du bras- seur : “Notre chat s’appelait Bon-Chien. Un inconnu l’aurait assassiné en lui faisant boire de la bière industrielle. Nous l’avons alors sanctifié”. Décalé mais passionné, Jérôme écume la planète. En France, sa bière s’achète à Besançon (Hyperboissons). Outre aux

U.S.A., elle est présente en Italie, bien- tôt en Suède. Même si les tarifs doua- niers pour exporter dans le pays de l’Oncle Sam sont élevés (prix d’achat multiplié par trois), les parts de mar- ché augmentent. L’homme prépare l’avenir et de nouvelles mixtures. Il attend des fûts ayant contenu du vin jaune et du macvin pour y placer son breuvage. “ Ç a va déchirer” annonce- t-il. Il prévoit également de créer une bière biologique pour le marché bio de Saignelégier qui se tiendra en sep- tembre. Chez B.F.M., les idées coulent à flot… E.Ch.

Renseignements : Brasserie des Franches-Montagnes 2350 Saignelégier www.brasseriebfm.ch

Agriculture Lait : bientôt la fin des quotas en Suisse La Suisse va sortir des quotas en 2009. Cette libéralisation inquiète les producteurs d’autant plus que la Confédération suisse a décidé d’ouvrir des négociations en vue d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne valable dès 2013.

L a fin du contingentement, c’est le 1 er mai 2009 chez nos voisins suisses. À cet- te date, la Confédération se retire du système et laisse la main aux producteurs et aux acheteurs de lait. Ce changement modifie radi- calement les rapports entre les uns et les autres comme l’explique Daniel Geiser, le directeur-adjoint de la fédération Prolait qui ras- semble 1 800 exploitations princi- pales et d’alpages sur les cantons teurs, ce qui revient à se garantir un prix pour une quantité définie. Soit on s’associe à l’acheteur en pen- sant mieux se positionner sur le mar- ché. Celui-ci ne garantit, dans ces conditions, que la prise en charge mais aucunement le prix.” Prolait soutient fermement la pre- mière stratégie. Elle est dans la même logique que la Fédération des Producteurs suisses de lait (F.P.S.L.) à laquelle elle adhère. “Cette organisation faîtière a pro- posé la constitution d’un pool natio- nal d’achat et de vente de lait d’industrie. Ce mode de gestion col- de Neuchâtel, Vaud et Fri- bourg. “Deux attitudes sont possibles. Soit on assure toute la gestion des quan- tités de lait à l’amont avant de discuter avec les ache-

Daniel Geiser pointe également du doigt les évolutions de la politique agricole suisse et son impact sur le revenu des producteurs. Les aides sur les produits ne font que dimi- nuer et ne sont que partiellement compensées par des paiements directs liés aux prestations. “Au 1 er janvier 2009, 15 centimes par kg sont versés par la Confédération pour le lait transformé en fromage et 3 centimes par kg pour le lait de non-ensilage. Ce sont les dernières aides directes qui existent encore pour le marché laitier.” L’accord sur le libre-échange des pro- duits agricoles entre la Suisse et l’Union européenne peut aussi avoir des conséquences dramatiques. “L’ouverture réciproque des marchés induit l’alignement des prix suisses au niveau européen. Cela représen- te une perte jusqu’à 40 % des reve- nus chez les agriculteurs suisses. On estime que les conditions sont assez inhumaines. C’est pourquoi, on tient tant à défendre le prix du lait en maî- trisant la gestion de l’offre. En agis- sant ainsi, on assure d’une part du revenu aux producteurs et on confor- te d’autre part l’avenir de l’agriculture dans notre pays.”

lectif permet de contractualiser les quantités de base par producteur. On peut ensuite accorder des volumes supplémentaires si l’on a les mar- chés. L’objectif essentiel, pour son bon fonctionnement, est de lier 80 % du lait destiné à l’industrie en son sein.” L’industrie laitière est concentrée notamment dans quatre sociétés : Emmi, Cremo, Elsa et Hochdorf qui absorbent 1,8 milliard de litres de lait. Ces grands groupes ont mis en place l’Association Lait Suisse prix du lait et une bourse des laits excédentaires qui seraient vendus au prix mondial. Autre logique, autre démarche. Si les filières fromagères s’appuyant sur une interprofession forte com- me celle du Gruyère A.O.C. sont peu concernées, il en va donc tout autre- ment du lait industriel. “Attention, Prolait n’est pas contre l’évolution du moment pourvu qu’elle s’organise de façon concertée. La taille moyen- ne des exploitations laitières en Suis- se romande avoisine 160 000 kg de lait. On peut aller à 200 000 kg mais par étape.” (A.L.S.) avec des producteurs consentants. Cette organi- sation n’entend pas propo- ser de gestion des quantités au niveau des producteurs mais seulement un index du

Une perte de 40 % des revenus.

Daniel Geiser, directeur-adjoint de la Fédération Prolait, estime indispensable que les producteurs s’organisent pour maîtriser l’offre.

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