Journal C'est à Dire 141 - Février 2009

11 D O S S I E R ET SI LA SUISSE S’EFFONDRAIT ?

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Le mot “crise” est actuellement dans toutes les bouches. Ce n’est plus une invention de journalistes mais la réalité est bien, notre pays s’enfonce lentement dans un marasme économique qu’on dit sans pré- cédent. L’économie du Haut-Doubs a la particularité - c’est souvent vécu comme une chance - de vivre en grande partie grâce à la prospérité de nos voisins suisses qui emploient, et le chiffre n’a fait

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qu’augmenter jusqu’à cette année, des milliers de travailleurs français. De l’autre côté de la frontière, les premiers signes d’un ralentissement se font sen- tir. Nos amis suisses refusent pourtant de prononcer le mot “crise”. Les pre- miers licenciements sont déjà à déplorer chez les grands fabricants. Le savoir- faire suisse sera-t-il assez fort pour juguler ce mouvement naissant ? Conjoncture Quand la Suisse tousse, la France tremble. En janvier 2009, le taux de chô- mage dans le canton de Neuchâtel a progressé de 4,3 % avec un pic à La Chaux-de-Fonds. La hausse du nombre de chômeurs constatée le mois der- nier (+ 406) est la plus forte jamais enregistrée depuis le mois de décembre 2002 rendant l’avenir incertain… mais pas encore bouché. Les groupes horlogers tablent sur une reprise de l’activité même si aucun n’est capable d’avancer une date. Après le plein-emploi, place à une régulation du marché du travail. Simple rhume passager ?

“S i à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a raté sa vie" . Min- ce, il ne me reste plus que 23 ans pour en por- ter une au poignet ! Sans rire, cette phrase lancée par Jacques Séguéla lors d’une émission sur France 2 est en train de faire le tour d’Internet comme les aiguilles d’une montre font le tour du cadran. Du grand n’im-

porte quoi. Invité sur France 2 pour parler de son livre “Autobiographie non autorisée”, Jacques Séguéla a défendu son ami Nicolas Sar- kozy sur son côté “bling-bling” . Gageons que l’horloger de luxe appréciera ce slogan offert par le publicitaire et cette publicité gratuite. Si la phrase fait sou- rire ou grincer des dents, elle est révélatrice d’un état de fait :

la montre, même en période de tassement économique, reste un élément “au contenu émotion- nel” note Fabrice Deschanel, P.D.G. de la société Renaud et Papi au Locle (groupe Audemars Piguet) qui ne connaît - pour le moment - pas la crise. Si elle fait rêver, la montre fait- elle encore vivre les entreprises et leurs salariés ? Sûr que oui… même si les industriels horlo- gers préfèrent utiliser le ter- me de tassement que celui de “crise” . C’est bien connu, le mot ne fait pas vendre. Mieux, il n’est pas justifié pour établir le dia- gnostic de l’horlogerie qui après avoir connu le plein-emploi revient dans la “norme”. Selon les services économiques du can- ton de Neuchâtel, la tendance actuelle n’a rien de comparable avec l’énorme crise des années soixante-dix (près de 100 000 emplois ont été supprimés). Seu- le différence aujourd’hui : la cri- se est financière et non pas tech- nologique. Néanmoins, les chiffres sont là “mais il faut tou- jours faire attention avant de les commenter” annonce Caroline Choulat, chef du service éco- nomique à La Chaux-de-Fonds. Mais parfois, ils parlent d’eux- mêmes… En janvier 2009, le taux de chômage a progressé dans le canton de Neuchâtel pour s’établir à 4,3 % en jan- vier 2009 alors qu’il était de 3,6 % l’année dernière. Même en hausse, ce chiffre res- te plus bas que celui de 2006 puisqu’à l’époque, le taux de chô- mage s’établissait à 4,6 % de chômage avec 5 770 demandeurs

d’emploi. À la fin janvier 2009, le can- ton de Neuchâtel comptabilisait 5 207 demandeurs d’emploi et 3 731 chômeurs. En un mois, c’est tout de même 406 chômeurs de plus ! Dans ces chiffres, où sont les frontaliers ? Le bureau de la sta- tistique du chômage de Neu- châtel tente de les comptabili- ser en les regroupant dans la catégorie “étrangers”. Le constat est édifiant avec 365 chômeurs de plus sur an dont 204 pour le seul mois de janvier. Ils sont

à nouveau les plus touchés. En effet, le nombre de demandeurs d’emploi de sexe masculin aug- mente de 267 unités contre une hausse de 74 personnes pour les femmes. Cette hausse plus pro- noncée pour les hommes s’ex- plique par la forte dégradation enregistrée dans le secteur de la construction. L’horlogerie n’est donc pas la seule à licencier, la mécanique de précision, le secteur de la construction et les groupes de manufacture taillent également dans leurs effectifs. Caroline

les accords bilatéraux. Mieux, Bernard Soguel, conseiller d’État à la République et canton de Neuchâtel, a avancé un point positif lors de la conférence des régions européennes frontalières de la Suisse qui s’est tenue le 6 février dernier à Besançon. Le conseiller n’est en effet pas contre l’idée de voir des entreprises françaises venir travailler en Suisse à condition que “les Suisses puissent en faire de même.” L’échange doit fonc- tionner dans les deux sens. Fran- çais et Suisses l’ont bien com- pris bien que l’évolution dans le secteur industriel devrait être “ à nouveau négative, annonce le secteur économique neuchâte- lois. Toutefois, l’ampleur et la durée de cette dégradation res- tent difficilement quantifiables.” Pour l’heure, les entreprises hel- vètes ont les reins assez solides pour passer 2009. Seul remè- de pour les soulager : une repri- se. Et vite !

1 743 à tenter de retrou- ver une activité. Dans cet- te catégorie, on ne préci- se pas le nombre de fran- çais mais ils représente- raient 90 % de cette caté-

Choulat préfère nuan- cer cette idée : “À La Chaux-de-Fonds, les projets de création d’en- treprises ne sont pas arrêtés. Trois nouveaux

Les hommes sont plus touchés.

gorie. Selon la nationalité, les Suisses voient leur effectif de demandeurs d’emploi augmen- ter de 143 unités contre une hausse de 198 unités pour les personnes de nationalité étran- gère. Selon le sexe, les hommes sont

bâtiments vont naître au Crêt- du-Locle. Il s’agira de manu- factures d’habillage.” Les entreprises spécialisées dans le médical seraient également sur la brèche. Bref, le contexte est morose à la différence près que le peuple suisse a confirmé

E.Ch.